Je suis noir et je n’aime pas le manioc, Gaston Kelman
Ou le sixième ouvrage de l'année en cours. Le "véritable" cette fois.
Parmi les subtropicaux qui ont un jour franchi ce bras de l’Océan Atlantique pour un séjour prolongé sur les terres de Molière, qui n’a jamais eu à être interrogé de la sorte :
“Comment tu es arrivé ici?”
“Pourquoi est-ce que vous venez ici?”
“Quand est-ce que tu repars en Afrique?”
Ah l’Afrique, cette vaste nation qu’ils connaissent si mal ! J’en ris encore en rédigeant ces premières lignes…
C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai dévoré le brûlot de ce cher Gaston Kelman. Un véritable pamphlet adressé à la société française, société qui pose un regard plutôt défavorable sur l’homme d’origine africaine – Maghrébins dans une certaine mesure, Boers et autres caucasiens du continent exclus – en particulier et de “race noire” en général.
L’argumentaire de Kelman m’a permis de me remémorer quelques épisodes de ma propre vie dans l’Hexagone et ailleurs sur la face de la terre :
Des parallèles sont établis avec la condition noire aux USA. Je peux attester de leur pertinence au regard de mes quelques visites aux États-Unis où je me suis parfois autorisé de brèves promenades sur le sol de Harlem ou dans ce coin du New-Jersey dont j’oublie le nom.
On pouvait y voir une population mélanoderme au mètre carré, évidemment “triée sur le volet”. Quelle tristesse. Quelle misère. Quel désarroi… Je n’ai pas souvenance d’avoir déjà vu pareille indigence dans mon propre pays !
Place Carnot face à la fac de droit de Nancy se tenait un cirque saisonnier. De magnifiques lions en cage pouvaient être admirés et quel ne fut pas mon émerveillement à la vue de ces felidae massifs.
Et certains de mes copromotionnaires de s’étonner de ce que je sois moi-même ébahi par la majesté de ces effroyables bêtes.
Voyons on ne croise pas ces fauves à tous les carrefours sous les tropiques et encore moins en face d’une faculté universitaire quelle qu’elle soit. Ceux-ci ne font pas non plus office de chiens de garde. Non !
Je me suis également souvenu du fait que je disposais d’une vidéo dont j’ai gardé le lien web des années durant; vidéo qui je le trouve, est une jolie illustration du concept de racisme dit angélique développé par Kelman :
N’évoquons pas les joutes idéologiques auxquelles je me suis volontiers livré dans la section “commentaires” de tel ou tel article du Figaro traitant des flux migratoires et de leur impact sur l’économie française – dans une jeunesse plus ou moins récente – avec des meutes, des hordes de Gaulois dont le premier réflexe était de broyer du noir à la lecture de ces colonnes.
De mon point de vue, le mythe de l’éboueur commence à battre en retraite mais il serait prématuré de crier victoire. Il y’a encore pas mal de travail à abattre avant de voir les choses changer et les mentalités évoluer de manières positive et significative.
Ces Français issus de l’immigration, de première, deuxième ou énième génération ont du pain sur la planche afin d’être – enfin – perçus comme étant des locaux à part entière et pas seulement sous l’angle administratif.
Kelman s’attelle donc à tordre le coup à nombre d’idées reçues, préconçues touchant cette frange de la population hexagonale dans l’espoir que… sait-on jamais. Un plan de “sortie de crise” détaillé est étalé sur les dernières pages du livre.
L’auteur met également cette même population face à ses responsabilités et l’incite à une autocritique honnête, objective, à une prise de conscience qui lui sera inéluctablement bénéfique.
Au travers de son ouvrage, Gaston Kelman traite d’un sujet de première importance avec des piques et pointes d’ironie magistrales. Sublimes. Il est clairement du nombre de ces quelques auteurs qui savent me faire marrer généreusement.
Et j’en redemande.