Interview du Docteur Arnaud Chiche (Collectif Santé en danger) par Vincent Ricouleau
Docteur Arnaud Chiche, ayant créé le Collectif juridique des droits des PADHUE, je fais des interviews des acteurs de la santé, engagés dans une action visant à préserver la qualité de notre système de soins. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de m'entretenir avec vous.
Dites-nous quel parcours vous avez effectué.
Je suis né à Montréal en 1975. J'ai fait mes études de médecine à Lille. Je suis diplômé en anesthésie réanimation chirurgicale et en réanimation médicale. J’ai des compétences aussi en infectiologie, ayant exercé dans une réanimation, spécialisée en maladies infectieuses, pendant une dizaine d’années. Depuis 2016, j’exerce à temps plein dans une polyclinique chirurgicale privée à but non lucratif. Mon activité principale, aujourd’hui, est l’anesthésie et la réanimation chirurgicale. Je participe à la permanence des soins à l’hôpital d’Arras, en prenant des gardes de SMUR et en régulation médicale au 15.
Vous vous investissez beaucoup dans la défense de la santé. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous faites.
Je suis en effet le fondateur et le président de l’association "Collectif Santé En Danger". Cette association, née après le Ségur de la Santé, a pour but de faire des propositions. Celles-ci sont faites par des praticiens de terrain et par des usagers. Depuis 2020, nous exerçons un lobbying sur la santé sur le territoire, auprès des médias, auprès des politiques de territoires et au niveau national. J’ai été reçu plusieurs fois par le ministre de la santé. J'ai aussi été auditionné par le service santé de l’Elysée, par le président du Sénat, et par plusieurs commissions sénatoriales. Notre programme Santé s’appelle le vrai Ségur de la Santé.
Comment pouvez-vous décrire la situation médicale actuelle ?
Le sujet de la santé pourrait être résumé à l’accès aux soins. Que cela soit en ville, dans les campagnes, dans les grandes banlieues, dans les territoires reculés, ou dans les villes moyennes, il est aujourd’hui, très difficile de se soigner pour plusieurs raisons. Il est trop rare d’avoir un médecin généraliste facilement. Les services d’urgences sont engorgés, leur fonctionnement est entravé et la régulation est complexe. Une fois hospitalisé, les conditions d’hébergement dans les hôpitaux sont difficiles. Le manque de personnel médical et paramédical empêche, de manière chronique, un fonctionnement fluide des hôpitaux. La sécurité est délétère pour les patients et pour les professionnels de santé. Par conséquent, il en résulte des cadences de travail non compatibles avec les règles de base de l'attractivité ou de la qualité de la vie au travail. La conséquence est une fuite du personnel des hôpitaux. Le point de vue des politiques est assez incompréhensible. La démographie médicale et paramédicale est catastrophique, et rien n'est fait pour provoquer un choc démographique, afin de restaurer cet accès aux soins. Les difficultés d’accès aux soins peuvent aussi avoir des conséquences sur le suivi des pathologies chroniques, sur la nécessité d’interventions chirurgicales, sur la périnatalité. Notons que notre président voudrait un choc démographique, mais en manque de sage-femme et de maternités ouvertes, comment faire ? Le vrai sujet est donc l’accès aux soins. Mais plusieurs spécialités sont en déclin, telle la psychiatrie, le médico-social, le monde du handicap, la prise en charge des personnes âgées, etc. etc. Dans ce contexte, la politique de prévention n’a pas assez de robustesse. Comme le C, A, R, E n’est pas garanti, il est illusoire d’imaginer des politiques de prévention suffisamment élaborées. Nous exerçons un lobbying justement pour restaurer le bouclier sanitaire des Français
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Comment se projeter dans le monde médical de demain ? Pouvez-vous nous dire ce que sera la médecine de demain ?
Quelles que soient les évolutions du système de santé et de la pratique de la médecine, le numérique, l’intelligence artificielle, les progrès thérapeutiques, les innovations thérapeutiques, la robotique, il ne faudra pas brader la relation humaine. La relation entre le médecin et le patient, c’est fondamental.
En tant que responsable de l'association, quelles sont vos cibles et les moyens que vous utilisez ?
Nos cibles sont les décideurs, les influenceurs, les médias, les politiques. Nos cibles sont ceux qui veulent réellement améliorer l’espérance de vie des Français. Je vous rappelle que les chiffres tant de l’espérance que de la mortalité en France, ne sont pas bons du tout. Notre objectif est d'intervenir auprès des décideurs et des politiques.
Et si c'était à refaire ?
Sur le plan personnel, je ne changerais rien. Je suis un vrai passionné par mon métier, il me convient, je suis épanoui ! Je suis un vrai médecin de terrain. Mon activité est diversifiée, polyvalente et je ne peux qu’encourager des jeunes à suivre le même parcours que le mien. En ce qui concerne le Collectif, il est né d’une démarche spontanée, d’un cri du cœur, et donc, la structuration de ce Collectif a été impactée par le côté spontané de la démarche. Si c’était à refaire, je créerais une structure beaucoup plus professionnelle. J’irais chercher des capitaux, pour exercer un lobbying encore plus important.
Que dites-vous aux jeunes qui démarrent leur cursus de médecine ?
Achète-toi des livres, n’attends pas forcément qu’on t’explique tout ce que tu as à faire, voyage, va faire des stages à l’étranger, n’oublie jamais que tu auras affaire à des patients qui ont besoin de toi, tu as l’obligation d’être gentil, bienveillant, à l’écoute, rassurant, quel que soit le contexte dans lequel tu exerceras, tu devras toujours être doux, attentif, et tu tâcheras de retransmettre aux générations suivantes tout ce qu’on t’a appris, à toi ! Mon message aux jeunes, c’est que quoi qu’il advienne, la médecine implique une rencontre humaine, physique, indissociable de toute démarche diagnostique.
Médecin Anesthésiste Réanimateur, Réanimateur Médical, Fondateur du Collectif Santé en Danger.
10 moisMerci à vous 👌