La Réserve fédérale devient un enjeu de la campagne présidentielle américaine
La Réserve fédérale américaine (Fed) est décidément l’objet de toutes les attentions. Si les marchés financiers sont dans l’expectative d’une prochaine hausse de ses taux d’intérêt, la banque centrale américaine est également devenue un enjeu de la campagne présidentielle. Tandis que la favorite pour l’investiture démocrate, Hillary Clinton, souhaite réduire l’influence du secteur bancaire sur l’institution, son probable adversaire républicain, Donald Trump, annonce qu’il ne renouvellera sans doute pas le mandat de son actuelle présidente, Janet Yellen, et souhaite un contrôle plus étroit de la Fed par le Congrès.
Pour Mme Clinton, qui disputait deux primaires, mardi 17 mai, dans le Kentucky et dans l’Oregon, afin de tenter de distancer un peu plus son rival, Bernie Sanders, l’un des principaux problèmes de la banque centrale américaine est qu’elle compte trop de… banquiers. Dans une lettre envoyée jeudi 12 mai à Mme Yellen, l’équipe de campagne de la candidate appelle ainsi à des « réformes de bon sens », « attendues de longue date », à commencer par l’exclusion des banquiers des conseils d’administration des antennes régionales de la Fed. Objectif : s’assurer que l’institution est « au service de l’intérêt public » en étant « plus représentative de l’Amérique dans son ensemble ».
Ces antennes régionales, au nombre de douze, sont techniquement détenues par les banques locales. Par voie de conséquence, les membres issus du secteur financier sont surreprésentés. Cette influence se répercute au niveau fédéral de l’institution puisque, si le président des Etats-Unis nomme sept gouverneurs au Comité de politique monétaire (FOMC), le reste de cette instance est composé par des présidents d’antennes régionales. Une organisation qui confère au secteur bancaire un poids considérable sur la conduite de la politique monétaire et sur la régulation du système.
Cette prise de position constitue clairement un appel du pied aux électeurs de Bernie Sanders. Ce dernier avait publié, en décembre 2015, dans le New York Times, une charge contre la Fed, estimant que Wall Street reste hors de contrôle et qu’il y a urgence à réformer l’institution. Il explique que retirer les banquiers de la gouvernance de la Fed permettrait que « le renard ne garde plus le poulailler ». Il a d’ailleurs cosigné le 12 mai une autre lettre adressée à la Fed allant dans le même sens que celle de Mme Clinton. Elle est paraphée par 127 membres démocrates du Congrès, dont la sénatrice du Massachusetts, Elizabeth Warren, pasionaria de la lutte contre les excès de Wall Street.
Le problème de la représentativité de la Fed va au-delà du seul profil professionnel de ses membres, expliquent les signataires. Si l’institution veut mieux protéger les intérêts de l’Amérique, elle doit plus lui ressembler en termes de parité et d’origine ethnique. Le fait qu’une femme dirige l’institution – la première en cent une années d’existence – est l’arbre qui cache la forêt. Ainsi, 75 % des membres des conseils des antennes régionales sont des hommes ; 92 % des présidents sont blancs ; tout comme 100 % des membres votants du FOMC.
« Quand les voix des femmes, des Afro-Américains, des Hispaniques, des représentants des consommateurs et des salariés sont exclus de discussions-clés, leurs intérêts sont trop souvent négligés », expliquent les élus démocrates. Selon le Center for Popular Democracy, 39 % des membres des conseils des antennes régionales viennent du secteur financier, 47 % du monde patronal, contre seulement 11 % issus d’organisations représentant les salariés ou du milieu académique. En réponse, la Fed a dit avoir pour objectif « d’accroître la diversité ethnique et l’égalité des sexes », et assure ne pas être seulement attentive aux intérêts du secteur financier.
"Elle n'est pas républicaine"
En toile de fond de cette interpellation, le débat sur le rythme du relèvement des taux d’intérêt. Le collectif Fed UP, qui craint qu’un resserrement monétaire trop brutal se fasse au détriment des moins riches en augmentant le coût du crédit, demande à la banque centrale de n’agir que lorsque le chômage sera tombé à 4 % (il est à 5 % actuellement). Un seuil que prône également M. Sanders.
Côté républicains, M. Trump, lui, s’interroge à la fois sur le degré d’indépendance de la Fed et sur l’avenir de sa présidente. Une fois élu, il a dit dans une interview à Fortune le 19 avril qu’il « serait enclin » à remplacer Mme Yellen à l’issue de son mandat en 2018. « C’est quelqu’un de très compétent, mais elle n’est pas républicaine », a-t-il ajouté le 7 mai sur CNBC. Un argument qui n’avait pas empêché Ronald Reagan en 1983 de garder à son poste Paul Volcker, pourtant nommé par Jimmy Carter. Bill Clinton avait fait de même avec le républicain Alan Greenspan, tout comme Barack Obama avait confirmé Ben Bernanke qui avait été mis en place par George W. Bush.
Quant à la remise en cause de l’indépendance de la Fed, M. Trump est aligné sur les positions du Parti républicain, qui souhaite placer l’institution sous un contrôle plus étroit du Congrès. Une loi allant dans ce sens, proposée en janvier, avait été repoussée. Mais, en cas de victoire de M. Trump, cette initiative pourrait revenir à l’ordre du jour.
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