Sourcing Phytothérapeutique - Episode 2 : l'Hydraste du Canada
Hydrastis canadensis flower - Source : wiki commons

Sourcing Phytothérapeutique - Episode 2 : l'Hydraste du Canada



1. INTRODUCTION


Plante médicinale Nord Américaine par excellence, le Goldenseal ou Hydraste du Canada (Hydrastis canadensis) présente une racine de couleur jaune vif, plébiscitée pour ses vertus médicinales aussi bien par les traditions Amérindiennes que par les laboratoires phytothérapeutiques américains modernes.

Protégée par l'annexe II de la convention CITES; difficile à cultiver en agriculture intensive et relativement onéreuse, l'Hydrastis reste pourtant particulièrement apprécié des herboristes américains et naturopathes anglo-saxons (y compris en Australie). La racine devient d'autant plus prisée qu'elle contient des molécules au potentiel santé significatif sur les sphères immunitaire/digestive (via le microbiote?) mais surtout métabolique (glycémie et métabolisme lipidique). Cette dimension métabolique est une grande tendance nutraceutique en Occident et particulièrement Outre-Atlantique, amplifiée par la vague "Ozempic" sur laquelle les adeptes de la berbérine espèrent pouvoir surfer, en proposant une alternative certes moins percutante mais plus naturelle. De quoi attiser la curiosité des laboratoires européens puisque la plante est présente dans la liste "Non-novel food" Belge (et donc utilisable sur le marché européen).


2. MOLECULES D'INTERET EN NUTRACEUTIQUE


Comme de nombreuses racines médicinales, le Goldenseal présente une grande diversité de composés bioactifs. Ce sont cependant les molécules responsables de sa couleur dorée qui sont au cœur du potentiel santé de la plante : les alcaloïdes isoquinoléiques. Ces derniers apparaissent d'ailleurs comme les molécules actives les plus étudiées de l'Hydraste.

Il est intéressant de noter que l'alcaloïde le plus spécifique de l'Hydraste du Canada est l'Hydrastine et pas la berbérine (que l'on retrouve en abondance dans d'autres espèces comme Berberis artistata). C'est pourtant cette dernière qui fait l'objet du plus grand nombre d'études. Sa teneur ne doit donc surtout pas être négligée même lorsque la fiche de spécifications du fournisseur ne fait allusion qu'a l'Hydrastine (utilisée pour assurer qu'il s'agit bien d'Hydrastis).

Au delà des alcaloïdes, la présence d'acide chlorogénique et néochlorogénique est également intéressante, d'autant que la première à été largement étudiée pour ses bienfaits sur la sphère métabolique.

Enfin certains flavonoïdes ont été mis en évidence dans les feuilles de la plantes, conférant à cette partie des propriétés différentes de la racine (notamment antibactériennes) mais avec moins d'effets au niveau métabolique, car moins d'alcaloïdes.

Si l'on en croit la pharmacopée américaine (USP), une racine séchée de Goldenseal doit contenir a minima 2% d'Hydrastine et 2.5% de Berberine. Il est cependant à noter que certains extraits standardisés du marché américain montent à 5% d'Hydrastine.

Il est intéressant d'observer que contrairement aux médecines traditionnelles asiatiques (Kampo, Hanbang, TCM, etc.), les traditions américaines sont finalement peu investiguées via la Science moderne, préférant s'appuyer sur la tradition. Par conséquent, il existe encore peu de données sur le Goldenseal en tant que substance active et la plupart des études font en fait références à ses molécules actives isolées. La précieuse plante des Appalaches n'a donc pas encore révélé tous ses secrets.


3. LES DIFFERENTS MODES DE CULTURE


Culture sous ombrage

Bien qu'elle permette un rendement supérieur et qu'elle ne contribue pas à "l'épuisement" des populations sauvages, la culture sous ombrage prive la plante de certains stimuli environnementaux (nature humique du sol et richesse fongique notamment). L'absence de ces stimuli pourrait avoir un impact sur le profil moléculaire du rhizome. Néanmoins, pour peu que les racines produites dans ce contexte soient utilisées dans un extrait standardisé en molécules actives, ce type de culture n'est pas nécessairement à proscrire.

Une vigilance supplémentaire quant à la présence potentielle de pesticides et autres contaminants devra cependant être appliquée. En effet, si le taux de pesticides et métaux lourd est rarement élevé au cœur des forêts montagneuses des Appalaches, il n'en va pas de même pour une zone de culture sous ombrage qui est, bien souvent, un terrain agricole plat classique où le tracteur peut venir pulvériser sans trop de difficultés.


Culture en forêt

De nombreux projets ont lentement permis de développer une forme de culture simulant le milieu forestier. Inspirée de la culture en forêt du ginseng, cette approche permet de garantir des conditions similaires aux conditions sauvages tout en offrant un meilleur rendement que la récolte sauvage.

On restera vigilant sur la présence potentielle de pesticides. En effet, la plante ayant une valeur commerciale élevée, certains producteurs n'hésiteront pas à appliquer manuellement des pesticides en forêt afin d'éviter une dégradation massive de leur production.


