Une startup nation colbertiste !?
Emmanuel Macron l’avait annoncé. Bruno Lemaire le fait. Un fonds doté de 10 milliards d’euros pour financer l’innovation de rupture sera disponible dès le début de l’année 2018… Alléluia ! La « start-up nation » voulue par le Président de la République va avoir les moyens de ses ambitions.
A y regarder de plus près, l’annonce est spectaculaire mais pas aussi ambitieuse que cela. Les 10 milliards d’euros provenant de titres côtés détenus par l’Etat devraient selon le Trésor rapporter 200 à 300 millions d’euros par an. La capacité de financement de l’innovation serait donc annuellement augmentée de cette somme bien modeste si on la compare aux 5.5 milliards de Crédit Impôt Recherche (utilisé massivement par les grands groupes) et aux 2.2 milliards investis en France par le capital-risque Français et international.
Pourtant, ces 200-300 millions provoquent fantasmes et convoitises…
On pourrait en s’alliant avec nos amis Allemands ou Européens, faire émerger le champion mondial de l’intelligence artificielle ! Belle ambition mais pour quelle réalité ? Va-t-on créer un gigantesque « big brother » de l’internet Européen pour concurrencer Google & co ? Un champion sans donnée n’est-il pas un Federer sans raquette ?
Les grands groupes français défilent à Bercy pour revendiquer leur part du gâteau. En sus d’un Crédit Impôt Recherche « sanctuarisé » qu’ils souhaitent voir « déplafonné », une petite subvention de plus leur irait bien ! Mais quelle innovation de rupture est-elle sortie des laboratoires du CAC40 depuis le début du siècle ? Je parle bien sûr du 21éme siècle !
D’autres appellent à la création d’une DARPA Franco-Allemande (portant le très joli nom de JEDI pour « Joint European Disruptive Initiative »). Une méthodologie éprouvée par le Département de la Défense Américaine qui a fait ses preuves depuis 1958 (3 milliards de dollars par an). 60 ans d’expérience que nous pourrions reconstituer avec nos « amis allemands » en quelques mois ? Un écosystème Européen de financement et d’adoption des innovations de rupture capable de prendre le relais émergerait alors spontanément ?
Au fait, le programme européen Horizon 2020 doté de 30 milliards pour la période 2018-2020 n’est-il pas censé adresser le sujet ? A quoi sont utilisés ces 10 milliards par an ? A financer des chercheurs qui ne trouvent pas ? A subventionner des consortiums improbables au sein desquels les grands groupes se taillent la part du lion ? Peut-être financent-ils toujours la version beta de Quaero lancé par le Président Chirac en 2006...
Même si les politiques publiques Américaines ont été volontaristes en matière d’innovation, l’hégémonie des Etats-Unis ne repose pas sur une approche « top down ». DoD, NASA, CIA, NSA, Homeland Security… ont une vraie politique d’innovation, de gros budgets associés et savent travailler avec des startups… dont la très grande majorité des innovations de rupture sont issues.
C’est vrai qu’on allait les oublier les startups. On leur laisserait bien quelques miettes du financement de l’innovation parce que c’est « sympa les startups » : ils ont des babyfoots dans leurs bureaux ! Mais l’innovation de rupture « top down » au pays de Colbert, c’est un truc pour les grands, non ?
La solution miracle permettant de contester le leadership des Américains en faisant émerger rapidement des champions mondiaux porteurs d’innovations de rupture n’existe pas. La recette est complexe : les ingrédients (deep techs, talents, startups, smart money, early adopters, strategic acquirers, stock market) sont à la fois rares et délicats à assembler! Le chemin sera long… Très long !
Moi, j’ai une proposition court-terme, facile et peu coûteuse : mettre dans chaque bureau à Bercy un poster avec « Keep calm & Bottom up » écrit dessus. Le grand ministère de l’économie d’une « startup nation », ça mérite bien un tel décorum ! On pourrait même mettre des babyfoots dans les couloirs… 😉
Tribune inititialement publiée dans L'Opinion
Directeur des Systèmes d'Information
7 ansExcellent article (comme d'habitude😁).Le seul problème des posters "keep calm et bottom up" à Bercy c'est qu'ils ne seront soit pas compris par des gens dont la dernière lecture en anglais date de leur bac, soit déchirés par ceux qui ont été nourris au biberon par le "top down" qui leur donne toute leur stature dans notre belle république des X/Énarques qui nous gouvernent.
