Le Revenu de Base de 2 500$ aux États-Unis, ça s’est joué de peu !
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Le Revenu de Base de 2 500$ aux États-Unis, ça s’est joué de peu !

Souvenons-nous du passé pour ne pas répéter la même erreur

Revenons en 1979.

Nixon est alors président des États-Unis et rêve d’ajouter son nom à l’histoire. Son plan ? Mixer ses idées conservatrices aux pensées progressistes du moment pour combattre une bonne fois pour toute la pauvreté devenue endémique aux États-Unis.

Naît son projet de loi : un Revenu de Base inconditionnel pour toutes les familles pauvres.

Imaginez l’énorme pas en avant ! Cela “assurerait à une famille de quatre personnes un revenu de 1 600 $ par an. L’équivalent de 10 000 $ environ en 2016.”

L’argent serait aujourd’hui perçu comme un droit fondamental dicté par notre Constitution et non comme une complaisance accordée à des paresseux.

Mais comme vous pouvez le deviner, tout ne se passe pas comme prévu…

Le proche conseiller du président, Martin Anderson, est lui violemment opposé au plan et se promet de bloquer coûte-que-coûte le projet de Revenu de Base proposé par Nixon.

Speenhamland, l’origine d’un mythe

Martin Anderson se met vite au boulot. Son plan ? Se pencher sur les expérimentations et les études du Revenu de Base pour y déceler tous les arguments nécessaires et dissuader Nixon de poursuivre son projet de loi.

Malgré les essais à Seattle quelques années auparavant, il préfère se concentrer sur une étude de cas de la fin du 18ème en Angleterre écrite par Karl Polanyi.

Ce sociologue décrit l’un des premiers dispositifs de protection sociale du monde qui ressemble au concept du Revenu de Base de Nixon : le plan Speehamland.

À l’époque, la colère gronde en Angleterre. Le prix du blé augmente et les idées révolutionnaires françaises se diffusent au sein de la classe laborieuse.

Pour apaiser l’ambiance, les magistrats de Speenhamland prennent ensemble une décision en 1795 de combattre la pauvreté autrement. L’objectif est d’aider financièrement tous les pauvres en complétant leurs revenus jusqu’à un certain niveau de subsistance en fonction du prix du pain et de la taille de la famille.

En clair, chaque Anglais pourrait vivre dignement grâce à un complément de salaire qui lui assure de jouir des produits de nécessité, quelle que soit la taille de son foyer.

Autant dire que ça fait grincer des dents chez certains.

L’exemple de l’homme d’église, Joseph Townsend, qui décrète que “seule la faim peut aiguillonner les pauvres et les stimuler au travail”. Une loi qui s’applique bien sûr qu’aux pauvres et non aux riches “bien intentionnés”.

Il ne faut que quelques années pour que le mythe s’enclenche et qu’aujourd’hui encore, ces mêmes pensées perdurent.

Pour preuve, voici des citations qu’on ne saurait réellement dater :

  • “Un dispositif qui incite les pauvres à l’oisiveté et décourage la productivité et les salaires.”
  • “Un revenu de base constitue plutôt un plafond qu’un plancher.”

La vérité fait surface 150 ans plus tard

La couronne d’Angleterre décide d’enquêter sur le plan Speenhamland. Au printemps 1832, des centaines d’entretiens sont menés et compilés pour créer un rapport de près de 13 000 pages.

Selon lui, Speenhamland est un désastre :

  • Un boom démographique, de plus en plus d’enfants
  • Des réductions de salaires, puisqu’ils sont complétés automatiquement
  • Une immoralité grandissante, des idées sociales s’élèvent dans les classe laborieuses
  • Une classe laborieuse dégradée qui perd la foi en l’église

Et bien sûr, pour assurer ces résultats, tout rentrerait quasiment dans l’ordre lorsque le plan Speenhamland est suspendu.

Heureusement 150 ans plus tard, des historiens se penchent sur le rapport et découvrent la supercherie.

Seuls 10 % des questionnaires distribués sont remplis, les questions sont orientées et les choix de réponses fixés par avance. Et surtout, la quasi totalité des personnes interrogées proviennent de l’élite locale et en particulier, du clergé ! Vous imaginez la vision de l’église à l’époque : satan, vice et oisiveté…

Alors qu’en fait, le plan Speenhamland est une vraie réussite !

Et pour ce qui est des faits énoncés précédemment, tout est une histoire de contexte :

  • Le boom démographique s’explique par la demande croissante de travail infantile.
  • La réduction de salaire provient de la mécanisation agricole. Les employeurs se passent de plus en plus de la main de l’homme qu’ils ne payent plus qu’une broutille.

Alors pourquoi les pauvres restent-il pauvres si c’est une vraie réussite ?

Malgré des récoltes plus abondantes au début du 19ème siècle, les prix continuent d’augmenter laissant ainsi l’accès à la nourriture à une fraction de la population. Finalement, ce complément de revenu n’est pas suffisant et demande d’être revu à la hausse chaque année.

L’erreur de Nixon

Lorsque Nixon a vent du rapport commandité par Martin Anderson, il décide de changer son plan initial d’un Revenu de Base inconditionnel.

Sa nouvelle stratégie : donner l’image d’un Revenu de Base qui incite les gens à avoir un emploi rémunéré (pour que le projet de loi passe auprès du Congrès) sans pour autant les forcer à travailler.

Il impose alors à chaque individu qui souhaite devenir bénéficiaire du Revenu de Base et qui n’a pas d’emploi, de s’inscrire auprès du Département du travail.

Gros échec !

L’idée est clairement mal accueillie. Autant par le Congrès que par les pauvres et les chômeurs… Finalement, c’est tout le pays qui se retourne contre un projet de loi exceptionnel.

Et si les États-Unis l’avaient fait ?

Que se serait-il passé si Nixon n’avait pas écouté ses conseillers et avait poursuivi son projet du Revenu de Base inconditionnel ?

Ce qui est quasiment certain, c’est que si le pays le plus riche du monde avait emprunté cette voie, les autres pays auraient suivi. Aujourd’hui la faute de la pauvreté ne serait plus rejetée sur les pauvres eux-mêmes.

À votre tour de donner votre avis en commentaire : Selon vous, à quoi ressemblerait la société actuelle si les États-Unis avaient mis en place le Revenu de Base durant les 40 dernières années ?

Sources 🤓

  • Utopies réalistes | Rutger Bregman

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