La French Tech serait-elle en train de devenir "souverainiste"​ ?
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La French Tech serait-elle en train de devenir "souverainiste" ?

Lors d’un petit déjeuner à l’Elysée, avant l’été, organisé par les conseillers du Président, réunissant les principaux investisseurs Français dans la Tech ou d’un dîner France Digitale, en cette rentrée, auquel participait notamment Cédric Villani, j’entends de plus en plus de messages « souveraino-protectionnistes » émanant de notre écosystème French Tech.

« Les investisseurs internationaux piquent les bons deals aux investisseurs Français… », « Les GAFAM pillent les talents issus de nos meilleures filières de formation scientifique ou technique… », « Les startups et scaleups tricolores finiront, pour les meilleures, dans le giron de multinationales Américaines ou Chinoises… », « Il faut faire quelque chose ! »

Ces affirmations, prédictions ou injonctions sont certes fondées mais sont-elles vraiment utiles ? A-t-on le choix ? Que peut-on faire ?

Avant de répondre, regardons où nous étions, il y a 6 ans, au début du précédent quinquennat :

  • Le monde entier pensait que tout revenu (capital et travail) en France était taxé à 75% ;
  • Les investisseurs Américains évitaient soigneusement Paris lors de leur tournée en Europe comprenant les « clusters » de Londres, Berlin, Stockholm et… Vilnius ;
  • La plupart des grandes multinationales Tech avaient pour consigne de ne pas faire d’acquisitions ou d’investissements en France à cause de sa politique fiscale et de son droit du travail ;
  • De nombreux jeunes diplômés, parmi les plus brillants, traversaient la Manche ou l’Atlantique pour y trouver leur premier emploi ou y lancer leur entreprise ;
  • Nombre d’entrepreneurs ou investisseurs, nouvellement membres de TheCard ou du Club Eurostar, scolarisaient leurs enfants à Bruxelles ou à Londres ;
  • Un ministre du « redressement productif », dans une gesticulation ridicule, allait même jusqu’à « nationaliser » une jolie mais finalement modeste scaleup…

Et depuis… le label French Tech a été lancé, BPIFrance a fait feu de tout bois, Criteo a fait son entrée sur le Nasdaq, Blablacar a levé plus de 200m$, le montant investi dans les startups et scaleups françaises à presque quadruplé notamment du fait d’investisseurs internationaux meneurs de tours de table jamais vus jusque-là (en nombre et en valeur), nous avons élu un Président « ni nationaliste, ni collectiviste, pro-business et pro-Européen », les réformes de la fiscalité du capital et du droit du travail font de la France un pays « presque normal », nous pourrions être les bénéficiaires de ce que le Brexit « expulsera » du Royaume Uni…

Bref, tout va vraiment beaucoup mieux et une partie de notre écosystème, dans une exubérance un peu « hors sol » et alors qu’il est encore très fragile, revendique une « souveraineté » Française (ou Européenne) qui paraît, à ce stade, illusoire.

Soyons lucides… Notre pays souffre d’un manque structurel de capital long investi dans la technologie. Dans ce secteur où tout va vite, il faut être long pour gagner… Les sorties possibles pour les investisseurs restent limitées : très peu d’acquéreurs domestiques capables d’acheter les plus-belles scaleups, des entreprises souvent trop petites (ou pas assez rassurantes) pour entrer sur une bourse Européenne, une industrie du Private Equity qui découvre depuis peu le secteur de la Tech… Notre écosystème manque, de plus, cruellement de talents ayant l’expérience de l’hypercroissance et de l’internationalisation indispensables pour créer des champions…

A l’inverse de toute tentation « isolationniste », il nous faut au contraire continuer à attirer des investisseurs internationaux, accepter de voir nos entreprises rachetées par des champions de la Tech mondiale (essayons simplement de les vendre une fois qu’elles sont suffisamment grosses pour ne pas être délocalisables), mettre en place les visas et régimes d’impatriés les plus attractifs possibles pour attirer des talents du monde entier, faire venir les sièges européens de sociétés Tech Nord-Américaines (ou Asiatiques) qui nous ont boudé depuis plus de 20 ans… C’est sur quoi travaille notamment la mission French Tech…

C’est ce que Londres a toujours fait. C’est aussi, avec ses particularités, ce que Tel Aviv a fait. Ce n’est que lorsque nous leur serons vraiment comparables en termes de « track record » et de masse critique qu’on pourra « faire les coqs » !

Ceci étant dit, l’investisseur, que je suis, a le droit d’être patriote comme chaque entrepreneur peut, à sa façon, faire montre de son attachement au pays. Rien ne nous empêche de privilégier des investissements qui créent des emplois en France. Rien ne nous interdit de favoriser des schémas où la création de valeur est à la fois recyclée (puis taxée) en France.

Tout nous encourage, en fait, à jouer collectif sous la bannière au coq en 3D mais gardons-nous, s’il vous plait, de ces fantasmes « souverainistes » naïfs et irréalistes !

Tribune publiée initialement dans L'Opinion









Priya Mishra

Ceo of a Management Consulting firm | Public Speaker| Our Flagship event Global B2B Conference | Brand Architect | Solution Provider | Business Process Enthusiast |Join Corporality Club

1 ans

Jean-David, thanks for sharing!

Nicolas Vidal

Head of events Allianz France

6 ans

Très juste. Merci beaucoup

Frédéric Mazzella

Dift | BlaBlaCar | France Digitale | Les Pionniers

6 ans

Sans devenir "souverainistes" nous nous devons en effet d'avoir l'ambition de créer depuis la France des champions du monde dans les domaines qui vont compter demain économiquement et éthiquement. En ce qui concerne le domaine de la Tech nous devons avoir cette ambition puisque la structuration et la nature du mode opératoire des plateformes globaleq centralisent l'intelligence sur la zone de création initiale (les HQ souvent en Silicon Valley aujourd'hui) sur plusieurs dimensions : technique bien sûr avec l'accumulation du savoir-faire sur une région, mais aussi positionnement éthique, culture et tout simplement vision d'une société souhaitable, notamment en ce qui concerne la gestion des données (et de plus en conséquence dans le domaine de l'Intelligence Artificielle si nous n'avons pas les données pour entraîner nos algos nous n'aurons que l'Articiel et pas l'Intelligence...). Si nous souhaitons avoir une quelconque influence sur les services que nous utilisons et utiliserons demain, nous devons simplement "faire partie du jeu" donc cette ambition est bien nécessaire et salvatrice (sans tomber dans un "souverainisme" malvenu bien entendu... ;))

Karan Kathuria

Bpo, Consultant , Outsourcing, Company Registration

6 ans

Bonjour. Ici karan depuit l'inde , nous avons une tres bonne equipe qui s'exprime en francais ici en inde alors si vous voulez nous confier ou nous faire part de n'inporte quel projet que vous aimeriez realiser en inde sa serais tres benefique pour nous et vous. Vous pouvez me joindre par Skype si vous etes interese par l'idee de faire un partenariat dans les affaires. voici Mon Skype ( hiikaran) et aussi mon compte gmail ( taxkaran@gmail.com) moi et mon equipe sommes en attente de votre reaction merci

Fatou Tounkara

Contrôleur de projet/Chargée de projet

6 ans

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