L'école de la voie veineuse ou l'école de l'humilité
L'accès vasculaire constitue une pierre angulaire de la pratique anesthésiologique en France. Qu'il s'agisse de la pose d'un cathéter veineux périphérique, d'un cathéter veineux central ou de la création d'un cathéter artériel (KTA), cette pratique allie technique et art. Plus encore, elle rappelle constamment la frontière ténue entre la maîtrise et l'humilité dans la pratique médicale. Cet article, inspiré d’une expérience récente, explore comment l'accès vasculaire devient une véritable "école de l'humilité," enseignant aux soignants des leçons qui dépassent le domaine technique pour toucher des valeurs humaines, le développement professionnel et l'essence même du soin aux patients.
Une expérience marquante
Récemment, j'ai passé une journée au plateau technique d'anesthésie centralisé (PTAC) du Centre Hospitalier de Valenciennes. Ce service est notamment dédié à la pose d'accès vasculaires de longue durée, une tâche que je maîtrise en théorie et que je pratique depuis le début de mon internat. Pourtant, au cours de cette journée, je me suis retrouvé plusieurs fois en difficulté, malgré mes connaissances et mon expérience.
Cette situation inattendue m’a rappelé combien la pratique médicale est imprévisible et exige une constante remise en question. Même avec un bagage technique solide, chaque patient, chaque contexte clinique, apporte son lot de défis spécifiques. Cet épisode m’a inspiré à réfléchir sur les leçons que l’accès vasculaire peut offrir, bien au-delà du simple geste technique.
Un défi technique : aucune place pour l'excès de confiance
Les procédures d'accès vasculaire sont d'une simplicité apparente. Bien qu’une simple pose de cathéter puisse sembler routinière, même pour un praticien expérimenté, des complications comme des échecs d’insertion, des hématomes ou des extravasations peuvent survenir. L'accès veineux central, plus complexe, comporte des risques supplémentaires tels que le pneumothorax, la ponction artérielle ou l'infection.
Lors de ma journée au PTAC, j’ai dû affronter des cas où les veines étaient difficiles d’accès en raison de particularités anatomiques ou d’un traitement anticoagulant. Ces situations m’ont rappelé que la variabilité de l’anatomie humaine, combinée à des facteurs tels que l’obésité, la déshydratation ou la fragilité veineuse, complique chaque tentative. Cela souligne une leçon essentielle : l'excès de confiance n’a pas sa place en médecine. Chaque procédure doit être abordée avec prudence et respect pour ses défis uniques.
La perspective du patient : une leçon d'empathie
Pour les patients, l'accès vasculaire n’est pas simplement une procédure technique : il représente souvent une source d’anxiété et d’inconfort. Les enfants, les patients souffrant de maladies chroniques ou ceux ayant une phobie des aiguilles perçoivent chaque tentative comme une épreuve.
Au cours de cette journée, j’ai pris conscience à quel point les échecs techniques pouvaient affecter non seulement le patient, mais également ma propre perception en tant que soignant. Chaque tentative infructueuse nécessitait une communication claire et un effort pour rassurer mes patients, tout en restant concentré pour réussir au prochain essai. Cette expérience m’a montré que l’humilité implique également d’accepter ces moments de vulnérabilité partagée avec le patient.
Apprendre de l’échec : grandir par la réflexion
Aucun soignant n'est à l'abri de l’échec. Une tentative ratée d'accès vasculaire peut générer frustration ou doute, mais offre également une opportunité d’introspection et d’apprentissage. Lors de cette journée, chaque difficulté rencontrée m’a poussé à revoir mes techniques et à solliciter des conseils auprès de mes collègues, notamment sur l'utilisation optimale de l'échographie pour guider mes gestes.
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L’humilité cultivée par ces expériences incite à reconnaître ses limites et à apprendre de chaque situation. L’introduction de nouvelles technologies, comme l'échoguidage, a transformé ce domaine, mais nécessite de rester curieux et adaptable pour s'améliorer continuellement.
Travail d'équipe et collaboration : valoriser la force collective
Lors de cette journée, j’ai également été frappé par l’importance du travail d’équipe. Dans les moments de difficulté, les échanges avec les infirmiers et mes collègues médecins se sont révélés précieux. Leur expérience a complété la mienne et leur soutien a permis d’assurer une prise en charge optimale pour les patients.
L'humilité, dans ce contexte, signifie reconnaître que la qualité des soins ne repose pas uniquement sur les compétences individuelles mais sur la force collective de l’équipe. Cela crée un environnement d’apprentissage et de respect mutuel.
La dimension éthique : équilibrer risque et nécessité
Les décisions relatives à l'accès vasculaire nécessitent souvent une réflexion éthique. Lors de cette journée, certains patients présentaient des conditions complexes où il fallait peser le risque d’un geste invasif contre ses bénéfices potentiels. Savoir quand persister, quand demander de l’aide ou envisager des alternatives est un exercice délicat, où l’humilité joue un rôle central.
Conclusion : une leçon pour la vie
Cette journée au PTAC m’a rappelé que l'accès vasculaire est bien plus qu’un geste technique : il est une école d’humilité. Les défis imprévus, les moments d’échec, les interactions avec les patients et la collaboration avec les collègues m’ont offert des enseignements précieux.
Dans un domaine où le succès est souvent attendu et l’échec difficile à accepter, l’humilité est essentielle. Elle nous guide dans notre quête d’excellence, tout en nous rappelant que la médecine, avant d’être une science, est une pratique humaine faite de respect, de compassion et de perpétuel apprentissage.
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