LE PRESTIGE MAGIQUE DES ORIGINES
Lors de mon voyage à Lanzarote, j’ai été frappée par la beauté volcanique de cette île qui en apparence n’est que cendre et lave refroidie. Pourtant à y regarder de plus près, on y découvre une nature qui renait peu à peu des brûlures de la terre. La contemplation de ce lichen poussant sur ces roches noires pétrifiées où aucune autre plante ne peut vivre m’a inspiré ce premier billet sur le thème du cycle et du retour aux origines.
Mes recherches sur le mythe de création m’ont souvent amenée à réfléchir à cette différence fondamentale qu’il existe entre l’homme moderne et l’homme traditionnel : celle de la perception du temps. Tandis que nous nous considérons comme le fruit du temps historique et linéaire, les sociétés traditionnelles se considèrent comme le fruit du temps mythique et cyclique. Deux symboles, deux conceptions du monde radicalement opposées.
En effet, au-delà de leurs diversités techno-culturelles, ces sociétés partagent toutes la conviction selon laquelle le monde doit se renouveler annuellement à l’occasion du nouvel an sinon il périt.
Chaque nouvel an recommence la création. La création du monde mais aussi toutes les formes de création. Son cérémonial a pour but de réactualiser le mythe des origines, qui rappelle aux hommes comment a été créé le monde et tout ce qui a eu lieu par la suite. Sa poésie révèle les premiers gestes des ancêtres immortels qui ont peuplés la terre avant les hommes. Le mythe est, en ce sens, le principe fondateur de la culture.
Revivre le mythe permet alors de retrouver la vitalité des origines et les forces prodigieuses qui ont rendues possible le passage du chaos au cosmos. Par la réactualisation des cosmogonies, la communauté toute entière est projetée hors du temps profane et historique pour se plonger dans le temps sacré des commencements. C’est alors que les guérisons peuvent s’opérer.
De nombreux rites du nouvel an et de soin consistent en de longs pèlerinages sur les sites sacrés d’art rupestre, des lieux dont les parois rocheuses gardent en mémoire les traces de la création du monde des premiers êtres. Les peintures sont, à cette occasion, repeintes afin de réactiver leur puissance magico-religieuse originelle.
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La pensée analytique occidentale méconnait le rôle du mythe et du retour aux origines qui est, pourtant, une expérience capitale chez les sociétés traditionnelles ; elle est la condition essentielle à toutes créations et donc à tous nouveaux commencements. Le renouvellement du monde doit passer par la destruction et l’abolition symbolique des anciens modèles pour préparer l’avènement du prochain.
Car l’essentiel n’est pas la fin mais la certitude d’un nouveau commencement. Percevoir le temps comme un cercle et non comme une ligne renferme une croyance fondamentalement optimiste : celle que le temps n’est pas irrévocable mais bien récupérable.
Pour découvrir les photos de ce séjour à Lanzarote, vous pouvez vous rendre sur mon site internet ou sur mon Instagram !
Solène
Extrait de carnet d’atelier - Décembre 2021