L’Europe des paiements aspire à une solution unique face aux géants américains
Industriels, banques et régulateurs déplorent l’absence d’acteur paneuropéen du paiement et le poids des géants américains Visa et Mastercard, Google ou Facebook demain. Une marque unique pourrait émerger autour du système de paiement instantané. En attendant, l’harmonisation est en marche avec la directive sur les paiements (DSP2) notamment.
L'Europe des paiements est incomplète - tout comme l'Union bancaire, l'Union des marchés de capitaux, voire la construction de l'euro. C'est le constat dressé par tous les acteurs réunis ce mercredi 10 juillet au Forum international de la finance de Paris Europlace. Vingt ans après la création de l'euro, qui a constitué « un formidable changement », le paiement est devenu « un défi stratégique » pour l'Europe et un enjeu de souveraineté, à l'heure où Facebook veut lancer sa cryptomonnaie Libra, a souligné Marie-Anne Barbat Layani, la directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF).
« Il faut une stratégie européenne des paiements de détail. Les solutions sont souvent domestiques aujourd'hui, le marché est très fragmenté » a relevé de son côté Ivan Odonnat, le directeur général adjoint de la stabilité financière et des opérations à la Banque de France.
L'arrivée de nouveaux entrants comme les Gafa « pourrait être disruptive pour le secteur bancaire européen. Ils pourraient capter une part de marché significative, ce qui ferait chuter la rentabilité des banques, affecterait le niveau de service et fragiliserait le secteur en Europe » a-t-il mis en garde. La veille, mardi 9 juillet, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, avait déjà évoqué la nécessité d'un sursaut européen.
« La triste réalité c'est que le marché européen des paiements est déjà dominé par des acteurs non européens [Visa et Mastercard notamment, ndlr]. De plus, le rôle croissant des entreprises digitales non européennes - qu'elles soient américaines ou chinoises - offrant des solutions de paiement doit être pris au sérieux » a déclaré François Villeroy de Galhau, également membre du conseil des gouverneurs de la BCE.
Les superviseurs risqueraient de perdre une partie de leur pouvoir de contrôle, le marché européen serait plus dépendant d'acteurs américains (PayPal, Apple Pay, etc) ou chinois (Alipay, WeChat Pay), ce qui poserait un risque en cas de tensions géopolitiques. Ils ne pourraient exercer de surveillance d'acteurs relevant d'autres juridictions, tandis que leurs homologues étrangers auraient accès à des données de paiement potentiellement sensibles, a estimé Ivan Odonnat lors de son allocution ce mercredi.
Le gouverneur avait appelé la veille « à la création de solutions de paiement paneuropéennes, capitalisant sur une marque commune et sur la réussite technique de l'infrastructure du service de règlement des paiements instantanés TARGET (Target Instant Payment Settlement - TIPS) géré par l'Eurosystème », c'est-à-dire la BCE et les banques centrales nationales. « Il ne nous reste plus beaucoup de temps » a mis en garde François Villeroy de Galhau. (...)
« Il n'y a pas d'acteur paneuropéen du paiement et c'est dommage » a observé Alexandre Albarel le directeur de la stratégie du français Worldline (ex-filiale d'Atos), premier acquéreur monétique européen. « Nous sommes coincés entre les très grands acteurs mondiaux et les nouveaux géants de la tech. Une marque paneuropéenne est nécessaire » a-t-il estimé.
Un constat appuyé par Fabrice Denèle le directeur de la stratégie et des partenariats chez Natixis Payments (BPCE) : « les consommateurs ne demandent pas quelque chose de nouveau, tout marche parfaitement, mais il y a une forte demande du côté des commerçants, qui veulent en finir avec les barrières, les solutions et les standards locaux. Il nous faut une vraie marque européenne. »
« Beaucoup de travail a été réalisé au niveau européen, un cadre pour l'interopérabilité, l'infrastructure Tips pour le paiement instantané, la construction d'un service de consultation de données de proxy mobile [Sepa Proxy Lookup (SPL), le numéro de téléphone mobile se substituant à l'Iban pour faire un virement] » a insisté José Beltran, le directeur du développement commercial de la Stet, le leader européen de la compensation des paiements, dont le capital est détenu par six grandes banques françaises (BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole, Banque Fédérative du Crédit Mutuel, La Banque Postale et Société Générale).
