Les règles d'or de l'architecte d'entreprise : #2, la techno tu ne fuiras pas

Voici le second épisode de la série lancée en début d'année 2024. J'aborde aujourd'hui un sujet qui ne fera peut-être pas l'unanimité, mais que je considère primordial. Je pourrais libeller la question en "quelle différence entre un urbaniste et un architecte d'entreprise ?". Aïe, j’entends déjà quelques détracteurs …

Si on demande à un anglo-saxon, il va avoir du mal à comprendre car la traduction d'urbaniste des systèmes d'information est "enterprise architect". Mais voilà, on a une spécificité française qui fait qu'on a introduit la discipline d'urbanisation des systèmes d'information il y a pas mal d'années, puis petit à petit est apparu le terme d'architecte d'entreprise qui a semé pas mal de trouble. Est-ce la même chose ou non ?

 Si on écoute le CIGREF, qui définit une nomenclature des profils métiers du SI (voir ici), les 2 profils sont distincts, même si on retrouve pas mal de compétences communes. Si on zoome sur quelques grandes différences, on peut noter plusieurs activités qui sont présentes chez l'architecte d’entreprise et pas chez l'urbaniste :

• La veille technologique et la promotion de solutions innovantes
• L'élaboration de recommandations pour l'intégration de nouvelles solutions.

Toujours selon la définition du CIGREF, sa mission est de plus tout à fait explicite sur le rapport à la tech :

"il (l'architecte d'entreprise) porte l’innovation auprès de l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise au regard de l’architecture existante du SI".

 Le parcours professionnel de l'architecte d’entreprise indique de plus "au moins 10 ans d'expérience en architecture et urbanisation", là où celui de l'urbaniste met l'accent sur la compétence fonctionnelle et la conduite de projets.

Ça reste une définition théorique, et tout le monde ne s'y retrouvera pas. Mais ça reste assez proche de ce que je peux constater dans une bonne partie des entreprises où j'interviens. La discipline d'urbanisation a longtemps été très axée sur l'analyse fonctionnelle et conceptuelle, et peu axée, voire totalement absente, sur les orientations technologiques. On peut même trouver une certaine aversion chez certains urbanistes à aborder les questions d'ordre technologique ("la techno suivra …", "ce n’est pas à l’urbaniste de traiter ça !").

Lorsqu'on est sur des activités récurrentes d'accompagnement des projets, ça n'est pas nécessairement problématique dés lors que les urbanistes sont en proximité des architectes solutions ou architectes techniques des domaines, et qui plus est, les sujets d'innovation n’y sont pas si fréquents.

En revanche, quand on remonte dans les strates de décisions, ça commence à coincer. J'ai même pu constater à plusieurs reprises une certaine frustration des directions métiers face à des acteurs SI ne donnant aucune orientation sur les choix technologiques. Or, la techno s'invite de plus en plus dans les discussions des acteurs COMEX : que fait-on avec l'IA ? Le cloud, on doit y aller ou non ? Comment se fait-il qu'on ne fasse rien d'innovant avec nos datas ? Les clients d'aujourd'hui veulent du temps réel ? Etc. etc.

L'architecte d’entreprise étant au croisement des orientations stratégiques de l'entreprise et des transformations stratégiques de l'IT, il se doit d'être prescripteur sur les bonnes technologies à mettre en œuvre. Et même à l'inverse promouvoir proactivement des technologies qui présentent un potentiel d’accélération pour les transformations de l'entreprise.

Un architecte d’entreprise doit donc, en plus des compétences d'urbanisation, rester "à la page" des évolutions technologiques, et ce à tous les niveaux de l'architecture (quelques exemples en vrac : cloud, conteneurisation, microservices, data streaming, DevOps, NoSQL …). Cela se cultive de différentes manières et dans la durée : par la pratique par opportunités, des formations, de la veille, des projets personnels (la domotique est un bon prétexte), des échanges récurrents avec des architectes techniques … Globalement, il faut savoir retrousser ses manches à chaque fois que l'occasion se présente pour carotter de nouvelles compétences.

Cela ne veut par contre pas dire que l'architecte d'entreprise est un expert de toutes les technos, tout est question de profondeur. Il doit avoir le juste niveau de maîtrise pour orienter les choix, et pourra s'appuyer sur les architectes solution et architectes techniques pour opérationnaliser la mise en œuvre.

En conclusion, faut-il opposer urbanistes et architectes d'entreprise ? Absolument pas, chacun a son rôle sur des périmètres d'intervention différents. La grande différence entre les deux profils est la largeur de spectre, l'architecte d’entreprise embarquant les compétences technologiques en plus de celles d'urbanisation. Le côté positif, c'est que tout s'apprend, et donc qu'un urbaniste peut évoluer naturellement vers l'architecture d'entreprise en étendant son spectre de compétences.