Législatives 2024: Consensus de rejet ne vaut pas adhésions autour des idées...
« Il y a, de nos jours, beaucoup de gens qui s’accommodent très aisément de cette espèce de compromis entre le despotisme administratif et la souveraineté du peuple, et qui pensent avoir assez garanti la liberté des individus quand c’est au pouvoir national qu’ils la livrent ». Ainsi pensait Alexis de Tocqueville (De la démocratie en Amérique ; IV ; 6) dont le regard sur la politique, de mon point de vue, n’a pas pris une ride. Car c’est bien ce qui est en train de se passer dans cet entre-deux tours législatifs. Nous allons livrer le pouvoir, non pas à un « groupe autour d’un programme », mais à une technocratie enfantée d’une guerre idéologique entre « trois France » qui ne savent plus pourquoi elles votent. Appeler à faire barrage contre un camp est un excellent moyen de fabriquer une « union artificielle » qui ne résistera pas au jours d’après, lors que chacune et chacun constatera cette évidence : l’union dans le rejet d’un ennemi commun ne vaut pas adhésion autour d'un programme. Par conséquent, appeler les Français à se révolter contre les conséquences de leur propre vote n’a pas de sens, du moins d’un point de vue politique. La question n’est pas de savoir si tel ou tel parti (de gauche comme de droite) est fréquentable ou pas. Elle n’est pas non plus de faire le tri entre telle et telle idéologie au titre qu’elle ne serait pas compatible avec ce que certains ont baptisé « l’arc républicain » (dont la voussure s’affaisse considérablement). Non. Car enfin, sur les grands principes, tout le monde ne peut être que d’accord : tout le monde préférerait que le SMIC augmente pour aider les plus démunis, tout le monde voudrait qu’il y ait moins de chômeurs, pouvoir partir à la retraite à 60 ans, ou bénéficier d’aides dans les situations délicates, tout le monde voudrait une école républicaine avec des professeurs mieux payés, un hôpital affuté et à la pointe de l’innovation, des services publics efficaces, une immigration choisie et intégrée, une énergie moins chère, tout le monde voudrait que la guerre cesse en Ukraine, en Israël ou en Palestine. Par conséquent, ce qui fait la différence entre les partis, ce ne sont pas les « bonnes idées », celles dont l’arc républicain s’arroge l’exclusivité, mais le « comment ». Et c’est bien sur ce point que le vote, la démocratie donc, a du sens. Ce n’est que sur ce seul sujet que les choix devraient s’opérer, en éliminant comme le souligne à juste titre le Premier Ministre Gabriel Attal, tout ce qui est irréaliste, anticonstitutionnel, irréalisable sans l’accord de l’UE, et qui, malgré les promesses incantatoires, ne verront jamais le jour. Faire voter le peuple en colère n’est pas une bonne idée, et je regrette que les conseillers du Président ne lui aient pas rappelé ce principe psychologique de base : la colère ne conduit pas à la raison. Il n’est donc pas étonnant que le débat politique suive la même logique : invectives, noms d’oiseaux, anathèmes et coups bas, pour finalement trouver, in fine, des « petits arrangements entre ennemis » à seule fin de prendre ou garder le pouvoir. Bien que Tocqueville suggérât le contraire, je préfère encore le despotisme administratif d’un gouvernement technique, à la fureur du peuple qui, révolté, déçu par des promesses intenables, ne trouvera plus que la rue pour s’exprimer.
Chef d'entreprise, pharmacie clemenceau
4 moisTrès juste analyse