Le lien de la croix

Le lien de la croix

Le visage de l’église est comme étaient ces premières plaques de verre sensibles recouvertes de sel d’argent, utilisées par les photographes d’antan. Il enregistre chaque nuance d’ombre et de lumière.

Il y a trop d’épines de la couronne du christ, trop d’échardes de sa croix qui ont griffé le visage de l’église. Trop de souffrances, trop de calvaires, trop de haines, trop de sang. L’église est en souffrance au point que l’internaute Frédéric Auclair a récemment évoqué sur Facebook « l'église défigurée du Christ ». Etait-elle ainsi la face du Christ imprimée par sa sueur et par son sang sur le Saint Suaire ? Défigurée par la souffrance ou au contraire apaisée par la grâce ultime ? Si le visage de l’église est ravagé, c’est parce qu’il porte les stigmates de la maladie qui nous touche et qui touche le monde : une sorte de désenchantement.

Une très belle chanson écrite pour Hélène Ségara et qui exprime la complainte amoureuse de celui que sa belle ignore nous dit : «Y'a trop d'gens qui t'aiment Et tu ne me vois pas ». Il faudrait adapter ce refrain et dire cette fois à propos du Christ : «Y'a trop d'gens qui t'aiment Et qui ne te voient pas », car il suffirait au peuple de l’église, aux prêtres comme aux fidèles,  d’accepter la réalité du Christ pour que le visage de l’église soit transfiguré. Le vrai visage du Christ, « avec sa gueule de métèque, de juif errant, de pâtre grec et ses cheveux aux quatre vents » aurait dit George Moustaki ; le visage du migrant rejeté, celui du SDF ignoré, celui du pauvre qui a faim, celui du juif ou de l’arabe discriminés, le visage du solitaire, du vieillard ou du malade abandonnés.

Le Christ nous l’avons crucifié pour sa différence. Cloué sur sa croix, il continuait à nous ouvrir les bras. Nos clous ont transpercé ses poignets sous ses paumes ouvertes en signe de salut pacifique, et qui traduisaient son absence de peur, mais aussi la protection qu’il était prêt à nous accorder. Le christ venait d’ailleurs. Chaque être humain lorsqu’il profère l’anathème « On est chez nous » plante un nouveau clou à l’endroit précis où l’aiguille de l’infirmière vient chercher la veine pour un don de sang. 

Jean-Pierre Guéno

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