Pourquoi se limiter à Bercy Jean-David Chamboredon ... quelques affiches dans nos grands groupes ne peut pas faire de mal non plus, après tout l innovation dans nos entreprises vient aussi de la!
Coach de dirigeants-Médiateur-Superviseur-Passeur d'émotions /
7 ansmerci Jean-David, Top/Down ou bottom/up? Plusieurs stratgéies possibles. C'est l'esprit et nos comportements qu'il faut changer , ainsi que notre regard sur l'entrepreneur qui prend des risques, le patron qui engage ses propres fonds. aux côtés des business angels. Une des dernières aventures modernes qui nous confrontent à qui nous sommes?toutes les initiatives sont bonnes dès lors qu'elles vont être évaluées et mesurées dans leurs impacts réels. de plus en plus de jeunes que j'accompagne sur cette voie sont motivés pour se lancer et s'engager.Un beau chemin semé d'embûches, des épreuves et au bout du compte peu d'élus qui survivent, c'est avant tout un nouvel apprentissage en développant la culture du risque et de sa mesure.merci à vous.
Strategies, Directeur Marketing CMO/ CCO/ PMO digital, web, telecoms, new techs
7 ansMerci Jean-David J'avais fait mon stage de fin d'étude dans un projet de recherche européen "Euréka" qui était plus un abreuvoir pour grosse SSII sustentées aux subsides des états qu'un projet délivrant quoi que ce soit.... Attristant. Mais si le GPS et Internet doivent quand même aux "machins" (comme disait de Gaulle) d'Etat américain, Linux est une initiative inversement démesurée... d'un jeune étudiant nordique dans sa chambre d'université, qui a soufflé tous les Unix ricains et Windows! Chapeau, nos européens savent faire sans états... Idem pour Sigfox (cocorico), mais Alcatel, inversement, a raté le virage GSM/3/4G alors que le GSM a été quasi inventé en France... Avant donc d'ajouter du carburant fuitant surtout sur les gros diesel que sont les grands groupes, qui ont les moyens de constituer des dossiers au kilomètre pour les obtenir, que l'Etat lâche donc le frein, pour que les "Rosalies", bricolages d'autos, MVP d'innovations disruptives, que seules des startups d'indépendants originaux risquent-tout interdits dans ces mammouths que ton les grandes entreprises, puissent enfin passer la première et la seconde...: Démarrer une entreprise est facile en France, le "start" se fait rapidement, mais le "up" est très difficile: la peur du risque, tant des love-money (les proches), les riches, potentiels B.A. mais qui préfèrent placer à 1% "sûr" (assurance vie...) ou dans l'immobilier (nourrissant en réalité une bulle spéculative immobilière sur les loyers donc appauvrissant nos concitoyens, alors qu'en Allemagne les loyers n'ont pas bougé depuis 10 ans... laissant ainsi de la respiration à l'économie...). Et ne parlons pas des banques dont le métier n'est surtout pas de risquer, d'amorcer, d'innover... sic. Et si la règlementation de ces banques, qui les contraint à une sécurité, les obligeait néanmoins à faire 1% (voire 0,1%) d'amorçage à 100k€ par ticket? Regardons néanmoins le verre à moitié plein, voire même qui se remplit, et vite! Nous sommes passés devant Berlin et Londres pour le capital investi en start-up cette année! Macron, pro start-up, a été élu, et il sait ce qu'est un "mulot" (dont on n'a plus besoin du reste, Chirac peut enfin dormir en paix...). La BPI fait un travail fantastique. Free Niel et Kima aussi. Le droit à l'erreur, le droit à l'expérimentation, contournant exceptionnellement des règlementations, et d'autres mesures arrivent vite. La France est un pays schizophrène, une savane peuplée d'éléphants (d'hippopotames, je dirais même...) et de gazelles: l'abreuvoir doit sustenter les deux, chacun doit laisser de la place à l'autre. Il n'est pas dans l'esprit français de collaborer comme aux USA mais "pour gagner, je dois tuer l'autre", depuis le lycée ou nous sommes un des rares pays du monde ou on ne fait pas de travail en équipe et on sépare les écoles et universités selon le domaine, plutôt que de construire des Alumni pluri-disciplinaires capables de se comprendre, de s'appeler plus tard pour créer ensemble une start-up, de comprendre les dessous d'un BP et d'obtenir un crédit, ou de vendre un système innovant à un mammouth qui, ignorant, a peur d'une souris....!