Le mix énergétique breton est en mutation
Par Béatrice Mingam, 25 mars 2024
En Bretagne, la production d’énergie est en évolution constante depuis 2000. D’année en année, son mix énergétique se diversifie. Selon l’édition 2020 de l’Observatoire de l’Environnement en Bretagne (OEB), les nouveaux moyens de production sont majoritairement orientés vers la valorisation des ressources renouvelables et de récupération.
Au sommaire de cette newsletter :
1 - Panorama de la production d’énergie en Bretagne
2 - La consommation d’énergie est la source n°1 des gaz à effet de serre en Bretagne
3 - Les bâtiments publics sont gourmands en énergie
4 - Avec le Programme territoire engagé transition écologique, les collectivités engagées ont fait un bond « vert » énergétique
1 - Panorama de la production d’énergie en Bretagne
Bois-énergie et éolien
Le bois-énergie et l’éolien terrestre restent les deux principales ressources exploitées en Bretagne. Environ 1,5 millions de tonnes de bois, dont 80 % de ressources régionales, sont utilisées pour produire de l'énergie. Le bois est une ressource majeure du territoire, dont l’usage pour le chauffage domestique a toujours été important. La Bretagne a aussi été l’une des pionnières du développement de l’éolien terrestre en France, mais cette filière progresse plus lentement et prépare son renouvellement. La part nationale du grand éolien breton est passée de 13 % en 2005 à 6 % en 2019. Il représente 20 % de la production d’énergie en Bretagne.
Par contre, des éoliennes offshores sont en projet entre Belle-Ile et Groix. Leur production représentera l’équivalent en énergie d’une demi-centrale nucléaire. Le premier projet prévoit la mise en service en 2031 d’une vingtaine d’éoliennes flottantes à 20 km des côtes sur une superficie de 45 km2. Elles permettront de produire l’électricité nécessaire aux besoins d’environ 450 000 habitants. Puissance totale : 250 MW. Les travaux débuteront en 2028 ou 2029. Un deuxième parc permettra à terme d’obtenir une puissance de 750 MW et de produire la consommation en électricité hors chauffage de 1 350 000 habitants.
A titre de comparaison, selon EDF et le site Econologie, un réacteur nucléaire de 900 MW produit en moyenne chaque mois 5 000 GWh, ce qui correspond à la consommation de 400 000 foyers environ ; un réacteur nucléaire de 1300 MW va produire environ 9 660 GWh par an.
Déchets, méthanisation et biogaz
La valorisation énergétique des déchets est plafonnée par les capacités de traitement des incinérateurs. Mais elle a progressé de 34 % entre 2000 et 2018, grâce aux évolutions techniques mises en œuvre sur le parc d’incinérateurs et son raccordement progressif à des réseaux de chaleurs.
La production d’énergie par méthanisation repose à plus de 70 % sur des matières fermentescibles d’origine agricole. Ses 25,8 millions de tonnes annuelles d’effluents d’élevage (lisiers et fumiers) permettent à la Bretagne de disposer d’un très gros gisement en raison d’une surconcentration de l’élevage sur le territoire et des élevages intensifs qui y ont été implantés. Ces activités ne sont d’ailleurs pas sans conséquences sur l’environnement, les épandages extrêmes sur les sols entraînant les marées vertes de l’Océan.
Apparue sur le territoire en 2005 et développée à partir de 2015, la filière du biogaz croît fortement (3 % par an). En 2022, la Bretagne comptait 54 unités de méthanisation sur son territoire. Elle produisait assez de « gaz vert» pour faire rouler 2 500 bus gaz chaque année ou chauffer 100 000 logements (623 GWh/an).
160 projets sont à l’étude ou en cours, en majorité des installations sur des exploitations agricoles. La part du Biogaz devrait ainsi atteindre 14 % à l’horizon 2025 et 31 % en 2030. Cependant, rappelle le quotidien Ouest-France, « l’incident survenu au mois d’août 2020 sur un méthaniseur installé à Châteaulin (Finistère) a nui à l’image de la filière. Il avait entraîné des restrictions en eau potable pour 180.000 personnes ».
Cogénération
La cogénération est la production et l’utilisation simultanée de l’électricité et de la chaleur à partir d’une même énergie primaire et au sein de la même installation. Le parc des installations en cogénération continue de se développer, notamment grâce à des investissements sur des installations existantes. Technique efficace d’utilisation des énergies fossiles (pétrole, gaz…) et renouvelables (bois, biogaz..), elle consomme 10 à 35 % d’énergie primaire en moins que les meilleurs outils de production séparés.
Solaire
Avec une croissance de 8 % du nombre d’installations depuis 2013, la filière photovoltaïque se développe de manière constante mais modérée en Bretagne. Par contre, avec seulement 30 000 m² de panneaux solaires thermiques installés en 10 ans, cette filière se développe peu. Panneaux thermiques et photovoltaïques n’ont pas la même utilité, ni le même fonctionnement. Les premiers transforment le rayonnement solaire en chaleur pour fournir de l’eau chaude. Les seconds utilisent la lumière solaire pour produire de l’électricité.
