Le scandale du rationnement des véhicules thermiques
En Angleterre, les constructeurs automobiles rationnent les ventes de voitures à essence pour éviter de lourdes amendes liées aux quotas de véhicules zéro émission, tandis que les voitures électriques peinent à trouver preneur. Cette situation affecte également l'Europe, où des constructeurs comme Renault alertent sur d'éventuelles amendes de 15 milliards d'euros si la demande pour les véhicules électriques ne progresse pas. Face à ces contraintes, l'industrie automobile appelle à plus de flexibilité pour éviter une crise économique majeure.
La transition électrique en Angleterre : Rationnement des voitures à essence et défis européens
Le secteur automobile en Angleterre traverse une période de bouleversements majeurs. Sous la pression des régulations imposées par le gouvernement pour réduire les émissions de CO2, les constructeurs automobiles se retrouvent contraints de rationner les ventes de voitures à essence et hybrides afin de respecter les quotas environnementaux. Cette situation complexe affecte également le reste de l'Europe, où des constructeurs comme Renault alertent sur des conséquences économiques graves si des ajustements ne sont pas faits dans les politiques actuelles.
Un rationnement forcé pour éviter les amendes
En Angleterre, les constructeurs automobiles doivent désormais jongler avec le mandat des véhicules zéro émission (ZEV), qui impose qu'au moins 22 % des voitures vendues en 2024 soient électriques. Ce chiffre atteindra 80 % en 2030. Ceux qui ne respectent pas ces objectifs risquent des amendes sévères, à hauteur de 15 000 £ par véhicule à essence vendu au-delà du quota autorisé.
Robert Forrester, PDG de Vertu Motors, l'une des plus grandes chaînes de concessionnaires britanniques, a expliqué que certains constructeurs ont déjà commencé à rationner les ventes de voitures à essence et hybrides pour éviter de dépasser ces quotas. Résultat : les consommateurs qui commandent aujourd'hui un véhicule pourraient devoir attendre jusqu'en 2025 pour recevoir leur voiture à essence ou hybride. En parallèle, les concessionnaires font face à une surabondance de voitures électriques qui, malgré des réductions de prix, peinent à attirer les acheteurs.
Forrester déplore cette situation paradoxale où les véhicules que les consommateurs souhaitent acheter (les voitures à essence) sont rares, tandis que les voitures électriques, bien que disponibles en abondance, peinent à trouver preneur. "Nous avons beaucoup de voitures électriques que les gens ne veulent pas vraiment et pas assez de voitures à essence, qui elles, sont recherchées", a-t-il déclaré.
L'impact en Europe : une crise à grande échelle
L'Angleterre n'est pas la seule à subir ces perturbations. En Europe, les constructeurs automobiles sont confrontés à des défis similaires. Luca de Meo, PDG de Renault et président de l'Association des constructeurs européens (ACEA), a récemment tiré la sonnette d'alarme sur l'impact des quotas d'émissions de CO2 imposés à l'échelle européenne. Pour respecter ces quotas, les constructeurs doivent équilibrer la production de voitures à essence avec celle des véhicules électriques, sachant qu'une voiture électrique permet de compenser les émissions de quatre voitures thermiques.
Cependant, la vente des voitures électriques est en baisse en Europe, et les perspectives pour les années à venir ne sont pas encourageantes. "Selon nos calculs, si l'électrique reste au niveau d'aujourd'hui, l'industrie européenne va peut-être devoir payer 15 milliards d'euros d'amende ou renoncer à la production de plus de 2,5 millions de véhicules", a averti Luca de Meo. Il appelle à plus de flexibilité dans la réglementation pour permettre aux constructeurs de s'adapter sans subir des sanctions trop lourdes. "Mettre simplement des échéances et des amendes sans possibilité de flexibilité, c'est très dangereux", a-t-il ajouté.
Une demande en baisse malgré les incitations
Malgré les rabais significatifs sur les véhicules électriques, la demande reste faible, tant en Angleterre qu'en Europe. La Society of Motor Manufacturers and Traders (SMMT), l’organisme britannique représentant les constructeurs automobiles, a revu à la baisse ses prévisions pour la part des véhicules électriques sur le marché en 2024, qui devrait s’élever à 18,5 %, contre 19,8 % initialement prévu. Bien que les immatriculations de voitures électriques aient bondi en juillet, la demande des consommateurs privés reste faible.
