La hausse du salaire minimum

La hausse du salaire minimum

Retour sur les faits saillants

En janvier dernier, le gouvernement Couillard annonçait l’augmentation du salaire minimum passant de 11.25$ de l’heure à 12$ de l’heure. Une augmentation prévue pour le mois de mai 2018. Des articles sur cette hausse du salaire minimum, il y en a eu des dizaines depuis son annonce. Mais qu’est-ce qu’on en retient?

La raison pour laquelle cette augmentation du salaire minimum a fait autant de vagues est d’abord parce qu’il s’agit de la plus importante hausse, en dollars, du salaire minimum de l’histoire du Québec. En effet, il s’agit d’une hausse de 50 à 60 cents de plus que l’augmentation habituelle, qui est généralement de 15 à 25 cents. En mai 2017, on enregistrait la plus importante hausse avec 50 cents d’augmentation. Ensuite, on retiendra qu’à un salaire minimum de 12$ de l’heure, le Québec se classera au troisième rang des provinces canadiennes en importance, derrière l’Alberta et l’Ontario qui ont des salaires minimums de 13.60$ et 14$ respectivement. Pour quelle raison vivons-nous cette hausse historique? L’objectif du gouvernement est que le salaire minimum atteigne la moitié du salaire horaire moyen en 2020. Selon les prévisions, en 2018-2019, le salaire horaire moyen se situera à 24.25$ de l’heure.

Qui est payé au salaire minimum?

Au Québec, il y a environ 6% des travailleurs qui sont rémunérés au salaire minimum. En 2015, l’institut de la Statistique du Québec a rapporté que le profil des travailleurs au salaire minimum, comparativement à la moyenne des travailleurs québécois, sont souvent plus jeunes, peu ou pas scolarisés et sont sans enfants. En agence de placement spécialisée dans le secteur industriel, nous côtoyons les travailleurs au salaire minimum tous les jours. Ce sont des nouveaux arrivants, des pères mais surtout des mères de famille cherchant à faire leurs premières expériences de travail au Canada, de jeunes travailleurs qui ne vont plus à l’école et des travailleurs peu scolarisés ou avec peu d’expérience professionnelle et des travailleurs occupant un emploi temporaire. Ils ne travaillent généralement pas au salaire minimum par choix, mais bien souvent par manque d’opportunités ou par manque d’options.

Les principaux secteurs où une plus grande partie des travailleurs sont payés au salaire minimum sont le secteur de l’hébergement et de la restauration, le secteur du commerce et le secteur agricole.

Le secteur du commerce et le secteur industriel

La période estivale est la période de pointe la plus importante pour plusieurs entreprises du secteur industriel. À l’été, c’est à coup de 20, 30, même 40 employés que les compagnies recrutent via les agences de placement. La compétition est palpable. Entre les compagnies, mais aussi entre les agences. Tous s’arrachent les mêmes candidats et leur proposent postes après postes. Ces candidats, qui ont des dossiers ouverts avec plus d’une agence à la fois, ont donc le privilège de choisir le poste qui leur convient le mieux. Un quart de jour versus un quart de soir. Un environnement de travail réfrigéré versus un environnement de travail tempéré. Un contrat d’une durée d’une semaine versus un contrat à long terme. Un salaire de 12$ versus un salaire de 12.25$. Les travailleurs, en cette pénurie de la main d’œuvre, ont le privilège de choisir l’emploi qu’ils désirent. C’est le principe de l’offre et de la demande.

En agence de placement, notre avantage sur les compagnies qui recrutent durant ces périodes de pointe, est de collaborer avec différentes entreprises, donc différents postes et différents environnements de travail. Nous constatons quotidiennement les aspects qui sont plus « vendeurs » auprès des candidats. Si un candidat n’est pas intéressé à un poste au salaire minimum, nous en avons certainement un à lui proposer avec un salaire supérieur. Une différence aussi minime que 0.25$ peut être suffisante pour convaincre un candidat. Les compagnies qui recrutent par elles-mêmes ont connaissance uniquement de leurs conditions de travail et ne peuvent donc pas comparer l’impact de quelques dollars (ou plutôt quelques pièces de monnaie) supérieurs au salaire minimum sur l’attraction des employés.

