Le pouvoir de l'étiquetage
Georges est un cadre expérimenté sur son site. Il a occupé de nombreux postes opérationnels, son expertise et son expérience sont reconnues. Elles lui font parfois dire des vérités que certaines oreilles trouvent désagréables. Lors de son dernier entretien de carrière, il s’est vu ainsi rappelé un épisode datant de 5 ans, où le chef d’établissement n’avait pas apprécié une remarque de Georges. Depuis, il traîne son boulet et sent bien que certains postes lui sont barrés à cause de cette étiquette collée il y a longtemps.
Aurélie est une acheteuse pleine d’allant, d’envies et d’idées. Elle a de l’ambition, la bonne, celle qui est exigeante, qui s’investit, a envie que les choses avancent. Elle souhaite prendre des responsabilités, qu’on lui donne la possibilité de faire ses preuves dans un périmètre plus large. Mais sa hiérarchie pense qu’elle n’est « pas capable », « pas prête », qu’elle va « trop vite ». Qu’à cela ne tienne : Aurélie se met en recherche, trouve, convainc et décroche un poste de Responsable Achat dans une autre entreprise, trop contente de récupérer cette énergie et ces talents.
Estelle a beaucoup travaillé dans les RH. Là, elle occupe une fonction de manager d’une équipe de biologistes. Elle y met tout son cœur, toute son énergie, mais elle dispose de très peu de leviers managériaux. L’équipe souffre, des changements devraient être opérés, mais ils ne sont pas autorisés par l’institution, qui finit, pour justifier son inertie, par dire à Estelle qu’elle a « un problème de management ». Presque dans le même mouvement, Estelle est chassée pour un poste de DRH dans une grande institution publique. Tout d’un coup, elle ne passe plus pour un « mauvais manager ».
Jean-Charles est Directeur Général de la plus grosse Business Unit de son entreprise. Le marché se transforme à vitesse grand V, un pivot stratégique doit être opéré au plus vite, des décisions prises : investissements, réallocations de ressources, fermeture de sites, arrêt d’activités, lancement d’autres, etc. Le plan stratégique de Jean-Charles est posé, argumenté, fouillé. Tout y est. Il n’y a plus qu’à décider. Son Comex, avec à sa tête le président, rejette le plan stratégique. Jean-Charles se bat plusieurs mois pour obtenir gain de cause. Pendant ce temps, les décisions ne se prennent pas, les résultats se détériorent, ce qui lui est reproché. Il finit par être vu par le Comex comme un « mauvais DG », qui n’a pas compris la « culture » de l’entreprise. De guerre lasse, Jean-Charles se remet sur le marché, est repéré par une entreprise financière, qui le recrute, ravie d’attirer ce profil atypique, disposant d’une solide expérience opérationnelle mâtinée d’un background de consultant en stratégie. 1 an après son départ, les résultats se sont encore dégradés : 1/3 des sites doivent être fermés.
Quel est le point commun entre toutes ces situations ? Le regard que l’on porte sur les gens, les étiquettes qu’on leur colle : « râleur », « pas prête », « mauvais manager », « mauvais DG », pas assez ceci, trop cela. Ces étiquettes sont comme celles des cahiers de classe : une fois collées, elles ne s'enlèvent plus.
Le regard que l’on porte sur les choses, les situations, les événements, les personnes, nous semble « objectivement objectif » : ce que nous voyons est la réalité, n’est-ce pas, c’est incontestable. Et pourtant, quel parent n’a jamais été pris de stupeur en entendant d’autres parents parler de ses propres enfants ? Nous pensions avoir un enfant « turbulent » ou « fainéant » ; tout d’un coup, on nous en parle comme de quelqu’un de « sage », « gentil », « aidant ». Est-ce bien la même personne ??
Le regard qu’on a sur les gens, les « étiquettes » qu’inconsciemment on leur colle, en ayant le sentiment de simplement voir ou nommer la « réalité », ce regard-là est potentiellement enfermant, limitant, comme un filet de pêcheur qui formerait une camisole invisible.
Un regard rend incompétent, impuissant. La bonne nouvelle, c'est que ça marche aussi dans l'autre sens : un regard peut libérer, dévoiler, galvaniser. Le regard est performatif : il fait advenir, le pire comme le meilleur.
Et nous, quelles étiquettes auto-collantes réalisantes collons-nous sur notre entourage ?
Psychothérapeute, formatrice en méditation de pleine conscience MBCT, hypnothérapeute,coach professionnelle certifiée MBTI,
5 ansMarion Mari-Bouzid
🧩 (Re)Trouve confiance dans ton style de management
5 ansJ'adore la photo et les 2 mots forts. Rien de plus pour exprimer les jugements que nous posons ! Un travail quotidien de retour aux besoins, à nos émotions, ...
Merci Arnaud. La différence entre Réalité et Vérité. La réalité s'observe au quotidien sur un temps long. Alors la récurrence de indices permet de poser des hypothèses. La vérité n'observe pas. Elle est subjective et décorrélée de la réalité. "Elle est jeune donc elle n'est pas prête". "Il remet en cause ce que je dis donc c'est un casse pied". L'étiquetage c'est la vérité. Se retrancher derrière ses croyances pour ne pas se remettre en cause et perpétuer un mode de fonctionnement peu efficient. Drapé dans leurs vérités les entreprises laissent partir les individus les plus utiles (mais évidemment dérangeant car secouant le système) :-) L'observation de cette jeune personne en divers situations aurait peut être permis de poser l'hypothèse, de son calme dans des moments de stress, de sa capacité à décider justement, balayant la vérité "elle est trop jeune". Elementaire mon cher watson :-)
(Re)donner du goût au management avec l'Accompagnement augmenté®
5 ansMerci Arnaud pour ces fondamentaux trop oubliés Les 4 accords toltéques, de Miguel Ruiz, vont dans le même sens
Merci Arnaud pour ce rappel de base: se garder de juger... car une fois que les attributs sont collés, la cristallisation suit.