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Le coût élevé des voitures électriques, les préoccupations concernant l'infrastructure de recharge et les incertitudes liées à l'autonomie de ces véhicules sont autant de facteurs qui freinent les acheteurs. De plus, les remises offertes par les constructeurs pour encourager les ventes pèsent lourdement sur leurs marges bénéficiaires. De grands noms de l'industrie, comme Ford et Stellantis, ont déjà averti qu'il leur serait impossible de maintenir ces réductions sans mettre en péril leur rentabilité.
Une pression insoutenable pour les constructeurs
Les constructeurs britanniques et européens se retrouvent donc dans une impasse : respecter les quotas tout en maintenant leurs marges de profit semble presque impossible. En Angleterre, Robert Forrester critique ouvertement la politique actuelle, qui selon lui, fausse le marché automobile. "Le marché des voitures neuves n'est plus vraiment un marché. C’est une chaîne d'approvisionnement dictée par l'État", affirme-t-il. Il estime que le gouvernement crée un environnement commercial insoutenable, à la fois pour les constructeurs et pour les concessionnaires.
Le principal problème réside dans l’absence de flexibilité des quotas. Comme l’explique Luca de Meo, l’obligation de compenser les ventes de voitures à essence par des véhicules électriques sans tenir compte des réalités du marché pourrait avoir des conséquences catastrophiques. Non seulement les constructeurs risquent des amendes colossales, mais ils pourraient également être contraints de réduire leur production de millions de véhicules, ce qui aurait un impact direct sur l'emploi et l'économie.
Des effets collatéraux sur les finances publiques
La politique actuelle ne touche pas seulement les constructeurs, mais aussi les finances publiques. En rationnant l’offre de voitures à essence et en freinant le marché des voitures neuves, le gouvernement britannique réduit indirectement ses recettes fiscales. Les ventes de voitures neuves, notamment celles à essence, génèrent des taxes sur la valeur ajoutée (TVA) importantes. Si le marché des voitures neuves continue de ralentir, cela pourrait entraîner une baisse significative des recettes fiscales pour l'État.
De plus, les constructeurs pourraient envisager de déplacer leur production en dehors du Royaume-Uni et de l'Europe si les politiques environnementales rendent la fabrication et la vente de véhicules non rentables. Cela poserait un autre défi économique majeur pour le secteur industriel, déjà fragilisé par les incertitudes liées au Brexit et aux récentes crises économiques mondiales.
Le marché des voitures d’occasion en pleine croissance
Alors que le marché des voitures neuves se trouve sous pression, le marché des voitures d’occasion, lui, est en plein essor. En Angleterre, Vertu Motors prévoit un mois de septembre particulièrement actif pour les ventes de véhicules d’occasion. De nombreux consommateurs, découragés par les prix élevés des véhicules électriques et les délais d’attente pour les voitures à essence neuves, se tournent vers les options d'occasion.
Cette tendance pourrait également s'observer en Europe, où les consommateurs recherchent des alternatives moins coûteuses face à l’incertitude du marché des voitures neuves. Mais cette dynamique, bien que favorable à court terme, pourrait ne pas suffire à compenser les pertes subies par les constructeurs sur le marché des voitures neuves. De plus, la demande croissante pour les voitures d’occasion pourrait entraîner une augmentation des prix, limitant ainsi l’accès à des véhicules abordables pour certains consommateurs.
Conclusion : L’avenir de l’industrie automobile en jeu
L’industrie automobile en Angleterre et en Europe fait face à un défi sans précédent. Les quotas environnementaux, bien qu’essentiels pour lutter contre le changement climatique, risquent de déstabiliser un secteur déjà fragile. Le rationnement des voitures à essence, associé à une demande insuffisante pour les véhicules électriques, met en péril la rentabilité des constructeurs et pourrait avoir des conséquences économiques majeures, tant pour les entreprises que pour les États.
La question qui se pose est donc la suivante : les gouvernements doivent-ils assouplir les quotas pour éviter une crise industrielle et économique, ou continuer à imposer des amendes et des restrictions dans l’espoir d’accélérer la transition écologique ?