« Je n’irai pas aux JO ! » le chemin du phénix - Hommage aux athlètes non sélectionnés.

« Je n’irai pas aux JO ! » le chemin du phénix - Hommage aux athlètes non sélectionnés.

« Je n’irai pas au JO », le ton est solennel et les émotions retenues…

Quel que soit la raison de la non-sélection : minima pas obtenus, blessure, confrère ou consœur d’un niveau au-dessus à l’instant t…le choc est là et il résonne comme un crie dans une vallée montagneuse à la tombée de la nuit.

En tant que coach et préparateur mental, cette annonce-là je l’ai entendue quelques fois. S’engage un parcours que j’appelle le « chemin du phénix », une sorte de grand huit émotionnel que l’on peut subir ou apprendre à piloter. Pour éviter d’errer sur ce chemin, seul, en silence la boule au ventre ou à la gorge, je vous propose d’éclairer ce parcours des lumières de 4 apports de la science : la théorie de préservation des ressources d’Hobfoll, les étapes du deuil de Kûbler-Ross, la résilience de cyrulnick et enfin l’état d’esprit de croissance de Dweck.

« Tu ne récolteras pas ce que tu as semé ! »

Après des années d’entrainement, d’effort, d’abnégation, de discipline et d’engagement pour l’objectif olympique, la non-sélection dit « tu ne récolteras pas ce que tu as semé ! ». Comme un uppercut au foie, on est séché, déstabilisé, tentant de faire bonne figure. Même préparé à cela, la secousse est là.

S’ensuit une cascade d’émotions tout aussi variées que paradoxales : frustration, colère, tristesse de ne pas avoir obtenu le sésame… et aussi malaise, honte, culpabilité par rapport à ceux qui nous ont accompagnés et crus en nous, et paradoxalement aussi du soulagement de mettre fin à des mois de tension, incertitude et plaisir coupable de souffler … et aussi peur, angoisse de l’avenir face au vide et ce quoi maintenant ?! qui résonne surtout si l’on n’a rien anticipé. Ouf !

Ressources investies vs Ressources gagnées

Stevan Hobfoll à développer une théorie originale sur l’écologie du stress appelé la théorie de préservation des ressources, qui peut expliquer une partie des ces éprouvés. Selon Hobfoll (1) « les gens s'efforcent de conserver, de protéger et de construire des ressources et se sentent menacés lors de la perte potentielle ou réelle de ces ressources estimées » et il définir le stress psychologique est défini comme une réaction à l'environnement dans lequel il y a :

1 - la menace d'une perte nette de ressources,

2 - la perte nette de ressources,

3 - un manque de gain, de ressources après l'investissement de ressources.

Une non-sélection marque le manque de gain après un investissement. Notre cerveau s’est tellement projeté sur les bénéfices futurs d’une sélection qui ont motivé les investissements en ressources consentis, que cette perte de sèche représente un stress important. Le stress sera d’autant plus important pour ceux qui n’ont pas récolté sur le chemin de la préparation olympique, pas prévue le plan B en cas de non-sélection pour récolter quand même quelque chose ou encore comptait sur la sélection pour compenser une blessure existentielle.

L’idée ici est de faire le point sur ses choix de ressources investis, acter les ressources perdues sans illusion, revisiter les ressources acquises sur son parcours et développer d’autres options pour faire fructifier ses investissements.

Parallèlement il faudra éprouver le chemin du deuil.

« Accepte ce qui est, laisse aller ce qui était, aie confiance en ce qui sera » Boudha

Du choc à l’acceptation

Quand il y a perte, il y a deuil, un temps à traverser qui est parfois empêché pour donner bonne figure aux partenaires ou a soi-même, ou rassurer les proches « qu’on va bien ! malgré tout ». Elisabeth Kübler-Ross a modélisé les étapes du deuil quand on subit une perte. Après le « choc » de l’annonce vient le « déni » « ce n’est pas vrai, je n’y crois pas ! », puis la « colére » « ce n’est pas juste, pourquoi pas moi ! », suit le « marchandage » « cela aurait du se passer autrement, je ferai ce que vous voulez, allez accordez moi cela ! », puis la « dépression » « je suis triste, à quoi bon ! » et enfin « l’acceptation » « ok, c’est ainsi. Je suis prêt à passer à autre chose ».

L’idée est de vivre la tristesse c’est-à-dire la perte, la frustration et la douleur de la perte. C’est vivre le réel de la situation et des éprouvés associés. C’est vivre à leur endroit les émotions vécues, qui sont souvent empêchées par le « difficile » que cela produit pour soi et son entourage et l’envie de préserver une image positive de soi.

Ce chemin est aussi de la résilience.

"L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-même de ce qu'on a fait de nous." Jean-Paul Sartre

Se projeter dans l’avenir malgré tout

Boris Cyrulnik (3) à modélisé la capacité à rebondir après un trauma. Il appelle cela la résilience qui est la « Capacité à se développer bien, à continuer à se projeter dans l’avenir en dépit d’« événements déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes sévères ». C’est certainement une des capacités importantes à développer en tant que sportif de haut niveau qui vivent des « traumas » régulièrement de contreperformances, blessures et humiliations publiques.

