Gel de l'abattement pour vétusté des navires de plaisance
Éléments d'analyse suite à l'article de l'Union nationale des associations de navigants :
L'article 224 du Code des douanes dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 prévoit un gel d’abattement pour vétusté appliqué au droit de francisation et de navigation.
Autrement dit l'abattement est supprimé depuis le 1er janvier 2019 pour les propriétaires de navires qui n'en bénéficiaient pas encore. A l'inverse, les navires qui bénéficient de l’abattement continueront à en bénéficier au même taux.
Cette mesure peut être appréhendée sous une triple lecture :
D'une part, le principe de l’abattement du DAFN pour vétusté dont bénéficient les navires de plaisance ou de sport incite les propriétaires à conserver des bateaux anciens, plus polluants que les nouveaux bateaux mis sur le marché. Au regard des enjeux de développement durable, cette disposition est d’autant plus paradoxale que plus le navire est ancien, plus l’abattement est important. L'objectif semble ainsi d'inciter les propriétaires à changer de navire vieillissant voire de s'inscrire dans une démarche de recyclage de leur navire en fin de vie.
D'autre part, cette mesure impactera essentiellement les bateaux neufs mis aujourd'hui sur le marché et fortement motorisé avec certainement un objectif de dissuasion au regard de l'impact environnemental, mais le cas échéant ralentir le marché du renouvellement.
Comment concilier l'objectif de sortie de flotte des navires vieillissants au risque de ralentissement des ventes des navires neufs ?
Enfin cette mesure se justifie également du fait d’une forte dégressivité de la taxe, les entrées en flotte ne suffisant plus à compenser les sorties d’un nombre important de navires du dispositif par l’effet mécanique des abattements vétusté.
Par ailleurs, à la différence de nombreux dispositifs fiscaux, ces abattements obéissent à un barème qui ne connait pas d’actualisation automatique et le vieillissement de la flotte de plaisance conduit à une baisse de l’assiette de collecte du DAFN.
Enfin, les mesures de mise en place d'une fiscalité verte en lien avec le financement du conservatoire du littoral et des rivages lacustres, de la responsabilité élargie du producteur pour les bateaux de plaisance (filière REP à hauteur de 2% puis de 5%) et le financement de la société nationale de sauvetage en mer (SNSM), assises pour partie sur la mobilisation de cette ressource fiscale rendait nécessaire de faire contribuer au moins en partie les navires les plus anciens à ce dispositif.
Selon les chiffres recensés en 2016, les 10 000 navires de moins de dix ans contribuent à hauteur de 16,5 millions au produit brut du DAFN, tandis que les 160 000 navires de plus de 25 ans ne contribuent qu’à hauteur de 5 millions
Pour rappel, les 22 directions régionales des douanes assurent la gestion du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN). Le produit du DAFN était de 45.3 M€ en 2016 sachant que le coût de gestion de cette taxe représente 19.62% ce qui est particulièrement élevé.
La Cour des comptes a soulevé l'inadaptation de cette organisation puisque la gestion du DAFN ne nécessite aucun besoin de proximité, pas plus d’ailleurs que la francisation des navires et la conservation des hypothèques maritimes, assurée dans les recettes régionales des douanes.
En outre, dans son dernier rapport concernant les taxes à faible rendement la Cour signale le coût de collecte très élevé du droit annuel de francisation et de navigation et du droit de passeport des navires de plaisance, qui atteint près de 20 % du rendement de ces deux impôts dont le produit annuel est d’environ 45 M€. Comme la Cour l’a déjà recommandé à plusieurs reprises dans ses rapports publics, la mise en place, trop longtemps repoussée, d’un portail dématérialisé commun à la douane et à l’administration des affaires maritimes permettrait de simplifier la double procédure de l’immatriculation et de la francisation des navires, unique en Europe et incompréhensible pour l’usager. Elle contribuerait à moderniser ces deux taxes, dont le produit est tendanciellement en diminution, et d’en réduire le coût de gestion, aujourd’hui disproportionné
Pour rappel, est redevable de cet impôt tout propriétaire d’un navire de plaisance de sept mètres et plus, ou d'une longueur de coque inférieure à sept mètres doté d'une motorisation égale ou supérieure à 22 CV, ayant obtenu la délivrance par le service des douanes d'un acte de francisation.
Les navires francisés destinés à la pêche et au commerce sont exonérés de la taxe. Un droit de passeport est perçu dans les mêmes conditions que le DAFN pour les navires de plaisance immatriculés à l'étranger et appartenant à des personnes ayant leur résidence principale ou leur siège social en France.
Depuis le 1er janvier 2013, les propriétaires de véhicules nautiques à moteur (VNM) dont la puissance réelle des moteurs est supérieure ou égale à 90 kW doivent également acquitter le DAFN ou le droit annuel de passeport selon le cas.