Gilets jaunes : et si on essayait la raison ?

Gilets jaunes : et si on essayait la raison ?

Face aux outrances et aux mensonges, le débat voulu par le gouvernement risque de tourner au dialogue de sourds. On ne doit pas pour autant renoncer à combattre ces « passions tristes » qui sont en train de triompher en Italie, aux Etats-Unis ou en Hongrie.

Un grand débat pour quoi faire ? Si l'on en juge par la pauvreté des slogans, le flot d'insanités qui circulent sur les réseaux sociaux et l'incapacité des gilets jaunes à faire émerger de leurs propres rangs des propositions communes, l'exercice voulu par le gouvernement risque de tourner au dialogue de sourds. Le peuple contre les élites, la périphérie contre les citadins, la rue contre les médias, les boxeurs contre les gendarmes... ce n'est plus un fossé, c'est un gouffre qui semble aujourd'hui séparer ces deux France.

Pour les  quelques dizaines de milliers de manifestants qui battent encore le pavé, samedi après samedi, on peut même parfois douter de leur volonté d'engager la moindre discussion tant la protestation est devenue un but en soi. Quand la déstabilisation n'est pas, chez certains, le seul objectif revendiqué.

« Passions tristes »

Il ne faut certes pas négliger le poids des souffrances sociales et des ruptures économiques qui ont conduit à cette impasse. Mais il ne faut pas non plus renoncer à combattre ce que Spinoza, le philosophe de la démocratie, appelait « les passions tristes » : la haine, la peur, la colère ou le mensonge. Toutes ces outrances qui nourrissent le pessimisme et la recherche de boucs-émissaires. Si ce débat peut avoir un seul intérêt, c'est de remettre un peu de raison sur la place publique. Et tenter de repousser ces passions qui sont en train de triompher en Italie, aux Etats-Unis ou en Hongrie.

Alors que dire ? D'abord que la violence, contre les forces de l'ordre ou les journalistes, est inacceptable et doit être sanctionnée. Répondre inlassablement  aux « fake news » et autres mensonges qui tournent en boucle autour des ronds-points : non, la France n'a pas recruté de gendarmes à l'étranger pour réprimer les gilets jaunes, non elle n'a pas vendu sa souveraineté à l'ONU en signant le pacte de Marrakech... Rappeler ensuite quelques vérités utiles. Qu'il ne suffit pas de nationaliser les banques ou de répudier la dette pour que la France aille mieux, que les dépenses sociales dans notre pays sont parmi les plus élevées au monde, et que les redistributions par le système fiscal gomment beaucoup plus qu'ailleurs les écarts de niveaux de vie.

Faisons un vœu. L'exécutif avancera ces arguments, en profitera pour rappeler tout le travail (on n'ose dire les efforts) accompli depuis 18 mois, plus qu'au cours des 18 dernières années, tout en reconnaissant humblement ses faux-pas. L'opposition, au moins celle qui croit à la démocratie, arrêtera de souffler sur les braises de la violence et de la démagogie. Les corps intermédiaires reviendront dans le jeu. Quant aux gilets jaunes, ils vont admettre qu'ils ne sont pas le peuple et qu'ils ne sauraient le représenter sans porter un mouvement politique structuré. Alors, peut-être, le débat pourra être utile.

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