Innover en Nutraceutique Européenne - idée #2 : Repenser la "Naturalité".
1° Introduction
Dans le secteur nutraceutique, comme dans de nombreux autres secteurs, la Naturalité est devenu une aspiration de plus en plus forte du grand public. Pourtant cette notion de naturalité et les bénéfices que le consommateur en retire n'ont cessés de se transformer au cours des dernières années. Plusieurs bienfaits sont ainsi venus s'ajouter les uns aux autres et il apparait important pour une marque nutraceutique naturelle qui souhaite rester à la pointe de la "Naturalité", de bien prendre en considération ces "strates de bénéfices perçus", tout en identifiant celles qui se profilent à l'horizon. Cette dimension "Naturalité" est en effet une fantastique opportunité d'innovation.
Dans cet article, je vous propose d'analyser les différents bénéfices perçus de la naturalité et vous parle de ce que je considère comme une des nouvelles voies, qui s'épanouit déjà Outre-Atlantique et pourrait bien se développer sur le marché de la santé naturelle européenne, dans un avenir très proche.
2° Les bénéfices perçus de la "Naturalité"
2.1. Naturalité = Sécurité
Il y a une trentaine d'années, la notion de "naturalité", dans les produits de santé, était essentiellement liée à l'opportunité de bénéficier d'une alternative plus saine/sûre aux produits issus de l'industrie pharmaceutique de synthèse. Mettre en avant l'importance de la sécurité d'utilisation du produit naturel a probablement également contribué au développement de l'agriculture biologique dans ce secteur des produits naturels de santé (danger des pesticides pour la santé).
On notera que c'est cette quête de sécurité dans la naturalité qui a également mené au discours persistant et pourtant totalement erroné de "Naturalité = Innocuité". C'est aussi ce bénéfice sécurité qui permet le développement des gammes destinées aux enfants (on a tendance à être plus vigilants pour ses enfants que pour soi-même).
2.2. Naturalité = Déculpabiliser
Lorsque les produits issus de l'agriculture biologique se sont popularisés, la dimension "sécurité" n'a plus été suffisante pour se différencier et c'est la question du développement durable qui est venue s'y ajouter. On voit ici l'émergence d'une forme d'éco-anxiété où l'impact environnemental et éthique de la consommation devient un "pain point" que le consommateur veut éviter. La RSE se développe progressivement avec une mise en avant de "reforestation des zones détruites par la production", de "protection des abeilles et placement de ruches", de "projet d'accès à l'eau ou de construction d'école", etc.
C'est aussi cette démarche qui va initier une tendance toujours en développement : Raconter son Sourcing. Se faisant, la marque rassure sur le fait que l'acte de consommation n'a aucun impact négatif et va même parfois avoir un impact positif sur tous les acteurs de la chaine de valeur. Cette tendance devrait d'ailleurs prendre une nouvelle forme en rencontrant l'univers du luxe, sublimant l'histoire de l'ingrédient pour en faire un pur élément de l'univers de marque. Bien que la plupart des exemples soient aujourd'hui cosmétiques (Marques "indie eco-luxury" en tête), de nouvelles marques nutraceutiques ont également opté pour cette approche, comme la jeune marque DIOME .
2.3. Naturalité = Appartenance
Face à une polarisation de tous les débats qui se transforment en guerre des tranchées sur les réseaux sociaux, le grand public cherche "son camp/clan". Chaque personne cherche alors à afficher par chacun de ses gestes du quotidien, son appartenance à une communauté idéologique. Le consommateur se fait de plus en plus "consom-acteur" et opte pour des produits naturels, sans pesticides, sans OGM, locaux, "qui ont permis à Marc & Sophie de faire revivre l'exploitation familiale au coeur de la provence", etc.
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Certaines labellisations RSE vont progressivement intégrer cette dimension "Appartenance" à la dimension "Déculpabiliser". C'est notamment le cas de la certification B-Corp. A l'univers des données (et ses concepts de "net zero", etc.), on vient donc ajouter un univers de convictions.