Il s’agit ici après avoir pris soin de soi, d’activer un ressaisissement de soi après le trauma pour ne pas s’enliser dans le marais de la victimisation, puis à une reconstruction de soi ou la reprise d’un développement normal en dépit des risques de désorganisation psychique et enfin un rebond psychologique avec une force mobilisable pour d’autres projets.

Capitaliser en résilience c’est activer une belle ressource et le chemin à suivre également de l’état d’esprit de croissance.

« Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j'apprends. » Nelson Mandella

Cultiver son état d’esprit de développement

Pour réussir, Carol Dweck (4) propose de cultiver son état d’esprit de développement qui est basé sur la croyance que nos qualités fondamentales sont des choses que nous pouvons cultiver par nos efforts et que chacun peut changer et de développer par le travail et m’expérience. Il s’oppose à l’état d’esprit fixe qui considère que mes qualités sont gravées dans la pierre et que ce soit on est doué et l’on réussit soit on est idiot et on échoue. Face à un échec, l’un apprend pour se développer, l’autre abandonne pour protéger narcissiquement son image.

L’idée ici, est, en parallèle de la digestion émotionnelle, d’objectiver le vécu pour en traire l’expérience pour sa croissance, qu’est-ce que j’apprends de cela? Comment je grandis avec cela ? Que puis inventer de nouveau avec cette expérience-là ? Et là, vous l’avez compris, nous augmentons de fait nos ressources !

Toutes les belles réussites humaines ne sont pas explosées par les médias. Il en est qui sont toutes aussi intimes, belles et puissantes que secrètes.

Mon métier m’amène à en être le témoin et parfois l’artisan. Je voulais par cet article honoré aussi ceux qui n’ont pas été sélectionnés pour les JO et qui ont de belles histoires à grandir à raconter. Je voulais inviter à les rencontrer et à les soutenir. Et enfin, donner quelques clés pour parcourir sereinement ce chemin du phénix.

Tout mon soutien ! 🙌

Je vous invite également à partager votre expérience d’athlète ou d’accompagnant. Comme avez-vous vécu ce moment ? Qu’en avez-vous tiré comme expérience ?


(1) Hobfoll, S.E. 1989. « Conservation of resources: A new attempt at conceptualising stress ». American Psychologist, 44 (3), 513-524.

(2) Elisabeth Kubler-Ross, E. On Death and Dying, New York, Scribner, 1969

(3) Manciaux, M., Vanistendael, R., Lecomte, M., & Cyrulnik, B. (2001). La résilience aujourd’hui. In M. Manciaux (Ed.), La résilience : résister et se construire. Genève : Éditions Médecine et Hygiène, Collection Cahiers médicaux-sociaux.

(4) Dweck carol, Osez réussir !: Changez d'état d'esprit, Mardga éditions, (2017).


Eric Blondeau

Expert en mécanique comportementale appliquée à la négociation et la prise de décision. ✍️ Auteur du livre #négo (éditions Plon). Conférencier.

3 mois

Très cher Fabien Deloche, je te remercie pour ce superbe hommage que tu fais dans ton article à tous ceux qui pendant les années qui précèdent les jeux font des sacrifices énormes .... pour ne pas être autorisés à vivre l'instant. Ton article devrait être lu avant chaque Préparation Olympique à ceux qui vont s'y engager. Je sais que ceux que tu accompagnes sont aussi préparés à cette issue et que tu ne leur fait pas miroiter des illusions du genre "ça va le faire, il est impossible que tu ne sois pas retenu(e)". C'est grâce à des préparateurs mentaux comme toi que les athlètes se construisent pour continuer leur vie en tant que personne, parents, amis. Ils sont mieux préparés aux aléas de leur parcours "après". Merci pour ton professionnalisme et ton abnégation dans ton accompagnement. J'ai pour ma part accompagné trois équipes pour ces JO, deux sont médaillées mais je tiens grâce à toi à leur rendre encore hommage. Emile AMOROS , lucas rual et leur entraineur fabrice Jaunet. Champion d'Europe, ils n'ont pas été retenus pour les JO 2024 après des années d'efforts. Ils ont néanmoins affiché une dignité sans faille pour accompagner le bateau qui représentait la France. Je leur dédie ton article Bien à toi champion Eric

Emmanuelle SERPAGGI - CARRE

DRH / Coach - l’Humain est dans ma nature. J’accompagne le développement des dirigeants, des collaborateurs et des structures. J’ai à cœur de créer les ponts entre les individus et de les aider à changer de focale.

3 mois

La DRH que je suis pense également aux parcours de recrutement exigeant qui parfois se soldent par un refus La maman que je suis pense également aux préparations de concours de l’enseignement qui se terminent par une non sélection. Des pistes instructives pour accompagner notre entourage (et nous mêmes !) dans ces phases de vie.

Merci d’avoir partagé

Manon DUPONT

Coach de vie ✨ | Préparatrice mentale 🤸♀️ | Ecologie personnelle & environnementale 🌿

3 mois

Très intéressant !

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