Le stress numérique un risque émergeant ?
Les mails, les outils de téléréunion, les messageries internes aux entreprises, l’accès à internet qui nous permet de faire des recherches etc. Tous ces outils ont bouleversé notre vie depuis la crise sanitaire ainsi que nos quotidiens de travail.
Les usages de ces outils peuvent avoir des conséquences et leurs avantages viennent contrebalancer tout ce qu’ils nous ont apportés.
De quoi parle-t-on ?
On parle de stress numérique quand la quantité d’information disponible que nous devons traiter dépasse notre capacité.
Le sujet peut porter différents noms : technostress, infobésité, pénibilité numérique.
Le cerveau traite des milliers d’informations chaque jour qui sont amenées par nos 5 sens et plus particulièrement l’œil (80% des informations sont traitées par l’œil). De ce fait, les écrans deviennent un enjeu particulier.
Qu’il s’agisse d’étudier ou de travailler, les outils numériques ont permis une évolution et une souplesse (en période de pandémie ou non).
Aucun outil numérique n’est bon ou mauvais. Ce sont les usages de ces derniers qui en découlent.
Le phénomène central du stress numérique est la surconnexion (« scotcher à nos écrans »). L’écran de notre smartphone est scruté une centaine de fois par jour.
Cette surconnexion peut entrainer une surcharge mentale et se met en place un cercle vicieux : pression continue (zapping) à perte de contrôle à débordement à situation de stress à burn-out (forme extrême).
Se met alors en place une dictature de l’immédiat ce qui pourrait correspondre à une nouvelle forme d’addiction.
Ceci se fait dans un contexte de toujours plus ou moins de temps avec une densification du travail qui est largement décrite.
Les conséquences de cette possible addiction sont multiples et des études sont en cours notamment autour de l'ergonomie, de la psychologie et de l'épidémiologie.
Les conséquences du stress sont connues et ne sont pas que psychologiques et mentales. Le stress est associé à une augmentation des risques cardio-vasculaires assujettis au fait que devant nos écrans nous devenons de plus en plus sédentaires.
Le stress prolongé peut également avoir des conséquences sur une forme de dépression immunitaire et nous rendre plus vulnérables face aux diverses infections et tend à réduire nos performances intellectuelles individuelles.
Si les outils numériques nous ont permis de déployer le travail à distance, ce dernier nous met néanmoins dans une situation d'isolement, entrainant une perte de sens du collectif et une fragmentation des tâches.
Moins discuté, ces outils qui facilitent le travail notamment à domicile parce qu’ils sont addictifs, vont créer une situation d’empiétement sur la vie privée (amplitude horaire plus large par exemple) et y compris des tensions familiales qui vont aggraver le stress.
Ces outils qui nous rendent service peuvent être des outils qui viennent altérer la santé, sécurité au travail et la qualité de vie au et hors travail.
Quelques données de l’observatoire de l’infobésité et de la collaboration numérique et des études de 2022 sur 9.000 personnes ayant accepté un recueil de données sur leurs usages des outils numériques via une startup :
Les mails :
· ¼ des mails que nous recevons sont liés à la pratique répondre à tous.
· 83% des mails sont échangés entre 9h et 18h. Donc 20% sont en dehors de ces horaires.
· 56% des employés passent plus de 2h par jours à traiter les mails. La plupart du temps il s’agit du travail additionnel (en plus des tâches quotidiennes).
· 40% des employés reçoivent plus de 100 mails par jours.
Combien de temps mets-t-on à répondre aux mails ? C’est là que la notion d’addiction apparaît. Environs 20% des mails sont répondus dans les 05 minutes (= zapping). Au total, on a 50% des mails auxquelles on répond en moins d’1h que l’on soit collaborateurs ou dirigeants = illustration de cette pression continue.
Les réunions :
· Nombre d’heures passées en réunions par semaine (2h47 pour les employés, 6h pour les managers et 12h12 pour les dirigeants. 2
· Nous avons désormais des dirigeants qui sont davantage derrière leurs écrans qu’au contact de leur équipe de travail.