Hydroélectrique
L’usine marémotrice de la Rance produit l’équivalent de la consommation électrique annuelle de la ville de Rennes, soit les besoins de plus de 225 000 habitants. En 2018, près de 17 % de l’énergie produite en Bretagne provenait de ce site industriel et sa production de l’usine marémotrice de la Rance étant relativement stable dans le temps, les évolutions de la production hydroélectrique bretonne dépendent de l’exploitation du réseau hydrographique. Or, la capacité de production des installations continentales diminue depuis quelques années. Aujourd’hui, la part de l’hydroélectrique représente 6 à 7 % de la production totale d’énergie du territoire.
Selon l’Observatoire de l’environnement en Bretagne (OEB), « la plupart des installations hydroélectriques en domaine terrestre ont été mises en service au début du XXe siècle en Bretagne, puis plus récemment dans les années 2000. Elles se concentrent sur deux bassins versants : le Blavet de sa source à la mer (60 %) et les fleuves côtiers de la pointe de Bloscon à la pointe du Raz (21 %). Si ces ouvrages hydrauliques sont mineurs en termes de capacités et de production, ils assurent plusieurs fonctions sur le territoire : écrêtement des crues, alimentation en eau potable, activité industrielle, transport, etc. ». Toujours selon l’OEB, les ouvrages dédiés à la production d’électricité ou convertis à cette production pour l’injection sur le réseau électrique sont peu nombreux. « Ils représentent 1 % du référentiel des obstacles à l’écoulement (ROE) en 2019 ».
Attardons-nous quelques instants sur ce type d’ouvrages. Le parc hydrolélectrique breton est modeste et ancien. « Son potentiel hydroélectrique étant limité, la Bretagne représente 1 % du parc national. La capacité totale du parc hydroélectrique en injection réseau s’établit en 2019 à 271 MW. L’usine marémotrice de la Rance en représente 90 %. En domaine terrestre, le parc hydroélectrique breton totalise 33 MW en 2019 », souligne l’OEB.
Le barrage de la Rance a fait de la France une pionnière. Son usine marémotrice a été inauguré en 1966 dans une zone où les marnages (différence verticale à un endroit donné entre marée haute et marée basse dans le même cycle de marée) sont les plus forts au monde. Elle a longtemps été la centrale la plus puissante au monde (détrônée en 2011 par un site en Corée du Sud).
Si elle produit une énergie 100 % renouvelable, son exploitation n’est pas sans danger pour la biodiversité. C’est ce que révèle encore Ouest-France en se basant sur le livre blanc de la Société hydroélectrique de France (SHF) publié en 2019. Celui-ci explique que les lourdes infrastructures marémotrices modifient de manière importante l’environnement marin et côtier.
Elles ont des effets sur les courants, les marées et le marnage. L’amplitude des marées a son importance : elle doit se situer entre 10 et 15 mètres pour une bonne rentabilité ; elle est de 13,5 mètres sur le site du barrage. Elles modifient les conditions de salinité et de l’état de la mer (vagues, houle) dans les bassins et à la côte. Elles modifient aussi le transport sédimentaire, le taux d’envasement et la création d’obstacles maritimes ou de connexions nouvelles. Le livre blanc pointe aussi « des incidences notables sur les écosystèmes, leurs fonctionnalités, les espèces marines et les habitats, qui peuvent être modifiés profondément ».
Le parc hydroélectrique s’est diversifié. Des hydroliennes expérimentales ont été implantées depuis 2015 au large de Paimpol-Bréhat (Côtes d’Armor), premier site d’essais hydroliens en mer, de l’île d’Ouessant et de Saint-Anne du Portzic dans la Rade de Brest (Finistère) ainsi qu’au niveau de la ria d’Étel (Morbihan).
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Ecoutez le témoignage de Raphaël Coquet. Il a réalisé des essais hydroliens en mer sur le site de Paimpol-Bréhat pour la société HydroQuest.
2 - La consommation d’énergie est la source n°1 des gaz à effet de serre en Bretagne
En matière de consommation d’énergie, deux usages sont majoritaires sur le territoire : la mobilité (92 % de produits pétroliers) et l’habitat (75 % des consommations d’électricité et de gaz).
Le territoire a une très forte dépendance énergétique. 90 % des besoins énergétiques et près de 85 % des besoins électriques de la Bretagne sont couverts par des ressources produites hors de la région. 15 % des consommations finales d’énergie sont d’origine renouvelable, une situation en partie liée au contexte national de développement de ces filières.
Les produits pétroliers dominent la consommation d’énergie sur le territoire et sont essentiellement destinés aux transports routiers, maritimes et aériens. Nous le verrons dans une partie spécifiquement dédiée aux transports.
