La valeur et le potentiel d'une personne ne se résument pas à son diplôme.
Je suis une transclasse.
Quèsaco ?
J'ai grandi dans une banlieue parisienne au sein d'une famille monoparentale avec un frère et deux sœurs. Issue d'un milieu précaire, j'ai connu une mobilité sociale ascendante.
Mon parcours académique n'a rien de prestigieux et je ne fais pas partie des surdiplômés largement représentés dans l’écosystème du digital.
Ironiquement, mon 1er emploi en CDI, je l'ai obtenu il y a 10 ans maintenant, dans une des plus belles écoles de commerce en France. J'ai alors compris qu'un mur invisible me séparait de ceux et celles qui arpentaient les couloirs de ce fleuron de l'excellence académique.
Je n'avais jamais mis de mot sur mon parcours avant de lire l'ouvrage de Chantal Jacquet, intitulé "Les transclasses ou la non-reproduction".
J'ai échappé aux théories de la reproduction sociale popularisées par les sociologues Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron.
Comment est-ce arrivé?
Une chose est sure, ma trajectoire, je ne la dois pas au mérite.
D'ailleurs, je crois que le mythe du mérite est un leurre! Il revient à dire que notre société offre les conditions d’une compétition équitable entre les individus, afin que chacun.e puisse accéder, en fonction de son action personnelle, à l'ensemble des positions sociales.
Or, nous savons que c'est faux puisque tout le monde ne dispose pas des mêmes atouts (capital économique et culturel, réseau de relations ...) pour réussir.
Chantal Jacquet - Gérard Bras, La fabrique des transclasses, Paris, PUF, 2018.
"On fait comme si par nature les individus étaient tous lancés dans une course au long cours et comme s’il suffisait de se mettre en marche pour arriver, quitte à s’étonner ensuite que l’ascenseur social soit en panne et à chercher des leviers pour le faire redémarrer et supprimer les freins. C’est présupposer qu’il y a un ascenseur qui facilite la trajectoire et que les hommes de bonne volonté n’ont qu’à se précipiter pour le prendre".
Pour Chantal Jacquet, “le mérite est une pure construction politique” destiné à conforter l'ordre social. Je partage ce point de vue.
Alors, quelles sont les raisons qui expliquent cette mobilité sociale?
L'ambition
Dans son ouvrage, Chantal Jacquet souligne que "l'ambition vise la promotion de soi et se nourrit de l'émulation des autres". A cet égard, comme beaucoup d'enfants issus de milieux déclassés dont les parents nourrissent une ambition de réussite, j'ai été encouragée à développer mon appétit pour la connaissance.
Le rôle de l'école
Evidemment, l'école a joué un rôle. Je fais partie de ceux dont le chemin a croisé celui d'une institutrice modèle, en primaire, qui a su faire de l'apprentissage un jeu.
L'école est un formidable lieu d'émancipation.
Néanmoins, il convient de nuancer son rôle. L'école, c'est aussi un vecteur de reproduction sociale, surtout en France où le culte du diplôme a une emprise forte. Dans bien des cas, l’absence de diplôme est un frein pour l’accès aux plus belles opportunités professionnelles.
J'y ai moi même été confrontée.
Une licence, cela ne semblait pas suffisant pour accéder à un poste de cadre dans les ressources humaines. Ce constat, c'est mon manager de l'époque qui m'en avait fait part. Avec une furieuse envie de progresser professionnellement, j'ai donc repris mes études tout en travaillant et j'ai obtenu un master en ressources humaines au CNAM après 2 années de cours du soir.
Ces enseignements m'ont permis d'en savoir plus et développer mes connaissances métier. Pour autant, ce master obtenu ne définit ni mon potentiel, ni mes capacités. Je pense que j'aurai aussi bien pu enrichir mes connaissances/compétences sans le précieux sésame du diplôme.
Sur le plan professionnel, j'ai croisé la route de personnes qui ont cru en mon potentiel. Progressivement, j'ai pu montrer par mon travail, sur le terrain, de quoi j'étais capable.
Cette progression, je la dois en partie aux rencontres déterminantes que j'ai pu faire.
J'ai eu la chance de pouvoir voyager et travailler à l'étranger. L'expatriation pour moi a été un accélérateur de carrière. Une fois rentrée en France, j'ai pu faire valoir ces expériences.
