La mise en avant des femmes dans l'économie est-elle encore nécessaire?

Mardi, avec d’autres consœurs dirigeantes, j’ai eu le plaisir de recevoir un trophée, dans la catégorie Femme PDG, au cours de la cérémonie de remise des prix des Femmes de l’Economie.

La soirée, "marrainée" par Anne Parent, Dirigeante du Domaine Parent à Pommard, était tout à la fois intéressante, engagée et positive, alliant réseautage, une excellente conférence sur les grandes figures féminines de Bourgogne et la célébration.

Evidemment le rôle de la femme et les réussites féminines dans l’économie étaient au cœur du sujet.

Bien que très heureuse de ma récompense, je me suis posée l’espace d’un instant la question « pourquoi célébrer les Femmes de l’Economie » alors que tant d’hommes sont aussi talentueux, engagés et parfois d’excellents mentors ? N’est-ce finalement pas juste « normal » que les femmes soient des actrices importantes dans l’économie française ?

Ayant eu au cours de ma carrière la mission de chapeauter une équipe « Inclusion et Diversité », je précise que la diversité est pour moi un préalable incontournable du succès d’une entreprise, tant sur le point de vue des genres, des âges ou de tout type de différence. Ma question ne relève pas de la démagogie ou de l’aveuglement.

Et puis je me suis rappelé les différentes étapes de ma carrière. Les années d’études où il n’y avait pas -ou peu- de discrimination entre les genres. Le début de la carrière, où lorsque nos ainées nous parlaient du « plafond de verre » nous avions l’impression que cela ne nous concernait pas, que le sujet était exagéré. Cela s’est corsé à partir de la trentaine, lors de la prise de postes managériaux. Comme on me l’avait appris à l’époque « pour réussir en entreprise, une femme ne doit pas se transformer en homme, mais elle doit apprendre à parler une autre langue… ». Cela voulait dire : adopter le comportement et les usages masculins, la population masculine étant largement prédominante dans les entreprises de Technologie.

 Il y avait d’ailleurs la majeure partie du temps beaucoup de bonne volonté de la part de la direction de l’entreprise ou de la part des managers hommes. Simplement c’est prouvé : d’une part un manager est beaucoup plus à l’aise de diriger des gens qui lui ressemblent et, d’autre part, pour qu’une population minoritaire puisse s’exprimer pleinement elle doit représenter 30% d’un groupe. Et dans le monde de la technologie qui est le mien c’est rarement le cas pour les femmes. Par ailleurs, quand c’est le cas, il est rare qu’une femme puisse exercer un rôle managérial en respectant « son propre style ».

Le style féminin est souvent plus tourné, au naturel, vers l’écoute et la réussite d’équipe que l’assertivité personnelle. C’est un style de leadership moins formel et plus collaboratif. Il est nécessaire au succès des entreprises mais souvent opposé au présupposé « vrai leadership », comprendre un leadership d’autorité frontale. Il semblerait donc que le « command and control » (commander et contrôler) soit encore bien ancré dans les styles de management des entreprises, alors que la recrudescence de burn-out, dépression liée au surmenage ou au sentiment d’être malheureux en entreprise, bat son plein.

La création et la reprise d’entreprise m’ont permis d’oser un leadership en conformité avec mon caractère, mon style peu protocolaire, ainsi qu’avec les valeurs que j’avais envie d’insuffler dans mes organisations. C’est d’ailleurs peut-être cette opportunité de se libérer des diktats comportementaux et managériaux qui ne leur correspondent pas qui pousse de nombreuses femmes vers l’entrepreneuriat.

Pour autant, ayant fait partie d’une minorité je suis sensible au sujet de la réalisation de soi en entreprise. Convaincue que la diversité fait la richesse et la force d’une organisation, j’essaye de faire de la place pour que chaque collaborateur femme ou homme, jeune ou moins jeune, puisse apporter sa pierre à l’édifice avec sa personnalité dans un environnement bienveillant, au sein d’une équipe soudée. Bien sûr, cela s'inscrit dans le cadre de la mission, des valeurs, des objectifs et des contraintes de l’entreprise, mais toutes nos belles réussites ces dernières années sont à mon sens clairement corrélées à cet environnement.

Alors, à la lueur de ces quelques réflexions, je pense que oui : c’est encore très utile et important de célébrer les femmes dans l’économie. Non seulement pour qu’il y en ait plus dans les équipes managériales, mais pour qu’elles puissent le faire avec leurs codes et leurs styles propres, et que ce mélange des genres en entreprise soit un terreau de réussite pour notre économie.