Comme nous sommes en constante communication avec plus d’une centaine de candidats par semaine, nous observons une différence dans le taux de placement d’employés dans les compagnies selon les différences dans les taux horaires. C’est principalement lorsqu’un poste chez un client pose un défi à combler, alors qu’un poste identique chez un autre client se comble en quelques minutes que nous voyons l’impact du salaire dans ce type de postes. Nous avons d’ailleurs fait le test avec l’un de nos clients dans le commerce de détail durant leur haute saison. Nous leur avions conseillé d’augmenter leur salaire, afin d’être compétitifs pour embaucher des candidats de qualité. Leur salaire initial étant à 11.50$ de l’heure, ils l’avaient augmenté à 13$ de l’heure pendant la période de pointe. Résultat : nous avons pu combler tous les mandats exigés très rapidement, en plus d’améliorer la qualité des candidats : plus qualifié selon les exigences et un taux d’absentéisme diminué.

Évidemment, le salaire n’est pas l’unique raison pour laquelle un travailleur occupe un emploi. On dit même que ce n’est pas suffisant pour motiver un employé à demeurer en poste à long terme. Cependant, les salariés du secteur industriel qui occupent un poste temporaire, d’une durée déterminée ou non, n’ont pas beaucoup d’éléments à comparer d’un poste à l’autre. Ces postes ne contiennent ni assurances, ni avantages sociaux, ni flexibilité d’horaire. Le salaire devient donc un élément de taille. Reste évidemment des facteurs importants à la prise de décision de choisir un emploi plutôt qu’un autre, comme la distance du lieu de travail à partir de la maison, l’environnement de travail, l’ambiance ou l’équipe de travail. Nous observons d’ailleurs ce phénomène présentement chez l’un de nos clients qui offre un salaire minimum, mais une ambiance de travail impeccable. Les employés, lors d’une diminution de production, nous demandent constamment s’ils peuvent retourner dans cette entreprise puisqu’ils aiment leurs collègues, leurs superviseurs et l’ambiance de travail de manière générale, et ce, malgré que ce soit le salaire minimum.

Les conséquences de la hausse

Cette hausse du salaire minimum aura bien entendu des conséquences. Il s’agit d’une augmentation du salaire minimum, mais il va sans dire que l’impact ira au-delà de ces salariés. En effet, les impacts se feront sentir sur toute l’échelle des salaires avoisinants le salaire minimum. Les employés qui sont présentement payés à 12$ de l’heure seront désormais au salaire minimum si leur salaire n’est pas ajusté.

Ensuite, il y aura certainement une influence sur les entreprises, puisque ce sont elles qui paient les salaires. La pression sera évidemment plus grande sur les petites et les moyennes entreprises (les PME), qui compétitionnent avec des géants, des multinationales qui sous-traitent dans des pays où la main d’œuvre est à faible coût. Ils devront absorber cette hausse, malgré la marge de profit annuelle souvent déjà très faible (2 à 3% pour le commerce de détail). L’une des solutions pourrait être de refiler la facture aux consommateurs, mais est-ce vraiment stratégique s’ils souhaitent demeurer concurrentiel?

Certains diront qu’il s’agit de la plus importante augmentation du salaire minimum. D’autres diront que nous sommes encore loin de l’idyllique salaire minimum à 15$ de l’heure. Quoi qu’il en soit, d’ici quelques jours, le salaire minimum passera de 11.25$ à 12$ de l’heure au Québec. Les questionnements sur les conséquences de cette hausse pourront être répondus au mois de mai et nous pourrons constater ses impacts réels.

Sophia Cayer-Falardeau, M.Sc., CRHA

Partenaire d’affaires, Ressources Humaines | HRBP

6 ans

Merci Anjara :)

Anjara Randrianarisoa, CRHA

Développement des compétences | Gestion de projet RH

6 ans

Bravo!

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