Infirmiers libéraux et SSIAD : un coût annuel qui peut varier du simple à plus du double !
Dans une enquête remise au Sénat « Les SSIAD, une offre à développer dans une stratégie territorialisée de gradation des soins », la Cour des comptes considérait que seuls les SSIAD constituent une alternative à l’EPHAD. Les sages de la rue Cambon pour arriver à cette conclusion, se sont limités à évaluer le différentiel de coûts publics par place entre SSIAD et EHPAD. Ils se sont bien gardés de faire apparaitre le différentiel de coût annuels par personne entre SSIAD et prise en charge par les infirmiers libéraux, précisait pourtant « qu’il s’agit de soins très proches ». Les infirmiers libéraux étant rémunérés également au forfait pour les soins aux personnes dépendantes, osons la comparaison sur une prise en charge lourde…
La réforme en cours de la tarification des Services de Soins Infirmiers à Domicile (SSIAD) a pour objectif de modifier le modèle de financement de ces services, historiquement basé sur une dotation forfaitaire indépendamment du profil des usagers.
Entrée en vigueur en 2023, avec application progressive de ses effets jusqu’en 2027, les moyens supplémentaires qui lui sont dédiés attendront 229 millions d’euros qui s’ajoutent à l’enveloppe de financement historique des SSIAD et SPASAD.
L’ Arrêté du 25 août 2023 fixe pour 2023 les montants forfaitaires applicables aux SSIAD. Pour l’année 2023, le montant du forfait annuel par place autorisée, relatif aux frais de structure et de déplacement est de 8 626,27 €.
S’ajoute à ce montant un des neufs forfaits hebdomadaires relatifs aux interventions des soignants, en fonction du classement des personnes prises en charge. Pour quatre forfaits avec interventions le weekend, des majorations d’un montant forfaitaire sont appliquées dans les cas suivants : GIR 3 et GIR 1/Intervention pour diabète insulinotraité/prise en charge conjointe (PECC) par un IDE et/ou un aide-soignant.
Avec la généralisation du Bilan de soins Infirmiers et pour répondre aux recommandations de la même Cour des comptes, les soins infirmiers pour un patient dépendant quel que soit son âge font désormais l’objet d’une rémunération journalière forfaitaire. Il est donc tout à fait possible de comparer les coûts annuels pour une même prise en charge entre SSIAD et infirmiers libéraux.
SSIAD-Infirmiers libéraux: un diférentiel de coûts annuel qui interpelle
Prenons comme hypothèse haute pour calculer le coût annuel d’une prise en charge en SSIAD le cas le plus lourd : une personne classée en groupe iso-ressource 1 ou 2, atteinte de diabète nécessitant une injection d’insuline par jour, ayant eu recours à l'intervention conjointe de deux professionnels (notamment aide-soignant et infirmier) et bénéficiant d’un accompagnement le week-end.
Selon mon estimation, (forfait annuel structure : 8 626.27€/forfait hebdomadaire intervention n°9 : 268.52€x52 semaines= 13 963.04€/majoration n° 3b : 224,87 €x52 semaines= 11 693.24€), le coût annuel dans ce cas pour un SSIAD s’élèverait à 34 282€
La prise en charge d’un même profil de patient par un cabinet d’infirmiers libéraux ferait l’objet d’une facturation forfaitaire journalière sur la base du forfait le plus élevé (BSC) avec comme hypothèse deux passages quotidiens dimanches et jours fériés compris ainsi qu’une injection d’insuline par jour avec adaptation des doses après contrôle de la glycémie capillaire.
En se référant à la NGAP, l’infirmier libéral devrait facturer quotidiennement à l’assurance maladie, 37.35€ pour un premier passage (forfait BSC/dextro et injection d’insuline décotées à 50%/indemnité de déplacement), et 2.75€ de déplacement pour le second passage, soit 37.35€€ par jour.
Recommandé par LinkedIn
Si l’on ajoute à ce montant journalier deux majorations par dimanches et jours fériés (64x2x8.50€), en 2024 le coût global annuel de cette prise en charge s’élèverait à 14 720€.