Recommandé par LinkedIn
· Durée des réunions : + de 3h = il s’agit de réunion non préparée, non structurée. 12% des réunions après 18h00 = donc le phénomène de débordement sur notre vie privée commence à transpirer.
Usages collaboratifs :
· Temps passé en visio : (moyenne générale de 4h16) avec une croissance selon le niveau de responsabilité (2h28 pour les collaborateurs, 7h27 pour les managers, 13h12 pour les dirigeants).
· Il n’a pas que les mails, s’ajoute également les messages de tchat échangés par semaine (teams) avec une moyenne de 90 messages.
De ce fait, il n’y a plus de continuité dans le travail et ce dernier est fragmenté. Pour les dirigeants seuls 5 créneaux de pleine concentration d’1h libres par semaine, 11 pour les managers et 19 pour les collaborateurs.
Le travail est en train de changer de nature puisqu’il y a une perte de sens et puis une perte d’efficacité, de profondeur et d’analyse.
Les actions de prévention
Par son rôle d’écoute, l’Assistante Sociale du Travail (AST) peut permettre aux salariés de prendre du recul et de la hauteur fasse à une situation de stress numérique. Chacun d’entre nous, dans la limite de ce nous avons à faire dans le cadre de notre travail, nous pouvons agir dans le cadre de la prévention PERSONNELLE :
1/ Limiter l’exposition aux sources d’informations non essentielles. Travail de réflexion à mener avec le collaborateur.
2/ Identifier les sources fiables et pertinentes. 25% des informations qui circulent sur TIKTOK sont fausses, publicités…
3/ Prioriser le temps : garder des plages sans sollicitions : pauses numériques (= hygiène mentale)
4/ Organiser les informations pour trouver facilement celles qui sont pertinentes.
5/ Exercer une pensée critique : évaluer la pertinence des informations, distinguer, les faits des opinions.
6/ Activité physique, relaxante, régénérante de la concentration.
L’AST peut également avoir un rôle majeur auprès de l’entreprise et plus particulièrement des managers car l’essentielle de cette prévention reste ORGANISATIONNELLE :
1/ Sensibiliser les managers sur la thématique : ce sont eux qui envoient des mails à leurs collaborateurs, ce sont eux qui fixent la liste des destinataires, ce sont eux qui fixent les priorités et qui peuvent dire aux collaborateurs de ne pas se laisser perturber par les messages sans arrêt ;
2/ Fournir des objectifs et des priorités claires pour éviter la dispersion ;
3/ Encouragez la communication efficace : en fonction de l’urgence et de la complexité des tâches ;
4/ Réfléchir aux canaux des communication appropriés : pas que les mails ou les messageries instantanées ;
5/ Préparer les réunions : ordre du jour, durée, pas de multitâches
6/ Développer des compétences en gestion du temps et des priorités ;
8/ Sensibiliser les collaborateurs aux dangers de l’infobésité
Toutes ces actions ne seront opérationnelles que si elles sont formalisées dans une politique d’entreprise. Ainsi, l’AST peut participer à cette réflexion commune ainsi qu’aux groupes de travail en apportant son éclairage et son expertise sur ce domaine.
La responsabilité individuelle n’est pas suffisante. C’est l’organisation du travail qui est le principal déterminant de cette infobésité.
Conclusion
Il nous faut prendre conscience de phénomène. C’est un risque émergeant qui doit devenir un sujet de dialogue social. Pour cela, il faudrait se doter d’outils de mesure car on ne peut prévenir que ce que l’on mesure.
Il semble important de considérer qu’à côté des risques chimiques, physiques et biologiques qui sont la base de la santé au travail il faut considérer une 4ème catégorie que sont les risques numériques.
La santé au travail est l'un des piliers de la SQVCT et le service social peut accompagner l'entreprise et l'ensemble de ces collaborateurs dans une démarche de prévention des risques liées au stress numérique. Le service social apporte écoute, conseils, neutralité et son expertise sur tous ces sujets.