Récolte en milieu sauvage

La récolte en milieu sauvage reste encore aujourd'hui la principale source de Goldenseal sur le marché. Elle permet certes d'offrir une qualité de profil intéressante mais le coût de la main d'œuvre ainsi que les démarches nécessaires à l'obtention des autorisations CITES (la plante est à l'annexe II) en font un produit particulièrement premium. Par ailleurs, une cueillette sauvage augmente le risque d'adultération accidentelle par un récolteur distrait ou moins expérimenté.



4. RISQUES D'ADULTERATION


4.1. Adultérants issus d'autres espèces végétales

4.1.1. Quelles sont les espèces adultérantes?

Voilà déjà de nombreuses décennies que la valeur élevée des racines d'Hydrastis a poussé les acteurs peu scrupuleux du secteur à l'adultération (notamment à l'aide d'autres espèces végétales). Les espèces adultérantes ont cependant changé avec l'évolution du marché. En effet, historiquement l'Hydrastis était un produit local de l'Est de l'Amérique du Nord, collecté essentiellement dans les forêts des Appalaches est régions alentour. Les espèces utilisées pour l'adultération étaient alors des espèces vivant dans le même biotope (Coptis trifola, Xanthorhiza simplicissima, etc.). Lorsque le commerce de goldenseal s'est étendu à l'échelle nationale, d'autres espèces originaires de l'Ouest des Etats-Unis ont cette fois été intégrées à la liste des adultérants (Berberis aquifolium, Coptis occidentalis, etc.). Enfin, avec la mondialisation, ce sont les plantes d'autres régions du monde (encore moins onéreuses) qui furent préférentiellement utilisées comme le Coptis japonica ou le Coptis chinensis, issus d'Asie.


4.1.2. Comment les détecter?

La très grande majorité des plantes utilisées pour l'adultération de l'Hydraste du Canada, présentent un point commun: leurs racines sont riches en alcaloïdes. Cependant, la nature de ces alcaloïdes est différentes selon l'espèce sélectionnée. Identifier les alcaloïdes présents dans un échantillon permet donc d'identifier certaines sources d'adultération. Voici quelques exemples:

  • Berberine : la présence de berbérine dans l'échantillon n'est pas une preuve d'adultération ni d'authenticité car cet alcaloïde est présent à la fois dans le goldenseal et dans les autres espèces précédemment citées.
  • Hydrastine : l'hydrastine est un alcaloïde qui semble exclusif à l'Hydraste du Canada. La détection d'hydrastine permet donc de garantir que l'échantillon contient du Goldenseal mais ne permet pas de garantir que l'échantillon n'a pas été adultéré.
  • Canadine : contrairement à l'hydrastine, la canadine ne semble pas être un alcaloïde spécifique à l'Hydraste du Canada. Elle a en effet été également identifiée dans Berberis vulgaris. Sa présence ne permet donc pas de garantir que de l'Hydrastis est présent dans un échantillon.
  • Palmatine, Coptisine & dihydrocoptisine : ces trois alcaloïdes sont absent de l'Hydrastre du Canada. Leur détection dans un échantillon est donc une preuve d'adultération. Leur présence ne permet cependant pas d'identifier l'espèce utilisée comme adultérant. En effet, ces deux alcaloïdes sont présents dans la quasi-totalité des adultérants modernes du goldenseal (Coptis chinensis, Berberis aquifolium et Berberis vulgaris).
  • Jatrorrhizine : la jatrorrhizine est un alcaloïde absent de l'Hydrastre du Canada. Sa détection dans un échantillon est donc une preuve d'adultération. La plupart du temps la présence de cet alcaloïde indique une adultération par Berberis aquifolium.


4.2. Adultérants issus de la même espèce

Comme beaucoup de racines médicinales onéreuses, il n'est pas rare que certains acteurs peu scrupuleux utilisent les feuilles de la plantes comme adultérant. En effet, adultérer une plante à l'aide d'une autre partie de celle-ci permet de garantir une conformité lors d'un test ADN. Cependant, contrairement à sa racine, la feuille de Goldenseal ne contient que peu de d'alcaloïdes et son utilisation comme adultérant aura donc tendance à diminuer la concentration en alcaloïde du lot. Il est à noter que dans certains contextes, l'utilisation de la feuille pourrait s'avérer pertinent. Ainsi, certaines données semblent mettre en avant la présence de flavonoïdes spécifiques dans la feuille. Ces derniers auraient tendance à soutenir l'activité antimicrobienne du Goldenseal et l'utilisation de feuilles pourrait donc être pertinent dans les formulations qui viseraient une application topique.



5. PAR OU COMMENCER MON SOURCING ?

Comme pour la plupart des plantes médicinales natives des Etats-Unis (Black Cohosh/Actea racemosa, False Unicorn / Chamaelirium luteum, American Ginseng / Panax quinquefolius), il est toujours préférable de commencer par prendre contact avec les initiatives du secteur qui contribuent à un sourcing responsable. C'est notamment le cas de "United Plant Savers" qui fait office de référence dans le domaine.


Fabienne CRAHAY

R&D Supervisor chez Ortis

3 mois

Peut-être difficile à utiliser vu que l'AR belge indique que la portion journalière recommandée ne doit pas conduire à une ingestion d'alcaloïdes isoquinoléiniques (exprimée en berbérine) supérieure à 10 mg. A vérifier

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