A supposer que le patient nécessite trois injections d’insuline par jour, l’écart resterait majeur, avec un montant de prise en charge libérale annuelles à 18 568€.
Deux poids, deux mesures
Comme s’il était besoin d’attiser encore plus la colère grandissante des infirmiers libéraux, s’ajoute à ce différentiel de coût l’annonce récente de la création de 25 000 places de SSIAD supplémentaires d’ici 2030, y compris dans les zones considérées comme sur-dotées en infirmiers libéraux (IDEL). Ce plan prévoit 4 000 places par an de 2023 à 2026 et 2 500 places par an de 2027 à 2030. Cette initiative est inscrite dans la dernière loi de financement de la Sécurité sociale.
En effet, Le Décret n° 2023-260 du 7 avril 2023, entré en vigueur le 9 avril, autorise désormais les ARS à prendre des décisions dérogeant à la règlementation relative aux modalités d’autorisation des SSIAD et son articulation avec le dispositif de régulation du conventionnement des infirmiers libéraux. Fort heureusement La convention de 2008 prévoyait la possibilité de suspendre l’application de la régulation démographique applicable aux infirmiers libéraux, dans la zone considérée, en cas d’ouverture ou d’autorisation de places de SSIAD dans une zone sur dotée. Reste à savoir comment cette précaution conventionnelle sera réellement appliquée, compte tenu de l’hétérogénéité du réseau des CPAM.
Paradoxalement, si la Cour des comptes n’a pas jugé utile de comparer les coûts de structures avec les prises en charge libérales dans son rapport remis au Sénat, concernant la traçabilité de l’activité, elle met clairement en exergue le fait que la « tarification des actes selon la NGAP rend compte de l’activité des infirmiers dans leurs dialogues avec les CPAM ». Par contre en ce qui concerne l’activité des SSIAD, elle précise « alors qu’un bordereau trimestriel détaillé était auparavant transmis à la CPAM, les informations sont désormais communiquées dans le cadre de Resid-ESMS et ne retracent plus que les entrées et sorties et les suspensions de séjours. Les CPAM sont donc en partie aveugles sur l’activité des services médico-sociaux de soins à domicile ».
Les infirmiers libéraux qui depuis la LFSS 2023 peuvent faire l’objet de récupérations d’indus calculés, sur la base de quelques dossiers litigieux, par extrapolation à l’ensemble de leur activité apprécieront !
Cette succession de problématiques de prime abord bien distinctes et pourtant si intimement liées, pose le problème de l’avenir même de l’exercice libéral infirmier s’il n’est envisagé que comme un supplétif des services médico-sociaux ou des établissements d’HAD. Le service rendu par les infirmiers libéraux est-il pris en compte à sa juste valeur dans les prévisions de développement établis par le ministère de la santé ?
Article rédigé par :
Philippe Tisserand-One Another Consulting
--
8 moisEffectivement une Idel coûte moins cher sur l’exemple que vous vous venez de détailler, mais qui prend en charge la toilette dans ce cas de figure ? Vous pensez qu’une Idel a le temps de prendre en charge une toilette complète au lit ?
--
8 moisCela ne m étonné guère. Un passage deux fois par jour pour une infirmiere qui facture en BSi et qui ne ne facture qu un déplacement pour son deuxième passage .cela ne peut être que économique.. on se demande qu elle autorité de la profession infirmière à pu accepter un tel texte
Infirmière
9 moisUn grand Merci pour cette étude. Il serait intéressant de la faire avec les HAD Privés qui ont un fonctionnement particuliers.
Infirmière libérale
9 moisDoit on attendre la mort par asphyxie de la profession d infirmières libérales pour se rendre compte du service rendu de cette profession qui subit maintenant une véritable condamnation à mort par les diverses législations qui étranglent plus qu elles n encadre cette activité !! C est un tel gâchis …
INFIRMIERE libérale en colère responsable PACA syndicat ONSIL Conseillère technique nationale ONSIL admin du groupe collectif des idel en colère dept 13
9 moisJ’adore