La restauration passive : une nouvelle définition pour ne rien faire ?
L’adoption cette année du règlement sur la restauration de la nature fixe un nouvel objectif ambitieux pour les milieux aquatiques qui, en passant, n’en manquent pas pour autant (directive faune flore, directive cadre sur l’eau, directive cadre stratégie pour le milieu marin, entre autres).
Pour ceux qui travaillent depuis des années sur cette thématique, ce règlement est finalement une forme de reconnaissance. Jusqu’à présent, il y avait bien plus d’opposition de principe, une sorte de postulat de base qui consiste à dire « cela ne sert à rien » ou bien « cela ne marche pas » que de volontaires qui se retroussent les manches pour faire avancer la thématique.
Mais cela c’était avant.
Maintenant, les spécialistes sont devenus beaucoup plus nombreux. Comme quoi, il ne faut pas préjuger de l’adoption d’un règlement européen sur la montée collective en compétence technique. J'avoue que c'est presque inespéré.
Mais le propos n’est pas là. Avec ce règlement apparait (ou se renforce ?) la notion de restauration passive. Sans vouloir faire de sémantique, cette définition m’interpelle. Du coup je suis revenu à mes bases en allant questionner mon bon vieux Petit Robert, non pas mon voisin, bien sympa par ailleurs, mais mon vieux dictionnaire.
Voilà les définitions :
- Restaurer : réparer, remettre en état. Cela renvoie à la notion d’agir, être actif.
- Passive : Qui ne réagit pas, qui subit. Sans énergie.
Du coup la restauration passive est un mixte entre agir et ne pas réagir. Bizarre, bizarre.
En poussant la réflexion et en dialoguant avec les promoteurs de cette définition, je comprends qu’il faut entendre par restauration passive la suppression des pressions et laisser faire la nature. Je perçois mieux la chose.
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Finalement quand je supprime un rejet polluant ou des mouillages forains, je fais de la restauration passive et je laisse faire la nature. Pourquoi pas. Mais pour autant, le fait de supprimer un rejet ne fait pas revenir l’habitat qui a été détruit ni les fonctions écologiques perdues. Le fait de supprimer les mouillages ne fait pas non plus revenir l’herbier de posidonie. Il faut bien dans ces deux cas agir pour restaurer le milieu.
La restauration de la fonction nurserie dans les ports demande également une intervention physique et matérielle.
Mais oui, enfin Pierre ! C’est pour cela qu’il y a la restauration active, par opposition, non plutôt en complément de la restauration passive. C’est-à-dire que l’on a une seconde définition qui est l’équivalent « d’agir en effectuant une action », si je crois toujours mon fidèle Petit Robert. Personnellement, je suis pleinement d’accord, ne sachant pas comment agir sans effectuer une action.
Autrement dit, en la matière, quand on est acteur de notre littoral, on a le choix entre être passif ou être actif.
Pour ces deux approches et aussi par définition, du moins dans celle qui prévaut depuis 10 ans les travaux engagés en Méditerranée sous l’appellation DRIVER, une restauration ne peut être engagée qu’après la suppression ou la maîtrise des pressions qui sont à l’origine de la dégradation. C'est bien le rôle de la lutte contre la pollution et la maitrise des pressions. En fait, comme monsieur Jourdain pourrait nous le dire, nous faisons déjà de la restauration passive sans le savoir. Bonne nouvelle pour l'application de ce règlement.
Finalement, au-delà de ces quelques lignes, la question posée est celle du bénéfice attendu / espéré de ce nouveau texte. On a le choix entre de longues discussions sur les définitions et les concepts avec, comme c’est souvent le cas, un oubli, une ignorance ou une remise en cause des travaux antérieurs ou bien le choix d'une déclinaison plus opérationnelle qui va booster les acteurs littoraux et les amener à agir pour améliorer l’état de santé de notre Méditerranée.
On a le choix d'être acteur ou spectateur.
Finalement, ce n’est pas un peu cela la question de l’écologie ?
Et vous, vous êtes sans énergie ou actif ? :-)
Sobriété technophile ⛮ Savoir-faire, pas faire, défaire, refaire ⛮ Maker - ingénieur - docteur de trucs en "iques" ⛮ Recherche, prototypage, conseil ⛮ En(g|r)agé en sobriété, en autoconsommation, en défense du vivant.
1 ans"restauration passive" ? un oxymore ? AMHA on n'a plus le luxe de ne pas tout faire de suite et en même temps (mais intelligemment et avec humilité). L'article le mentionne d'ailleurs un peu: "il y a la restauration active, [par opposition, non plutôt] en complément de la restauration passive." On peut certainement laisser pousser les arbres là où ils poussent (ex. foret tropicale), càd cesser de défricher ! Mais là où on a complètement dégradé l'écosystème on peut aussi y être actif. Attention au techno-solutionnisme mode "j'ai mieux compris que la nature ce dont elle a besoin" car ça plaît à la croissance verte, ça (et pensons aux galères historiques en Australie) La mauvaise foi arrive vite si on pense "passif" = "business as usual" 😵 Et franchement, changer son comportement c'est déjà une action ! C'est comme réduire la croissance à la seule économie, ou même au PIB. Non, notre "immobilisme" est frénétique et intenable, il n'a strictement rien d'immobile au sens "équilibré", c'est bien le problème. S'il s'agit de se poser et d'observer la nature vivante qui repousse alors je suis pour, tout comme je suis pour la croissance de la compréhension, de la culture, de la science, du respect ... OK, on dirait du Barrau ;)
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1 ansJe me sens moins seul à être perplexe sur la définition de la restauration passive... vu la diversité des activités anthropiques en Méditerranée, la Nature va avoir du mal à repartir d'elle même une petite aide, conservation et restauration active... sauf peut être en période de confinement... en attendant on continue à être actif 😉
PONTOS NATURE - COFOLACS FOUNDATION
1 ansUne directive européenne mal traduite dans le droit français et la restauration écologique aux mains des entrepreneurs privés qui s’en mettent plein les poches depuis tant d’années !. Il serait temps que la cour des comptes mette son nez ds le disfonctionnement des agences environnementales. Comme pour l’érosion du littoral…arrêtez l’anthropisation du côtier, respecter la loi littorale et laissez faire la nature !.
chargé de mission usages côtiers - coordination sites N2000 secteur PACA Est
1 ansQu'importe les définitions, non ? Les 2 sont complémentaires. Ce qui compte est le résultat. Cela semble pertinent que l'Europe intègre cette notion : cela implique des futurs financements pour l'enlèvement de pressions. La recolonisation naturelle du milieu une fois les pressions enlevées fonctionne par ailleurs pour certains milieux. On a aussi des exemples où la restauration active a échoué. Certains habitats ont une croissance si lente, qu'on est souvent frustré de ne pouvoir accélérer les choses à notre échelle de temps. Enlever les pressions et éviter qu'elles ne reviennent avec des mesures de protection effectives via notamment le renforcement de la présence sur le terrain d'agents doit faire partie des priorités. La restauration active doit agir en complément. Et en effet, certains résultats sont prometteurs.
J'aide les gestionnaires de l'eau à passer de la gestion à l'anticipation des risques liés aux proliférations toxiques!
1 ansAvec beaucoup d’énergie 😁