Les dirigeants ont-ils plus de chance de réussir leur transformation digitale en appliquant les principes de l’effectuation ?
La théorie de l’effectuation et le sujet majeur porté par Saras Sarasvathy depuis plus de 20 ans pour comprendre comment les entrepreneurs créent de nouveaux produits, de nouvelles organisations et de nouveaux marchés.
Ses 20 années de travaux sur la théorie de l’effectuation viennent d’être récompensés par le prestigieux prix Global award for entreprenership research.
Au côté du modèle néoclassique de l’entrepreneur « visionnaire », l’effectuation vient apporter une approche différente et complémentaire. Elle montre que la vision peut être suffisante mais n’est pas indispensable, et dans certaines circonstances c’est l’effectuation qui s’applique le mieux en termes de stratégie.
Dans son analyse Saras Sarasvathi montre que l’effectuation offre un haut niveau de contrôle et d’efficacité dans un environnement peu prédictible. Cela explique peut-être l’intérêt et la reconnaissance de ses travaux dans un monde que l’on décrit de plus en plus comme volatile et imprédictible (VUCA).
Les 5 grands principes de l’effectuation :
1. Faire avec ce que l’on a
2. Agir en Perte acceptable
3. Cocréer
4. Tirer parti des surprises
5. Créer le futur que l’on veut
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Le psychiatre Bertrand Picard dans son livre « changer d’altitude », fait référence à une étude internationale montrant que les individus arrivent, à force d’efforts et détermination, à ne maitriser au mieux que 20% de leur vie. Quelle piètre performance !
Il explique que la réponse aux échecs, à réussir ce que l’on a visé, ne se résume pas à un combat pour finir par l’emporter ou à la simple acceptation pour arrêter de se battre contre des moulins à vents. Il existe, dans ses propos, une autre voie, celle du changement d’altitude, qui a selon moi a un certain nombre de points communs avec l’effectuation.
L’effectuation s’appliquerait-elle à d’autres domaines que ceux de l’entreprise, à des sujets plus personnels ou de groupe ?
Dans son discours de remise de prix, Saras Sarasvathi pose l’hypothèse que l’effectuation s’applique également aux organisations humaines.
Je vous laisse poser vos propres réflexions sur des sujets aussi vastes pour me limiter volontairement au sujet de la transformation digitale des entreprises. Je constate, en effet, de nombreux plans de transformations qui échouent ou peinent tout en appliquant certains principes éprouvés.
Comment l’effectuation peut-elle s’appliquer à la transformation digitale ? Je peux commencer par montrer comment sa non mise en place a pu faire échouer certains projets. Les entreprises veulent innover, se transformer, elles veulent « disrupter ». Cela devient même parfois une injonction et si le projet n’est pas très gros alors il n’est pas considéré. Un grand groupe a lancé il y a près de 6-7 ans un projet extrêmement ambitieux pour « plateformiser » ses front, middle et back office ce qui impliquait de diviser par 100 le nombre de systèmes à l’échelle mondiale. Après 5 ans d’efforts et d’investissement, de consultants impliqués, le projet n’a jamais passé le stade du premier MVP et a été arrêté. Malheureusement cet exemple même s’il est presque extrême n’est malheureusement pas isolé. Son approche Top-Down a été complétement repensée pour donner naissance à un nouveau projet moins ambitieux, plus décentralisé, plus agile, faisant appel aux opérationnels et en décloisonnant les silos.
La révolution digitale apporte des changements profonds avec des solutions et/ou modèles nouveaux. Elle implique souvent un changement de culture d’entreprise. De telles transformations engendrent beaucoup de complexités et de résistances qui rendent ces transformations peu prédictibles. Une approche de transformation en appliquant certains principes de l’effectuations constitue une alternative sérieuse aux méthodologies éprouvées, mais dans un autre contexte, de ces 20 dernières années. Cette nouvelle méthode prône le test & learn, le développement par étape et par approche successive. Elles proposent d’abaisser les frontières entre les silos pour privilégier l’intelligence collective.
Toute ressemblance avec la théorie de l’effectuation serait-elle fortuite ?
Senior executive manager | C-level | Directeur Transformation | Digital | CRM | Excellence opérationnelle | Expérience client | LBO
10 moisTHIERRY HERIAU
Directeur des ressources humaines-
2 ansEffectivement, en ce jour de canicule, l'incertitude règne sur les "business models" bien établis remis en question par la conjoncture (Changement climatique, pandémies, effondrement accéléré des écosystèmes et de la biodiversité, guerres...). Je trouve ces principes de l'effectuation tout à fait en phase avec ce que nous vivons maintenant en permanence à savoir s'adapter au jour le jour et garder les pieds sur terre...
Pilotage de projets digitaux SI | Conduite du changement | Stratégie Digitale | Expérience Utilisateur | Agile
2 ansTrès intéressant. merci Thierry. En lisant les 5 principes de l'effectuation c'est très clair pour moi. C'est un autre terme pour parler d'agilité ! 1. Faire avec ce que l’on a 2. Agir en Perte acceptable 3. Cocréer 4. Tirer parti des surprises 5. Créer le futur que l’on veut
Innovation - Entrepreneuriat
2 ansMerci Thierry Je connais bien l effectuation versus créativité et innovation. C est vraiment un état d'esprit. Et clin d œil à Severine Herlin et Vianeo !
DSI/Directeur de Programme - Manager de transition IT-Digital/Consultant
2 ansCela ressemble beaucoup au #designthinking. A la faveur d’une mise en œuvre importante pour l’entreprise dans laquelle j’interviens, j’évoquais le #jugaad indien ou l’art de faire avec les moyen du bord. Il faudrait trouver un mot plus joli que effectuation en français…