L'Hôpital à la dérive?
Dans son édition du Dimanche 24 Novembre, Le Parisien titrait « L’Hôpital à la dérive », avec en sous-titre une référence explicite aux urgences de Langres (où les malades ont été installés dans un garage) comme le symbole d’une crise qui s’aggrave. Une fois de plus, en voulant soulever un réel problème structurel de fond, la presse commet une erreur aussi récurrente que les sujets « marronniers » dont elle se nourrit : celle de prendre un cas particulier pour un épouvantail destiné à effrayer les moineaux que nous sommes. La structure de l’article est, à cet égard, révélatrice de l’intention éditoriale : 4 demi-colonnes sur le problème de fond des urgences, et une page entière sur les Urgences de Langres, avec en prime le témoignage d’un patient parqué dans le fameux local dérivatif. De là à penser que nos hôpitaux sont réduits à l’état de quart monde, il n’y a pas loin. Soyons sérieux. Le problème des Urgences est le même depuis près de 15 ans : un engorgement lié à trois phénomènes concomitants : le vieillissement de la population, la diminution de l’accès aux soins de ville dans des délais acceptables, et enfin, le nombre insuffisant de lits d’hospitalisation de « médecine interne » et de « gériatrie » rendant le placement de nombreux patients, très lourd dans le processus d’admission. Le rapport de notre ex-ministre de la santé, François Braun, effectué dans l’urgence (!) à la demande d’Emmanuel Macron, disait en substance la même chose. Bien évidemment, au-delà de ces problèmes de flux, il y a, selon les hôpitaux, des insuffisances de moyens (personnel soignant, matériel, logistique) qui viennent aggraver de façon plus ou moins aigüe, une situation déjà périlleuse. Par conséquent, la seule solution pour nous sortir de ce bourbier médical, est d’entreprendre une réforme structurelle et profonde de notre système de soins. Je vous propose 10 mesures auxquelles, il me semble, nous devrions réfléchir :
1°) Créer des cabinets de médecine 3.0, (à l’initiative des communes et avec le soutien des ARS) disposant de ressources suffisantes (2 médecins et 1 AS à minima) pour prendre avec et sans RDV, des patients « de semi-urgence ». Ces cabinets pourraient disposer par ailleurs d’un ECG, un échographe, une radiographie de base (assistés par l’IA), et d’un partenariat avec un laboratoire d’analyse de proximité, acceptant de faire des bilans standards (iono, NFS, troponine, CRP…) en urgence. Bien évidemment, il y aurait une tarification adaptée et attractive, pour attirer les praticiens dans ce type de structure.
2°) Redistribuer l’offre de soins hospitalière, en ayant des hôpitaux dédiés aux technologies avancées et aux soins spécialisés, et des structures hospitalières, plus nombreuses, dédiées aux courts et moyens séjours, en particulier pour les pathologies des séniors et de personnes âgées.
3°) Développer (et mieux anticiper) l’HAD, et faire de ce mécanisme le choix N°1 de la prise en charge des patients atteints de pathologies chroniques.
4°) Améliorer les processus techniques de prise en charge des patients aux urgences, en disposant dans le cadre d’un « circuit court » (comme c’est le cas à l’HEGP) d’un scanner et surtout d’un laboratoire de biologie décentralisé pour diminuer le temps d’attente des résultats (1 heure pour une bio quand c’est un labo central, alors qu’il faut à peine 20’ pour ces examens de base).
5°) Améliorer les logiciels DMP afin de les rendre plus ergonomiques et moins chronophages.
Recommandé par LinkedIn
6°) Revoir la codification de certains actes, et surtout la codification des pathologies du DMI qui frise parfois le ridicule, et ce, pour un meilleur pilotage des dépenses.
7°) Améliorer les critères de prise en charge des urgences par le SAS (le 15) afin de disposer d’une meilleure coordination entre les différents systèmes de soins d’urgence à domicile.
8°) Réhabiliter l’esprit d’équipe dans les hôpitaux, en mettant plus l’accent sur le management de proximité, avec des médecins, plus disponibles et mieux formés à cela.
9°) Moins prescrire d’examens (souvent inutiles), consacrer plus de temps à l’écoute des patients, et renforcer la formation des jeunes médecins à la clinique, et augmenter le nombre d'IPA (Infirmières de pratique avancée).
10°) Lutter contre le nomadisme médical et la surconsommation des soins qui en découle, avec un dossier médical partagé systématique et obligatoire.
Travailler au fond, et arrêter les effets de manche à l’Assemblé Nationales, les mesures fantaisistes proposées au nom d’une idéologie politique, ou encore les solutions de facilité consistant à prendre sans cesse plus de sous dans la poche des contribuables, tout en leur faisant croire que les choses vont s’équilibrer. Nous sommes un pays qui, effectivement, part à la dérive, au moins d’un point de vue budgétaire. Les Urgences, ne sont qu’une petite partie du tout. Et celles de Langres, un garage inopportun.
Academic Dermatologist and Executive Coach
1 sem.excellente analyse bravo ! je partage totalement ++++ combien faudra t'il de rapports ampoulés et de commissions pour arriver a ébaucher un début de concrétisation ? on se le demande !