Au quotidien, dans mon métier, j'ai l'opportunité d'ouvrir la porte aux profils dits "atypiques" en donnant leur chance aux parcours singuliers, de la même manière que l'on m'a tendu la main.
La démarche que j'entreprends lors de recrutements est celle d'échanger avec des profils vers lesquels je ne serai pas allée naturellement et à dépasser mes biais, en sortant de ma zone de confort.
Ce n'est pas une démarche toujours aisée, je dois le reconnaître.
Notre rôle RH est celui d'identifier les potentiels cachés et les révéler.
Je suis convaincue que l'entreprise doit pouvoir ouvrir ses portes à des profils multiples et hétérogènes. L'avenir appartient aux dirigeant.e.s d'entreprise qui auront réussi à faire des différences un atout. Elles pourront bénéficier de multiples avantages : gains de compétitivité car elles seront à même de conquérir de nouveaux marchés et de concevoir des produits représentatifs de la diversité des client.e.s, stimulation de la créativité et le l'innovation en engageant une complémentarité des profils, expansion internationale sans difficulté car elles auront compris et assimilé différents codes culturels, etc.
En bref, l'avenir appartient à ceux et celles qui feront de la diversité un levier de performance.
🏆🏆🏆 3x 𝗟𝗶𝗻𝗸𝗲𝗱𝗜𝗻 𝗧𝗼𝗽 𝗖𝗵𝗼𝗶𝗰𝗲 𝗔𝗳𝗿𝗶𝗰𝗮 🌍 🌟 | Top 100 Leaders & Entrepreneurs Afrique Francophone 💎 Coach Emploi et Personal Branding 🎬 | LinkedIn Community Manager💫 | Business Developer📈
4 ansBrillant article Christelle Kalipé , nos idées se rejoignent sur plusieurs points 🙂👏🏽
Je forme les recruteurs et managers à passer au niveau supérieur | Co-fondatrice @Blendy⚡️| Ex-Chasseuse de tête de dirigeants 🤫 | Co-Auteur du livre « Permis de Recruter » 📘 | Conférencière
4 ansExcellent article et bravo pour ce parcours Christelle ! Un savant mix de force de conviction et d'abnégation avec une pincée de "bonnes" rencontres. Les codes sociaux et en particulier du recrutement ont cruellement besoin d'évoluer sur ce point vers un assessment du potentiel. Cependant savoir recruter et évaluer des potentiels est moins chose aisée et cela requiert une remise en question de nos techniques de recrutement. Un vaste sujet qui nous intéressera pour les 10 prochaines années je crois ;)
CEO @ Jelam 🚀 | Speaker 🎤| Formateur innovation 👨🏾🏫 | Intervenant en école [Entrepreneuriat, Innovation, Technologie numérique] 🎓
4 ansBelle article. J'ai moi aussi un parcours unique dont je suis fier. C'est également le fait de rencontre mais aussi le fait de chemin. Pour boucler la boucle il faudrait également transformer l'école afin qu'elle aide les enfants à révéler leurs talents, à les développer plutôt que d'essayer de les rentrer dans un moule. Einstein disait : "Tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide." J'ai également juste une réserve toute personnelle sur la notion que vous amener de "transclasse" qui d'un côté marque votre réussite professionnelle mais qui maintient la barrière invisible dont vous parlez. Cela nous maintient dans l'illusion que la réussite professionnelle est un accomplissement alors qu'en réalité l'accomplissement personnelle et la recherche du bonheur devraient être une priorité. Ainsi chacun fera le choix de sa définition du bonheur. Encore bravo pour votre parcours, vos ambitions et votre article.
Retraité actif
4 ansMerci pour l’article. Depuis les origines, l’homme crée des écoles réservées à une « élite ». Mais il s’agit ensuite d’apprendre en permanence. Enfin, je crois que c’est un processus d’ouverture (éveil de conscience) qui fait qu’un manager est atypique. Il arrête alors de reproduire et comprend tout l’intérêt de la diversité
Site QA manager chez Coty
4 ansBravo pour cet article qui fera écho chez beaucoup de "transclasses", moi la.premiere. Cela m a donné envie de vous suivre et également d en apprendre plus sur ce concept.