LE MAINTIEN DES DESAVANTAGES SOCIO-ECONOMIQUES SUR LA BASE DES INEGALITES DE DESTIN

LE MAINTIEN DES DESAVANTAGES SOCIO-ECONOMIQUES SUR LA BASE DES INEGALITES DE DESTIN


Devrions-nous continuer à autoriser la discrimination fondée sur les désavantages socio-économiques ?

Pour se convaincre de l'effet néfaste de maintenir des travailleurs privés d'emploi dans la précarité, énumérons les atteintes subies par ces derniers.

Il sera question dans un premier titre de la perte de chance et l'atteinte grave et manifestement illégale au droit de travailler afin de subvenir à ses besoins primaires. Dans un second titre, nous aborderons les préjudices subis. Pour enfin, dans un troisième titre, nous interroger sur les droits à une retraite décente.

I- LA PERTE DE CHANCE ET L'ATTEINTE GRAVE ET MANIFESTEMENT ILLEGALE AU DROIT DE TRAVAILLER ET D'OBTENIR UN EMPLOI

Nous allons illustrer en nous appuyant sur deux décision de justice.

1-1 Les conditions de l'engagement de la responsabilité de Pôle emploi

CE 28 décembre 2018 req n° 411846

Le Conseil d’État précise quelles conditions démontreraient les carences de Pôle emploi dans l’exercice de ses missions d’accompagnement des demandeurs d’emploi :

Sur le fond :

« qu’il incombe à Pôle emploi, au titre de ses missions de placement et d’accompagnement des demandeurs d’emploi par lesquelles il contribue au service public de l’emploi, de mettre en œuvre un accompagnement personnalisé de chaque demandeur d’emploi pour l’aider à retrouver un emploi, précisé au moyen du projet personnalisé d’accès à l’emploi, en tenant compte de ses besoins, déterminés notamment en fonction de sa formation et de son expérience professionnelle, de l’autonomie dont il dispose dans sa recherche et de la durée qui s’est écoulée depuis son dernier emploi, ainsi que des demandes qu’il exprime. Les carences de Pôle emploi, dans l’exercice de ces missions, sont susceptibles de constituer des fautes de nature à engager sa responsabilité. Il appartient toutefois au juge saisi d’une demande d’indemnisation du préjudice qu’un demandeur d’emploi soutient avoir subi du fait de ces défaillances de tenir compte, le cas échéant, du comportement de l’intéressé et, en particulier, de la manière dont il a lui-même satisfait aux obligations qui lui incombent ». 

1-2 Une obligation de moyen

TA Paris 11 septembre 2012 n° 1216080/9, K 

« des carences graves et caractérisées de Pôle Emploi, institution qui, si elle ne peut être soumise à une obligation de résultat, doit cependant mettre en oeuvre, avec les moyens dont elle dispose, toutes les actions susceptibles de permettre à chacun d’obtenir un emploi dans les meilleurs délais possibles au regard de la situation du marché du travail, sont à relever, dans les circonstances de l’espèce, dans sa mission d’accompagnement de M. K pendant sa recherche d’emploi ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, il doit être enjoint à l’agence Pôle Emploi de recevoir M. K dans les huit jours, de mettre à jour son PPAE et de l’accompagner dans sa recherche d’emploi, en lui adressant régulièrement, dans la mesure du possible, des offres d’emploi en lien avec ses compétences, voire de lui proposer des formations ou une reconversion adaptées, sans qu’il soit besoin d’assortir cette injonction d’une astreinte »

II- LES PREJUDICES D'AGREMENT ET D'ANGOISSE

Ces deux atteintes au droit de travailler

2-1 Un obstacle à vivre dans la dignité

Le préjudice d'agrément est de construction jurisprudentielle. Seul l'article L452-3 du Code de la sécurité sociale prévoit :

« ...la victime a le droit de demander à l'employeur (…) la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle (...) ». 

Pourrions-nous élargir cette définition pour l'opposer à l'Administration ?

