Le maréchal Davout

Le maréchal Davout

      Tous les maréchaux de Napoléon ne sortaient pas du rang. Louis-Nicolas Davout (« d’Avout » au moment de sa naissance) fait partie de ceux qui avaient entamé, avant la Révolution, une carrière d’officier au sein de l’armée royale, après des études à l’Ecole militaire de Paris, commencées au moment où le jeune Bonaparte en sortait. Né le 10 mai 1770 à Annoux (Yonne actuelle), il était fils d’un lieutenant du Royal-Champagne Cavalerie. C’est dans cette même unité qu’il commença à servir comme sous-lieutenant, en février 1788. Favorable aux idées nouvelles, il fut mis aux arrêts pour l’avoir dit, et même enfermé à la citadelle d’Arras suite à une mutinerie de son régiment, devenu 19e de cavalerie. Démissionnaire en septembre 1791, il se fit élire lieutenant-colonel d’un bataillon de volontaires de son département d’origine (on élisait les officiers dans ce type de recrutement...) avec lequel il participa aux premières campagnes de l’armée du Nord puis à celle de Belgique (mars 1793). A cette époque, il tenta d’arrêter Dumouriez au moment de son passage à l’ennemi, n’hésitant pas à faire tirer sur lui. Il prit ensuite la direction de la Vendée pour faire le coup de feu contre les Blancs. Il y gagna en une semaine ses étoiles de général de brigade (25 juillet 1793) puis de division (30 juillet). Rayé des cadres pour avoir refusé d’appliquer le décret d’exclusion des ci-devant nobles de l’armée, il resta plusieurs mois sans emploi et ne fut réintégré qu’avec le grade de général de brigade à l’armée de Moselle, en septembre 1794. Brièvement prisonnier après la capitulation de Mannheim (septembre 1795) et libéré sur parole, il dut attendre près d’un an pour reprendre du service, dans la division du général Desaix, pour de nouvelles opérations en Allemagne. C’est grâce à son nouveau chef qu’il fut aspiré dans le sillage de Bonaparte.

           Commandant une brigade de cavalerie, il fit la campagne d’Egypte et combattit aux Pyramides. Toujours sous Desaix, il participa à la pacification de la Haute-Egypte et l’emporta sur Mourad Bey lors des combats de Souagui et Louqsor. Présent à la bataille terrestre d’Aboukir, il resta en Egypte après le départ de Bonaparte et ne rentra en France qu’en juillet 1800. Réintégré dans son grade de général de division par le Premier Consul, il ne le quitta quasiment plus et occupa les plus hautes fonctions militaires : inspecteur général de la cavalerie, commandant des grenadiers à pieds de la Garde et commandant du camp de Bruges au moment de la préparation de la descente en Angleterre. Inclus dans la première promotion des maréchaux de l’Empire (19 mai 1804), il fut nommé en même temps colonel général des grenadiers à pieds de la Garde impériale.

La suite se déroula dans le tourbillon des premières campagnes de l’Empire au cours desquelles Davout commanda toujours un corps d’armée. Parmi ses plus remarquables faits d’armes, il faut évidemment citer sa résistance sur la droite française à Austerlitz et sa magnifique victoire contre les Prussiens à Auerstaedt. Contrairement à ce que certains historiens ont affirmé, ce dernier succès ne fut pas minimisé par Napoléon qui avait remporté le même jour (14 octobre 1806), la victoire d’Iéna. Il lui écrivit le lendemain : « Je vous fais mon compliment de tout mon cœur sur votre belle conduite […]. Témoignez ma satisfaction à tout votre corps d’armée et à vos généraux. Ils ont acquis pour jamais des droits à mon estime et à ma reconnaissance ». L’importance de sa victoire ne fut pas non plus cachée à l’opinion, le Bulletin de la Grande armée du 15 octobre révélant : « A droite, le corps du maréchal Davout a fait des prodiges. Non seulement il contint, mais mena battant […] le gros des troupes ennemies. Ce maréchal a déployé une bravoure distinguée et de la fermeté de caractère, première qualité d’un homme de guerre ».

           Pendant ces premières années de collaboration, l’empereur avait décelé ses qualités d’organisateur méticuleux et de gestionnaire sévère. Il commença à l’employer à des tâches politico-militaires, comme gouverneur général du duché de Varsovie, créé au traité de Tilsit (juillet 1807). Il le rappela auprès de lui pour la campagne d’Autriche de 1809 où, une fois de plus, Davout le seconda avec exactitude et efficacité, à Eckmühl (22 avril), Ratisbonne (23 avril) et Wagram (6 juillet). Lorsque lui-même rentra à Paris, Napoléon lui confia le commandement en chef de l’armée d’Allemagne, avant de le nommer gouverneur général des départements hanséatiques à Hambourg (1er décembre 1810) puis son commandant du corps d’observation de l’Elbe qui surveillait les menées russes à la frontière polonaise (19 avril 1811).

