J’ai mal à mon leadership

J’ai mal à mon leadership

Une nouvelle conférence sur le leadership, une de plus ! S’il y a bien un marronnier en management, c’est celui-ci. La question du leadership revient régulièrement à la UNE des conférences et des articles en manque d’inspiration. A cela deux raisons :

1/ Parce que tout le monde (ou quasiment) rêve d’être un leader (une leadeuse ?) , un petit, un grand… mais certainement quelqu’un qui conduira des hommes et des femmes dans la construction d’un projet, de taille et d’horizon variables.

2/ Et aussi, car tout le monde (ou quasiment) souffre de son leader, plus ou moins souvent, plus ou moins gravement, mais suffisamment pour chercher à comprendre son comportement.

Bref, tout le monde (ou quasiment) a mal à son leadership, et voudrait en percer la boite noire pour mieux maîtriser le dragon.

C’est là où la conférence de Robert Hogan a un certain intérêt. Tout d’abord elle est le fruit de décennies de pratiques et d’études menées auprès de milliers de personnes pour l’évaluation de leur personnalité et de leur potentiel, dans le cadre de projets de recrutement ou d’évolution de carrière. Ensuite, elle apporte un regard critique sur le courant majeur et rarement discuté, du charisme associé au leadership.


Les années 70 et l’installation des gouvernances financières

Pour Robert Hogan, le mot clé, affiché en gros sur le premier écran de sa conférence est le mot « Humilité » et la démonstration va être faite que les véritables leaders sont des gens humbles et non ceux qui ont des ego hypertrophiés comme ceux qu’on rencontre à tous les détours des media consacrés à la politique ou au management.

HOGAN explique que la figure du CEO (Directeur en chef) charismatique est apparu dans les années 70, en même temps que la financiarisation des gouvernances d’entreprise. Cette prise de position s’inscrit dans le succès de la « théorie de l’agence » qui préconisait de payer les dirigeants en fonction de leurs résultats financiers. Les entreprises ont donc cherché à recruter des dirigeants capables de générer des résultats et intéressés par ce mode de rémunération. Et ce sont les profils narcissiques qui répondent à ces deux critères CQFD.

En effet, nous dit HOGAN , les études montrent que le charisme est irrémédiablement lié au narcissisme. Ce sont donc des leaders narcissiques-charismatiques qui président aux destinées de nos entreprises comme de nos groupes politiques depuis maintenant 50 ans.


Portrait des leaders narcissiques-charismatiques

Le portrait que dresse HOGAN de ces profils est sans appel. Selon ses travaux :

-         Ils refusent toute responsabilité dans l’échec,

-         Ils récupèrent les succès à leur avantage,

-         Ils n’écoutent pas les feedbacks ni ne tirent des enseignements de l’expérience,

-         Ils sont persuadés de leur plein droit d’exercer des positions de leader,

-         Ils détruisent sans état d’âme les compagnies en prenant des mauvaises décisions.

Les grandes figures qui illustrent ces portraits peu amènes sont Donald Trump et Napoléon 1er. A mon sens, un choix comme un rapprochement discutable.

Comme figure emblématique du business, HOGAN propose Jack Welsh (ancien Président de General Electric) avec une citation « Le management, c’est avant tout de la confiance en soi ».

Inutile d’ajouter que les études menées auprès de milliers de salariés ou de collaborateurs montrent une grande souffrance des gens travaillant pour ces personnalités, avec parfois, nous dit HOGAN des désirs de meurtre à l’endroit de son fameux leader.


Les catégories du leader charismatique

 

HOGAN définit 4 archétypes du leader charismatique (donc narcissique)

-         BOLD (audacieux) : ayant de la prestance, arrogant et conscient de ses droits, un représentant de cette catégorie serait Donald Trump.

-         MISCHEAVOUS (malicieux ?) : charmeur, manipulateur et impulsif, Hogan donne comme illustration Jeffrey Skilling l'ex CEO d'ENRON.

-         COLORFUL (haut en couleur ?) : intelligent, intéressant et se mettant toujours en avant, ce serait Bill Clinton.

-         IMAGINATIVE (imaginatif) : créatif, ingérable et excentrique : Elon Musk entre dans cette catégorie.

Bonjour au pays des narcissiques : accrochez bien vos ceintures de collaborateurs si vous intégrez une organisation ayant ce type de personnalité à sa tête !


Les leaders humbles

A l’opposé du leader charismatique-narcissique, HOGAN décrit le leader humble. Les figures de l’histoire qui, selon lui, répondent à ce portrait sont Nelson et Grant. Ils se sont tous deux mis au service de leur pays, ils étaient aimés de leurs collaborateurs, et ils sont arrivés aux plus hautes responsabilités grâce à ce qu’ils avaient entrepris et les résultats obtenus.

Un leader humble en entreprise selon Hogan, est Darwin Smith (ancien président de Kimblerly Clark) avec la citation suivante « J’ai toujours cherché à être à la hauteur de mes responsabilités ».