Ainsi, le préjudice d'agrément serait constitué par la démonstration :

  • d'une diminution des plaisirs de la vie causée par les difficultés de se livrer à certaines activités normales d'agrément ou la gêne certaine dans l'accomplissement des actes normaux de la vie courante.
  • D'un obstacle à la qualité de la vie.

D'ailleurs, la jurisprudence a reconnu l'atteinte aux habitudes de la vie sociale et aux joies usuelles de la vie courante (Crim 23 mai 1992) et en 2010, la Cour de cassation définissait ce préjudice comme :

« subjectif de caractère personnel résultant des troubles ressentis dans les conditions d'existence, qui concerne les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou limitées » (Civ 4 nov 2010 n° 09-69918). 

Le travailleur privé d'emploi RSA peut-il 

  • partir en vacances ?
  • profiter d'un restaurant ?
  • s'habiller ou aller chez le coiffeur ?

Nous devons reconnaître cette exclusion à la participation de l'économie locale pour absence de revenu décent.

2-2 Un sentiment d'angoisse, de détresse, de peur de l'avenir

L’incertitude de l'avenir est anxiogène pour tout être humain. Les droits de l'homme conduisent à prêter une attention accrue aux situations individuelles plus précisément à leurs besoins.

Vivre avec moins de 600 € par mois permet-il de vivre sereinement ?

Avec l'inflation qui appauvrit les ménages, se pose la question de la capacité d'accéder aux besoins de première nécessité.

Le droit à une alimentation adéquate est un droit de l’homme essentiel.

Pourront-ils s'alimenter correctement, se chauffer au minima, accéder aux produits d'hygiène, se laver correctement ?

L'état de pauvreté implique :

  • la précarité alimentaire avec des conséquences sur la santé.

Compte tenu des dépenses contraintes (logement, chauffage, eau, communications, transport..), ces personnes font souvent de l’alimentation une variable d’ajustement. Elles sacrifient le poste des dépenses alimentaires et se sous-alimentent.

  • La précarité sanitaire et les inégalités en terme de d'espérance de vie

Selon l'INSEE, chez les hommes, treize années d’espérance de vie à la naissance séparent les 5 % les plus pauvres, qui vivent en moyenne avec 470 euros mensuels pour une personne, et les 5 % les plus riches qui disposent de 5 800 euros, selon les données de l’Insee (période 2012-2016). Les hommes les plus modestes peuvent compter sur 71,7 années de vie, contre 84,4 pour les plus aisés. Quant aux femmes, les plus pauvres ont une espérance de vie de 80 ans, contre 88,3 années pour les plus riches.

III- LE DROIT A UNE RETRAITE DECENTE

La réforme des retraites prévoit des mesures phares, telles que :

  • Un recul progressif de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans à raison d'un trimestre de plus par an et l'accélération du rythme de majoration de la durée d'assurance.
  • La création d'un nouveau palier dans le dispositif des carrières longues, permettant aux salariés ayant commencé à travailler avant 18 ans de partir à 60 ans. Pour y avoir droit, il faudrait avoir cotisé 43 ans et 172 trimestres. 
  • La revalorisation des petites pensions à 85% du Smic, soit 1 200 euros bruts par mois. Condition : cette somme correspond à l'addition du minimum contributif et du montant de pensions des régimes complémentaires. Seuls ceux qui auront une carrière complète rémunérée au smic pourraient en bénéficier. Précisons que cette augmentation se décompose en 2 éléments (sécurité sociale et complémentaire) : 25 euros pour le "Mico-socle", et jusqu’à 75 euros pour la "majoration" du MICO "Minimum Contributif" (déjà applicable aux salariés du privé : si au moins 120 tr cotisés, ce minimum contributif s'élève à 747.57 € brut par mois. Si moins de 120 tr cotisés au régime général, ce minimum est de 684.14 € brut par mois).

Selon l'étude de l'Institut des politiques publiques "un très petit nombre de personnes" de travailleurs à carrière complète parviendrait à obtenir cette augmentation de "100 €" : moins de 10 % des nouveaux retraités...

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