En récompense de ses services, Davout avait obtenu plusieurs dotations et titres : grand-aigle de la Légion d’Honneur (1805), 820 000 francs de rente sur le duché de Varsovie, en Allemagne et en Italie (1807), le titre de duc d’Auerstaedt (28 mars 1808) et celui de prince d’Eckmühl (15 août 1809). Il s’était marié en 1801 avec Aimée Leclerc, sœur du premier mari de Pauline Bonaparte. Le couple eut quatre fils et quatre filles.

Commandant un corps d’armée pendant la campagne de Russie, vainqueur à Minsk (8 juillet 1812) et à Mohilev (23 juillet), Davout combattit à Smolensk et à la Moskova où il fut blessé par le vent d’un boulet. Il n’en reprit pas moins un commandement pendant la retraite mais se le vit retirer par Napoléon pour n’avoir pas marché assez vite. De retour pour la campagne de Saxe de 1813, il combattit surtout dans la région de Hambourg dont il organisa la défense après le désastre de Leipzig. Il ne rendit la place qu’en mai 1814, après avoir exigé d’en recevoir l’ordre formel de Louis XVIII. Jugé indésirable à Paris, il vécut la Première Restauration dans son domaine de Savigny-sur-Orge, acquis en 1802.

Au retour de l’île d’Elbe, il rejoignit Napoléon dans la capitale et accepta le portefeuille de la Guerre. Il le conserva pendant toute la durée de la restauration impériale. L’empereur n’ayant pas donné suite à sa demande de prendre un commandement aux armées, on se demande depuis deux siècles si, avec un homme tel que lui à la place de Ney ou de Soult, la campagne de Waterloo ne se serait pas déroulée autrement. Après la seconde abdication, il resta à son poste, tentant de défendre Paris puis commandant l’armée repliée derrière la Loire. Déchargé de son ministère le 8 juillet 1815, il attendit encore une semaine pour faire sa soumission à Louis XVIII avant de démissionner de tous ses commandements, le 23 juillet. Il fut assigné à résidence à Louviers et privé de ses traitements jusqu’en juillet 1817. Le roi le nomma enfin à la chambre des pairs, le 5 mars 1819, dans une fournée « bonapartiste » destinée à renforcer sa politique « de pardon et d’oubli ». Quasiment retraité mais respecté de tous (il est vrai que son caractère impérieux et froid y aidait), Davout mourut de la phtisie (tuberculose) dans son hôtel parisien de la rue Saint-Dominique, le 1er juin 1823. Louis XVIII lui accorda les honneurs et un cortège militaire pour le conduire au Père-Lachaise. Quant à Napoléon, il n’avait cessé d’en dire du mal à Sainte-Hélène, estimant bien à tort qu’il l’avait trahi « comme les autres ». Sans doute y avait-il chez lui une sorte de jalousie devant les qualités tactiques de son maréchal, à laquelle on peut ajouter une incompréhension de son humeur perpétuellement ombrageuse.

Alexandre Coulet

Leader en conduite du changement personnel et collectif

2 ans

A quand des articles sur des généraux de Napoléon plus obscurs, ingénieurs militaires, qui se sont illustrés dans la défense des places fortes et les guerres de siège comme Marescot, Lazare Carnot, Le Michaud d'Arcon, Pascal Vallongue, Dejean, Joseph Rogniat, François Joseph Kirgener, Frevol de Lacoste, François de Chasseloup Laubat, Pierre Antoine Clerc, Dode de la Brunerie, Haxo, Poitevin de Maureillan,...Ils n'ont pas démérités !

Sylvain Sacheli

Responsable des Opérations

2 ans

Merci pour cet article très intéressant, qui décrit celui qui n'a connu aucune défaite, dit-on.

Alexandre Roux

Neurochirurgien 🧠 🇫🇷 Spécialiste des tumeurs cérébrales

2 ans

Le maréchal de fer ;)

Tristan Riquelme

Administrateur de l'Etat - sous-directeur adjoint chez Ministère de l'Intérieur

2 ans

A voir à la mairie d'Auxerre, des effets personnels dont bicorne et bâton de maréchal, légués par sa fille à la commune.

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