Questions sur l’euro digital et les fondamentaux de la monnaie fiduciaire
La Banque de France vient de publier un document de synthèse sur l’euro digital, qui apporte un peu plus d’éclaircissements, mais soulève toujours autant de questions de fond.
On voit notamment que les intermédiaires financiers seront ‘appelés’ au déploiement et à la distribution de l’euro digital. C’est une orientation de bon sens car ce n’est pas le rôle de la Banque Centrale. En revanche ces intermédiaires financiers sont également des concurrents et ont des impératifs de rentabilité. Rien n’est encore connu sur le modèle économique qui alimentera ce modèle de déploiement et de distribution. Le document de l’Eurosystem évoque un modèle ‘équilibré et viable’ pour les acteurs. Le chemin sera en effet probablement étroit entre la maitrise des coûts pour les banques centrales et la nécessite de rémunérer les intermédiaires pour s’assurer de leur adhésion.
Il est probable que les travaux le futur modèle économique mettent en évidence l’efficacité de la filière fiduciaire actuelle, très optimisée et aux coûts d’infrastructure limités et bien amortis. Il faudra également intégrer les coûts cachés de la gestion du cash, par exemple sa manipulation et gestion dans les points de vente, qui représentent une charge importante supportée par les acteurs mais non valorisée. Les commerçants qui acceptent aujourd’hui que leur personnel passe des heures à compter du cash, rendre de la monnaie et vérifier les caisses, seront probablement réticents à rémunérer le service apporté par un euro digital. D’autant plus que l’euro digital ne se substituera pas au cash qui continuera à circuler et à porter ses coûts sur les acteurs.
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On voit également apparaître la notion de ‘comptes’ pour les utilisateurs finaux. Cette notion est complexe car les établissements financiers gèrent déjà les comptes constitués des avoirs et soldes créditeurs de leurs clients. Les clients auraient donc auprès des établissements financiers des comptes de monnaie fiduciaire, d’une autre nature que la monnaie scripturale qui reste en dépôt au passif du bilan des banques. Autant il est heureux que la Banque Centrale ne gère pas de compte de clients car ce n’est pas sa vocation, autant il serait inapproprié que les établissements financiers tiennent pour leurs clients les opérations et positions de compte de monnaie fiduciaire dont ils ne portent pas les encours. Cette orientation remet en question les fondamentaux de la monnaie et notamment de la théorie sur la création monétaire.
Avocat fiscaliste, Associé fondateur du Cabinet LMD Avocats fiscalistes, spécialistes du contentieux fiscal
1 ansÉclairage très intéressant. En tant qu’avocat, je vois surtout un énorme risque pour les libertés individuelles, auquel les américains me semblent plus sensibles…