Notons au passage que cette dernière strate va aussi mener à une forme de défiance vis-à-vis des grands laboratoires et ce pour deux raisons : d'une part ils sont considérés comme le symbole d'un establishment quand le consommateur est en quête d'alternative (cet effet reste cependant limité à une catégorie de consommateur). D'autre part, ils parlent souvent à un large public et ne sont donc pas en mesure de proposer le niveau de différenciation et d'identité de marque distinctive (en souhaitant parler à tout le monde, ils ne génèrent plus adhésion de personne).
3° L'émergence d'une "nouvelle" Naturalité : One Health
Si, pour une minorité de la population, la notion d'interconnectivité entre la nature, ses écosystèmes et la santé humaine, apparaissait évidente, ce principe a commencé à gagner en popularité auprès du grand public. Aujourd'hui, le consommateur veut que sa santé soit un voyage qui permette non seulement d'assurer sa longévité et son épanouissement mais également de donner un sens à sa démarche.
La tendance "One Health" est profondément liée à une prise de conscience écologique qui pousse une part croissante de la population à s'interroger sur l'impact de ses choix de consommation. En effet, si tout acte de consommation fait partie du problème, alors le fait d'acheter un produit "moins problématique" qu'un autre n'est pas réellement une solution. Cette prise de conscience amène à un conflit entre "le refus de décroissance" et "l'aspiration à faire partie de la solution et pas du problème".
Dans ce contexte, le consommateur eco-conscient et/ou eco-anxieux cherchera à consommer des produits qui non seulement n'auront pas d'impact négatif sur le monde mais contribueront même à l'améliorer. L'acte de consommation se fait geste noble.
B° Agriculture Régénérative : le futur du "One Health" ?
L'agriculture régénérative est une pratique agricole, qui se focalise à la fois sur la santé des sols, les cycles de l'eau et l'entretien de la biodiversité. Son but est donc d'enrichir les écosystèmes qui produisent les ressources plutôt que de les exploiter. Il s'agit donc d'un win-win qui envoie un message relativement surprenant : consommer ces ressources, c'est enrichir l'écosystème et contribuer ainsi activement à la restauration de la nature. Conceptuellement, il s'agit donc d'une approche qui répond parfaitement au "One Health". Elle permet aussi de capitaliser sur l'idée de "raconter son sourcing". Cette démarche va permettre plus de transparence mais va également impliquer le consommateur dans le processus de création (deux aspirations fortes).
Il est intéressant de remarquer que l'utilisation de l'agriculture régénérative dans la production de produits de santé naturelle s'est particulièrement développée sur le marché nord américain. Voici d'ailleurs quelques exemples de marques nutraceutiques anglosaxonnes qui ont fait le choix de l'agriculture régénérative et en ont fait un pilier de leur discours de marque :
De quoi inspirer les laboratoires européens pour le futur. Attention, le développement d'une filière d'approvisionnement reposant sur l'agriculture régénérative demande de réinventer les partenariats entre producteurs et laboratoires. Il s'agit donc d'une démarche chronophage et qui s'inscrit dans la durée. C'est la raison pour laquelle, les marques souhaitant faire de cette démarche un élément différenciant qui démontre leurs convictions, doivent s'investir dès aujourd'hui dans son implémentation, afin de pouvoir récolter les fruits de cette approche dans le futur. Il ne s'agit donc absolument pas d'une stratégie d'innovation "court-termiste". A bon entendeur...
Stratège en développement de formations pharmaceutiques | Fondatrice de Pharm'Training Lab | Créatrice de solutions pédagogiques pour booster vos ventes
3 moisComme vous le dites, le court- termiste au revoir. Dans ce monde actuel où tout doit aller vite, où on voit des stratégies commerciales modifiées chaque année, combien oseront appuyer sur le frein?