L'harmonisation est d'ailleurs en marche, grâce à la directive européenne sur les paiements (DSP2). Le texte renforce la sécurité des paiements en ligne (plus de 30 euros), avec l'authentification forte des clients, à deux facteurs au moins entre un code ou mot de passe que l'on sait, un appareil que l'on possède, une donnée biométrique telle que l'empreinte digitale, la voix ou l'iris. La France en particulier doit renoncer au simple recours au code SMS à usage unique, qui s'est généralisé. La nouvelle réglementation européenne entre en vigueur à partir du 14 septembre 2019 mais un temps d'adaptation est prévu, notamment pour les e-commerçants, en coordination avec les autorités nationales.
Dans l'Hexagone, l'Observatoire de la sécurité des paiements de la Banque de France a dévoilé mardi un plan de migration en plusieurs étapes, en faisant basculer plus de la moitié des clients et des transactions d'ici à décembre 2020 et la totalité au plus tard mi-2022. Pour l'ensemble de l'Europe, l'Autorité bancaire européenne « publiera un calendrier révisé après l'été. Ce ne sera pas une question d'années, mais de mois pour vous mettre en conformité » a prévenu Dirk Haubrich, le responsable de l'unité déontologie, paiement et protection des consommateurs à l'ABE, lors d'une allocution au forum de Paris Europlace ce mercredi.
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Experte Conseil - Banques Fintech EP/EME - Accompagnement stratégique, M&A, Innovation, Transformation, Conformité, Comptabilité & Paiements
5 ansIl serait temps de s'accorder pour proposer une solution qui respecte nos droits d'utilisateurs européens !
CEO / Directeur Général - STET
5 ansJean-François Delorme, il serait bon de corriger ce post et d’indiquer que La Banque Postale est également actionnaire de la STET. Sur le fond, la question du RoI de l’investissement que représenterait la création d’un nouveau schème européen se pose. Rappelons que les banques sont des acteurs économiques et que dans l’environnement actuel de taux, de transformation et de réglementations (MIF, DSP 2, Bâle x...) elles nagent déjà à contre courant... par rapport à leurs homologues américaines ou asiatiques
Training Consultant - CES Systèmes de transport intelligents (ITS) et mobilité dans les transports at Télécom Evolution
5 ansLogique mais compliqué Cf le projet Monet il y a dix ans qui était parti sur une vision stratégique erronée Désormais il faut miser sur le virement instantané comme solution avec l’appui du grand commerce moins fragmenté que le monde bancaire qui aura du mal à se sortir des griffes de Visa/MC Les Chinois ont une longueur d’avance sur les américains et c’ est le commerce qui mène la danse. Les GaFA n’ont rien démontré pour le moment (sauf Amazon peut être) et on fantasme beaucoup sur leur supposée puissance
Président 4MP | Créateur de l'APP "Chain4test" : transactions par blockchain privée - centralisée (infrastructure "Chain4wallet") pour rester souverain en Europe dans les paiements.
5 ansComme explique très bien un entrepreneur français du domaine de la robotique (certains le reconnaîtront) quand on veut s'imposer en matière d'innovation il faut savoir parfois... sauter une étape ! Pour l'Europe des paiements, ceux qui voudraient singer EMV (visa, master card), ou singer paypal ou stripe, ou même singer la "libra" c'est à dire créer une crypto-monnaie de plus, ont d'emblée tout faux. Il faut sauter une étape ! J'ai la chance de conduire un programme de recherche en ce sens depuis plus de 2 ans. Aujourd'hui mi 2019 la POC est faite avec un démonstrateur disponible. On recherche des appuis pour soutenir cette initiative européenne. N'hésitez pas à entrer en contact si vous pensez qu'il faut aller dans ce sens ...