Les usages électriques liés aux bâtiments sont largement majoritaires : 44 % de l’électricité est consommée par le résidentiel et 32 % par le tertiaire. Puis viennent l’industrie (environ 20 %), l’agriculture et les transports (moins de 5 %). Le détail des consommations électriques par activités en 2018 porte le secteur de la construction sur la première marche du podium (8 708 GWh). Si l’on exclut les besoins de ce secteur, l’industrie arrive tout de même en première position (5 224 GWh, dont 51,44 % pour l’agroalimentaire), suivie par les commerces, l’agriculture et le secteur public (administration, enseignement, hôpitaux).
L’accroissement des volumes de gaz naturel consommés en Bretagne est directement associé aux nombreuses mises en services d’unités de cogénération gaz. Le marché du gaz naturel bénéficie dans une moindre mesure de l’abandon progressif des systèmes de chauffage au fioul.
Peu à peu, les secteurs résidentiel, tertiaire et de l’industrie ont substitué les produits pétroliers par d’autres consommables énergétiques. Ce n’est pas le cas du secteur des transports qui représente aujourd’hui 70 % de la consommation des produits pétroliers.
3 - Les bâtiments publics sont gourmands en énergie
Les collectivités ont tout intérêt à s’engager dans la voie des énergies renouvelables, pour réduire le bilan carbone du territoire, alléger leur facture énergétique et créer de l’activité économique en recourant à des professionnels et des matériaux locaux.
Mairies, écoles, centres sportifs… Selon l’Ademe, tous les bâtiments publics sont de gros consommateurs d’énergie. Chauffage et eau chaude des bâtiments sont de loin les principaux postes de consommation du territoire. Et l’éclairage, s’il est vétuste, est très énergivore. C’est un coût important pour les communes.
Cette consommation énergétique contribue au réchauffement climatique par les émissions de gaz à effet de serre. Les collectivités doivent passer à l’action pour agir en faveur du climat et montrer la voie aux citoyens et aux acteurs économiques qui, eux aussi, doivent être mobilisés pour réussir la transition écologique. L’objectif fixé aux collectivités est de taille : elles doivent réduire de 60 % leur consommation d’énergie d’ici 2050.
La loi de transition énergétique fixe aux collectivités locales une obligation d’exemplarité. En agissant sur le parc de logements, de bureaux et de bâtiments publics, elles peuvent avoir un vrai impact sur le bilan carbone du territoire. Toute nouvelle construction doit notamment être « à énergie positive » et « à haute performance environnementale ». Elles doivent aussi assurer la rénovation de l’existant.
Au-delà du patrimoine communal, une action plus large doit être déployée pour inciter à la rénovation thermique du parc privé et offrir ainsi aux citoyens des gains de pouvoir d’achat et un cadre de vie plus agréable.
Selon l’Ademe, le secteur des usages du bâtiment est un des plus gros consommateurs d’énergie. La part moyenne de l’énergie dans le budget d’une municipalité est de 4 %. Les écoles concentrent 31 % de la consommation des bâtiments communaux.
4 - Avec le Programme territoire engagé transition écologique, les collectivités engagées ont fait un bond « vert » énergétique
Ce programme est composé du label Climat-air-énergie (anciennement Cit’ergie) et du label économie circulaire. Ces labels sont un moyen pour les collectivités de valoriser leur engagement et leur progression auprès des citoyens. Le dispositif, sur-mesure pour accélérer l’engagement des collectivités dans la transition écologique, propose une méthode transversale, adaptée à chaque territoire. Il repose sur un accompagnement complet, que ce soit dans le domaine des énergies renouvelables et de récupération, de la mobilité durable, de la consommation responsable, de la performance énergétique des bâtiments... Les collectivités peuvent ainsi mieux piloter leur transition écologique et agir pour plus de durabilité et d’attractivité de leur territoire.
Au total, 331 collectivités représentant 32,7 millions d’habitants (soit 48,4 % de la population) sont engagées dans le dispositif. La Ville et la communauté d’agglomération de Châtellerault ont par exemple multiplié par neuf leur taux de production d’énergie renouvelable pour la chaleur et le rafraîchissement sur le territoire. La part des achats d’électricité renouvelable de la Ville de Vire en Normandie et de la Communauté d’agglomération de Seine-Eure a progressé de 100 %. Plus proche de nous, à Lorient, le taux de couverture de la production de chaleur par des énergies renouvelables est passé de 16 % en 2013 à 22,8 % en 2018 suite à la mise en place de chaufferies bois, de panneaux solaires thermiques et de systèmes de récupération de chaleur fatale. Ce taux doit passer à plus de 200 % avec l’installation de valorisation du gaz sur le site de stockage de déchets.
Nous nous retrouvons le lundi 1er avril pour découvrir les initiatives du département qui poussent au développement des énergies renouvelables sur le territoire. Dans le panorama des investisseurs publics et privés, s’immiscent aussi des citoyens engagés.
Directeur technique EMO Concept SAS - Ingénierie et gestion environnementale
8 moisQuel travail ! Merci et bravo.