IRA – Comment l’industrie européenne peut-elle répondre ?
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IRA – Comment l’industrie européenne peut-elle répondre ?

L’Inflation Reduction Act (IRA) américain interroge frontalement la manière dont nous, Européens, menons nos stratégies de réindustrialisation et de lutte contre le réchauffement climatique sur notre continent.

Comme en état de choc, nous peinons à réagir devant l’audace de la méthode américaine : leur législation est ouvertement protectionniste là où nous continuons de promouvoir les principes de libre concurrence au fondement de notre marché unique ; alors que nous soutenons la décarbonation de notre économie par la construction de règlementations méticuleuses, les États-Unis soutiennent là leur par un simple système de subventions directes.

Pour ma part, l’Inflation Reduction Act m’inspire plusieurs réactions.

Il faut pour commencer éviter de tomber dans la facilité, et condamner trop hâtivement cette législation en raison de ses effets discriminants pour l’ensemble des champions industriels européens. On peut certes regretter que les Etats-Unis aient décidé d’agir seuls et unilatéralement, mais il faut reconnaître que l’IRA, outre que nous n’avons pas d’autre choix que de reconnaître son existence, est un acte politique fort et qui nous force à nous poser, nous autres Européens, des questions fondamentales sur notre stratégie industrielle de lutte contre le réchauffement climatique.

En effet, en compliquant pour les industriels européens l’accès aux consommateurs américains, l’IRA révèle combien le développement d’industries européennes fortes est aujourd’hui parfois fragilisé.

Un chiffre emblématique : tandis que les industriels chinois payent 27,5% de taxes pour exporter une voiture électrique aux Etats-Unis, ils n’en payent que 10% pour la vendre en Europe [1].

Une autre illustration : d’un côté, les Américains sont en train de détaxer massivement les projets de décarbonation ; de l’autre, de grands projets industriels d’avenir européens peinent à accélérer faute de moyens pour traiter les dossiers, ou sont ajournés en raison de l’inflation des prix de l’énergie sur notre continent [2].

Comment dès lors répondre à notre volonté commune de renforcer notre autonomie technologique et relocaliser certains approvisionnements stratégiques ?

Ce tableau général nous amène à un constat : il y a urgence à soutenir le tissu industriel européen si nous voulons que celui-ci continue d’exister et de peser à l’avenir. Il est prioritaire pour l’Europe de réagir, et de prendre en compte que pour une concurrence soit libre, elle doit aussi être non faussée.

La politique industrielle française est un bon cas d’école pour faire comprendre la nécessité qu’a notre continent de réagir.

Alors que depuis vingt années, le rythme des fermetures d’usines avait quasiment toujours excédé celui des ouvertures, le mouvement s'est nettement inversé à partir de 2017. Grâce au Plan #FranceRelance, grâce également à la politique de l’offre portée par le gouvernement (soutiens sectoriels, baisse des impôts de production, PFU, baisse du taux d’IS, soutiens à la décarbonation, plan compétences), la France a pu se défaire de nombre de ses désavantages compétitifs et se trouve être un territoire industriel d’avenir dans les batteries électriques, la production d'hydrogène décarboné, les énergies renouvelables, les nouveaux matériaux, le recyclage des plastiques, la chimie verte, l'agroalimentaire ou encore la pharmacie.

Aujourd’hui, plus d’une centaine de projets d’investissements majeurs, de CAPEX supérieur à 50 m€, sont ainsi en préparation dans les territoires.

Un élan qui peut être gardé et décuplé.

Pour cela, l’Europe doit apporter sa riposte.

Elle doit parvenir à dépasser ses divisions et prendre conscience de la nécessité d’aider directement ses industries d’avenir, sous peine de les voir disparaître de son territoire. C’est un effort difficile, qui lui demande de s’unir, et de bouleverser la conception qu’elle se fait du cadre concurrentiel qu’elle aménage sur le marché unique. Mais cet enjeu n’est plus un simple enjeu de définition économique : il engage la capacité de notre continent à répondre présent devant les enjeux passionnants et complexes que l’humanité doit et devra résoudre. Sans industrie, il s’agira malheureusement de les subir.


Retrouvez, ici, l'intégralité des échanges de la commission des affaires européennes : "réponse européenne à la loi américaine sur la réduction de l'inflation (inflation reduction act – ira)" : https://lnkd.in/eyShsYcB



[1]« Industrie: le réveil européen ou le déclin », L’Opinion, 3 janvier 2023.

[2] «Les Etats-membres n’ont pas toujours les mêmes intérêts», L’Opinion, 3 janvier 2023

Trabajo , dedicación rigor y disciplina. Ya que los Chinos y Rusos junto con Brasil van con todo Si no se ponen las pilas como decimos en México ,veremos cambios muy importantes

Olivier Lluansi

Professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers « Omnes docet ubique » | Enseignant Ecole des Mines de Paris | Senior Fellow ESCP |

1 ans

"Grâce au Plan #FranceRelance, grâce également à la politique de l’offre portée par le gouvernement... la France a pu se défaire de nombre de ses désavantages compétitifs et se trouve être un territoire industriel d’avenir..." Ce plan #FranceRelance est en effet exemplaire à bien des titres !

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