Quels sont donc les comportements des leaders humbles :

  • Ils admettent leurs erreurs et leurs limites,
  • Ils mettent en lumière les contributions des autres,
  •  Ils écoutent et ils apprennent des autres,
  • Ils savent se moquer d’eux-mêmes,
  •  Ils n’estiment pas que tout leur est dû,
  • Ils promeuvent des valeurs égalitaires.

Vous en avez dans votre entourage ? Si oui, sachez les convaincre de vous rejoindre, car ils semblent la clé du succès en management grâce à leur capacité à rassembler, et celle d’introduire de la flexibilité dans les stratégies.


Comment développer l’humilité ?

L’humilité est une qualité essentielle selon Hogan. Elle n’est pas pour autant recherchée par les employeurs comme en témoignent des recherches sur le site spécialisé dans le recrutement INDEED.COM. Ainsi 224 526 offres d’emploi mentionnent le « charisme » alors que seulement 3 342 indiquent le besoin d’ « humilité ».

Reste la question clé : comment développer l’humilité qui soit tout de même sommeiller en nous ?

HOGAN nous livre 6 recommandations :

  •  Reconnaitre les réalisations des autres,
  • Travailler à identifier ses propres limites,
  • Etre prêt à reconnaître ses erreurs
  • Solliciter les critiques et accepter d’autres visions que la sienne
  • Travailler pour obtenir le respect de ses collaborateurs et de ses collègues
  • Eviter les comportements d’auto-promotion

Un long chemin donc … Pas simple et en effet, pas forcément dans l’air du temps qui porte encore et toujours ceux et celles capables d’assertivité, d’auto-promotion, que ce soit en présence des autres, ou sur les réseaux sociaux.

HOGAN nous certifie que ces leaders humbles seront sur le long terme non seulement aimés de leurs équipes, mais aussi très performants.


Post Scriptum

Cette vision s’inscrit dans le courant de ce qu’on a appelé le « servant leadership » inspiré de l’armée et que nous avions également observé chez des « leaders » religieux et décrit dans l’article : « PASTEUR, IMAM, PRÊTRE ET RABBIN Un style de leadership et un exercice de l’autorité pas tout à fait comme celui des autres managers », co-écrit avec Lova Ramboarisao-Lalao et Alioune Bah et paru dans la Revue Internationale de Psychosociologie et de gestion des Comportements. Organisationnels, n°52 été 2015.

Nous y écrivions : « Le leader religieux est un servant leader : il écoute, assure la médiation, conseille, oriente et éduque. (…) les leaders (religieux) mettent l’accent sur leur rôle social. Ils sont des serviteurs, ce qui conduit à cultiver l’esprit de médiation et de diplomatie. Le leadership est utilisé pour impulser une vision alors que l’autorité est utilisée pour circonvenir à des comportements déviants. (…) Le rapport qu’ils entretiennent avec les membres (de leur communauté) relève plutôt d’une structure pyramidale inversée, voire organique. Les leaders religieux que nous avons rencontrés se démarquent en effet par l’importance qu’ils accordent aux autres, au respect des autres et à l’épanouissement physique, mental et spirituel de leurs fidèles. Par leur position Headership, les religieux ne prodiguent pas seulement des messages théologiques, ils transmettent des leçons de vie et d’humilité. La bienveillance est présente dans leur disponibilité aux autres. L’écoute est primordiale pour être au service de l’autre car, le soulignent-ils unanimement, le sens de leur action au sein des organisations religieuses consiste à l’amélioration des autres, ce qui leur permet de s’améliorer eux-mêmes. ".

PS : Conférence organisée par @Praditus à l'ESCE, grande école @INSEEC_U le lundi 14 Octobre 2019.


Frédéric H.

Empowering business growth through innovation & collaboration, delivering results with agility & grit.

4 ans

Le leader ne réclame pas la couronne. Pour le reste l’article évoque surtout l’effet Dunning-Kruger. Le syndrome du petit chef n’en fera jamais un leader. le petit chef est le leader par dépit par excellence, faute de mieux.

Isabelle ALIX 🧚♀🎼💧

En recherche active de nouvelles opportunitées professionnelles

4 ans

Merci beaucoup pour ce très bel article très intéressant et passionnant à lire.

jeremy J.

Eclectic Industrial Performance Booster. Débordant d'idées pour une industrie optimisée.

5 ans

Nicolas Jover ça peut t intéresser

Evelyne Gainza

Faciliter la valorisation des compétences

5 ans

Merci Isabelle Barth pour cette passionnante réflexion, qui pose un regard neuf et intelligent sur le leadership...

Olivier Blanc-Brude

Data Owner chez Michelin / Président chez Koud à Koud

5 ans

Fier d’être dans une entreprise qui pousse dans ce sens, mais peur de ne pas être à la hauteur. Lorsque j’ai débuté en management, une collègue m’avait conseillé « Penses d’abord aux Hommes, la technique viendra ensuite ». Elle a tellement raison !

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