Le marché de la SVOD en Europe et son impact sur les productions locales
Avec la démocratisation des services de streaming vidéo à la demande, fortement favorable aux gros groupes américains, la question de leur part dans le financement de la création européenne s’est rapidement posée.
Le marché du Streaming Vidéo à la demande bientôt au sommet
D’après une étude d’Enders Analysis, le marché de la SVOD en Europe atteindrait bientôt un plafond de verre. En effet d’après diverses analyses, et prenant Netflix en exemple, François Godard, Tom Harrington et Tom Sanden-Jewell expliquent que le marché serait bientôt à saturation.
‘’Nous pensons que la SVoD est proche d'un plateau en Europe car Netflix a eu les mêmes chiffres aux États-Unis. De plus les pénétrations sur les principaux marchés de l'UE sont au même niveau que le marché américain dont la croissance a notablement ralenti l’année dernière. Sur les autres marchés, nous prévoyons des plafonds beaucoup plus bas, conformément à la demande historiquement plus faible pour la télévision payante et les contenus américains." – François Godard
Concrètement aux Etats-Unis et au Canada, Netflix a pénétré plus de 50% des ménages courant 2020 et a vu son nombre de nouveaux abonnés diminuer sur le territoire dès le Q2 de l’année en cours, une première.
Si les analyses d’Enders Analysis s’avèrent exactes, le taux de pénétration de la SVOD sur les pays Européens « porteurs » serait proches de ceux de Netflix d’ici quelques mois, entrainant une stagnation du nombre de nouveaux abonnements et ce qui pourraient avoir des conséquences sur les productions locales…
Les plateformes de SVOD mettent la main au portefeuille
Peu le savent mais le marché de la SVOD participe aussi à la production de films et séries européens depuis plusieurs années maintenant.
Inscrit au Journal Officiel de l’Union Européenne en 2010, la directive voulait une mise en place coordonnée de dispositions législatives, réglementaires et administratives autour des obligations des services de médias audiovisuels autour de la production et de la distribution des contenus locaux, au sein de chaque états membres.
Les demandes exigées par cette directive sont multiples :
« En conséquence, ils devraient favoriser, autant que possible, la production et la diffusion d’œuvres européennes et promouvoir ainsi activement la diversité culturelle. Ce soutien aux œuvres européennes pourrait par exemple prendre la forme de contributions financières de ces services à la production d’œuvres européennes et à l’acquisition de droits sur ces œuvres, du respect d’un pourcentage minimal d’œuvres européennes dans les catalogues de vidéos à la demande, ou de la présentation attrayante des œuvres européennes dans les guides électroniques des programmes. » - Extrait de la directive officielle
Or la participation financière aux productions locales est directement liée au chiffre d’affaires des plateformes de streaming donc si l’un diminue l’autre aussi.
Recommandé par LinkedIn
De plus, la stratégie actuelle de nombreuses plateformes de SVOD est d’avoir un catalogue le plus large possible (parfois au détriment de la qualité des programmes proposés) avec du contenu original pouvant attirer toujours plus d’abonnés, boostant ainsi la production.
Si le marché venait prochainement à stagner, il est possible d’imaginer que l’investissement mis dans la création de contenu serait différent et en conséquence amoindri.
En France, un dispositif protégeant l’exploitation en salle des films complexifie son intégration dans le cadre de la production cinématographique malgré tout cette directive européenne a permis de déplacer les lignes…
La French’s touch et le marché de la SVOD
Dès janvier 2022, Netflix, Amazon Prime Video, Disney+ et Apple TV+ participeront financièrement à la création audiovisuelle française.
La mise en application de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMAD) aura pris quelques années mais les géants du streaming internationaux s’alignent désormais avec les plateformes françaises comme OCS, Canal+ ou Salto qui contribuaient déjà à la création made in France depuis plusieurs années.
En France, la convention prévoit que les SMAD investissent 20% de leur chiffre d’affaires réalisé sur le territoire dans des productions hexagonales, dont 80% en audiovisuelle et 20% en production cinématographique.
D’après les calculs du CSA, ce nouveau dispositif devrait rapporter entre 250 et 300 millions d’euros par an. Il est intéressant de noter que la majorité des contenus seront probablement des séries plutôt que des long-métrages car plus facilement rentables pour les plateformes de SVOD.
Conclusion
Le marché du streaming vidéo à la demande est un marché jeune et bien qu’il ait un taux de pénétration important en Europe, il est encore en pleine mutation. Il suffit de voir les soixante dizaines de nouvelles plateformes qui ont vu le jour l’année dernière.
Nouvelles plateformes dit une compétition encore plus féroce et un besoin important de se démarquer et donc de créer du contenu original. Les productions locales vont encore pouvoir en profiter pendant plusieurs années !
Sources