Liberté ou régulation ?
Edito
La tension monte chez les médecins libéraux.
L’exaspération s’est cristallisée en octobre sur les déserts médicaux, alors que le gouvernement a décidé d’imposer aux internes de médecine générale une année supplémentaire dans les zones en difficulté.
Les propositions du Comité de liaison des institutions ordinales (CLIO) visant à développer le partage d’actes et d’activités entre médecins et autres professionnels de santé, ont également heurté les syndicats de médecins.
Et voilà que les négociations qui vont s’ouvrir avec l’Assurance maladie, afin d’aboutir avant fin mars à la nouvelle convention médicale 2023-2027, s’annoncent comme un bras de fer.
D’un côté, les syndicats exigent une revalorisation du tarif des consultations, avec plusieurs niveaux selon leur degré de complexité. Le tarif de la consultation du médecin généraliste à 25 €, notamment, étant sans conteste l’un des plus bas d’Europe.
De l’autre, la lettre de cadrage du ministre de la Santé et de la Prévention qui donne le coup d’envoi de ces négociations, semble écarter une revalorisation “automatique” des actes cliniques. Et évoque certains sujets clivants : les “nouveaux modes de rémunérations individuels et collectifs”, en privilégiant “les rémunérations valorisant un changement de pratiques” et “de nouvelles répartitions des compétences”...
Certaines organisations appellent les médecins à la grève les 1er et 2 décembre.
Et dans un communiqué commun le 3 novembre, l’Ordre et cinq syndicats de médecins libéraux “réaffirment la place centrale de la profession dans le parcours de soins”.
Au-delà de la négociation tarifaire, c’est bien de réorganisation de l’offre de soins dont il est question dans ces discussions.
-------------
3 questions à
Dr Pierre Simon, ancien président-fondateur de la Société Française de Télémédecine
“La téléconsultation peut devenir un réel complément de la consultation présentielle pour les patients atteints de maladies chroniques”
Un amendement voté dans le cadre du Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (PLFSS 2023), conduit à mettre fin à la téléconsultation solo à domicile. Comment réagissez-vous ?
La proposition visant à renforcer l’accompagnement de patients âgés, souvent illectroniques, lorsqu’ils font une téléconsultation, était légitime. Mais cela a dérapé en un texte de loi dans le Code de la Santé publique stipulant que toute consultation non accompagnée sera exclue et non remboursée par la Sécurité sociale.
Les enquêtes montrent, en 2020 et 2021, que l’usage “solo” de la téléconsultation concerne majoritairement une population jeune dans une situation de mobilité ou en télétravail. Ainsi 83% des téléconsultations durant ces deux années, ont concerné des citoyens de moins de 39 ans. Le service rendu est plutôt social, la téléconsultation permet de ne pas se déplacer. Dès lors, doit-on mettre la téléconsultation “solo”, même si celle-ci est effectuée avec son médecin traitant, au banc des accusés ? Je pense que ce serait une erreur.
Selon les recommandations de la HAS, la bonne pratique est d’alterner la téléconsultation avec les consultations présentielles. L’avenant n°9 à la convention médicale prévoit que la part des téléconsultations dans l’activité d’un médecin ne doit pas dépasser 20%. Je serais partisan de fixer ce plafond à 50%, afin que la téléconsultation devienne un réel complément de la consultation présentielle pour les patients atteints de maladies chroniques.
L’Assurance maladie a recensé 20 millions de téléconsultations en 2020, puis 16 millions en 2021, et la projection 2022 est de 14 à 15 millions. Les téléconsultations ne doivent pas devenir un produit de consommation, il faut les encadrer. Mais attention à ne pas freiner l’accès aux soins de certaines populations en les limitant plus que de raison.
Recommandé par LinkedIn
Egalement prévue dans le PLFSS 2023, la création d’un agrément pour les plateformes de téléconsultation réglera-t-elle la question des éventuels abus ?
Le LET (Les Entreprises de Télémédecine), qui représente une trentaine de plateformes, s’est prononcé en faveur de cet agrément.
Pour rappel, ces plateformes ont été initialement autorisées en 2012-2013 à titre expérimental, pour beaucoup d’entre elles par l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France. Elles se sont retrouvées en difficulté quand a été introduit l’avenant 6 à la convention médicale, lequel impose que les téléconsultations soient territorialisées. Autrement dit, parce qu’une téléconsultation peut déboucher sur le besoin d’une consultation présentielle avec le professionnel de santé, le développement de plateformes nationales avec des professionnels téléconsultant à longue distance, est exclu.
Il semble logique que les plateformes interviennent au sein des territoires de santé, en lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), le service d’accès aux soins (SAS) etc. On doit pouvoir trouver une entente afin d’améliorer l’accès aux soins dans les territoires.
De plus, maintenant que chaque citoyen dispose de son dossier personnel en ligne "Mon espace Santé”, il serait logique que toute téléconsultation soit approuvée à condition que le citoyen ait accepté la création de son espace, et que le compte rendu de téléconsultation soit versé directement dans cet espace, ainsi disponible pour le médecin traitant.
En quoi les pratiques combinées de téléconsultation et télésurveillance sont-elles efficaces dans la prise en charge des maladies chroniques ?
On peut aujourd’hui combiner ces pratiques dans des parcours de soins coordonnés, permettant des prises en charge personnalisées. Dans le cas d’une personne à domicile télésurveillée pour son diabète, une solution peut permettre au médecin traitant ou spécialiste de faire une téléconsultation, et à un infirmier de faire un télésoin. En néphrologie, quand on suit des patients dialysés ou transplantés, on associe surveillance, téléconsultation, et téléexpertise si besoin d’un autre avis. Idem dans le suivi post-AVC.
Ces pratiques combinées de télémédecine ont démontré leur efficacité.
-------------
Les échos de la formation
➻ Santé mentale, enjeu de santé publique : formons-nous ! Le programme Premiers secours en santé mentale (PSSM) est fait pour ça : 2 jours pour se sensibiliser aux enjeux, identifier les bonnes postures et comportements à adopter et appréhender les ressources à proposer aux personnes en souffrance psychique. A lire, cet article de Géraldine Lemoine sur le site ManagerSante. A lire également, l’annonce de la Mutualité Française et de PSSM France qui vont former un réseau de salariés au secourisme en santé mentale.
➻ Expérimentations “Article 51” des nouvelles organisations en santé. L’Atlas du 51, actualisé chaque semestre, recense les expérimentations par région. Cette quatrième version permet une vision au 30 juin 2022. Et derrière chaque expérimentation, des besoins de formation.
➻ Etudes de pharmacie : le temps de la refondation ? L’accès en deuxième année de pharmacie (après l’année commune avec les futurs médecins, dentistes, sages-femmes ou kinés) ne fait plus recette. Un grand nombre de places (1100) sont restées vacantes au niveau national en cette rentrée 2022. Un métier en transformation, des formations à faire évoluer : lire la note d’Anthony Mascle sur le site de LiSA.
-------------
Citation
“Qu'importe l'issue du chemin quand seul compte le chemin parcouru.”
David Le Breton, anthropologue et sociologue français.
-------------
Président MAREXIAL Santé OA DPC - APSNA
2 ansIl n'y a pas une solution mais une combinaison de concepts dans une vision panoramique des solutions appliquant subsidiarité et montée en charge et d'autres, des solutions existantes dispersées, ce qui implique une négociation tirée du réel, win-win.