limites de la réduction du psychisme au biologique
azalée Mollis et son ombre PhV 2023

limites de la réduction du psychisme au biologique

ambiguïté entre corrélation et causalité

Une recherche récente publiée en avril 2023 dans la revue Molecular Psychiatry https://lnkd.in/eGc5i-KW * explore le lien épigénétique entre traumatisme infantile et épisode psychotique chez l'adulte. 

Y sont mis en relation trois phénomènes :

1 - traumatisme infantile (champ psychique et social qui selon Freud sont indissociables)

2 - épisode psychotique à l'âge adulte (champ psychique et social également)

3 - marqueurs épigénétiques observés (champ biologique)

La recherche vise à repérer des corrélations, en vue - « saut inférentiel » à la clé - de soutenir de possibles causalités qui permettraient éventuellement diagnostic, pronostic et traitement.


La corrélation entre (1) et (2) - qui est constatable cliniquement de très longue date - est probablement documentable scientifiquement sans avoir besoin de passer par le biologique (3). 

Cependant aucune causalité n'est acquise :

  • la causalité peut être valable dans un sens - trauma favorisant une décompensation - ou dans l'autre - disposition psychotique (présente chez chacun si l'on suit Mélanie Klein) encourageant une maltraitance ou intensifiant un vécu traumatique subjectif.
  • il peut y avoir un ou des facteurs sous-jacents, par exemple génétiques - ADN - ou psychiques - imprégnation affective (pour ne pas dire transmission inconsciente) - qui provoquent à la fois trauma et devenir psychotique.

L'article rapporte que des marqueurs épigénétiques semblables (3) sont trouvés dans les situations (1) et (2) - et même distincts et corrélés selon le type de traumas (maltraitance ou abandon) et de symptômes psychotiques (positif ou négatif). 


Qu'est-ce que cela prouve ?

En terme de causalité, pas grand chose... si ce n'est une « tautologie » comme quoi la photographie (biologique) reflète le paysage (psycho-social)...

Les « hypothèses causales » - pourtant affleurantes - ne peuvent qu'émaner d'une « hypothèse croyance » sous-jacente selon laquelle le socle biologique serait la réalité explicative première, dans laquelle par construction résiderait une origine causale à trouver. 

Bref une épistémologie de sciences naturelles réduisant l'humain au biologique.


Je respecte pleinement l'esprit qui anime toute recherche et qui peut conduire - ou non - à construire des connaissances potentiellement utiles, directement ou indirectement à terme.

Cependant étant psychologue clinicien et psychanalyste de profession - et néanmoins ingénieur et scientifique de formation - je suis souvent surpris de la faculté de certaines recherches à se trouver prises dans des sauts inférentiels entre corrélation et causalité - surtout quand le champ concerne également les sciences humaines. 

Certes les conclusions sont toujours prudemment marquées par des précautions oratoires comme : « peuvent expliquer pourquoi », « les mécanismes biologiques sous-jacents potentiels » ou « exploring the mediation... », mais le saut inférentiel entre corrélation et causalité est dans la pratique et l'usage très vite franchi sous une double influence :

- côté public : de la communication émettrice nécessairement simplifiante et venant s'accrocher aux préjugés propres à chaque récepteur, lecteur ou auditeur.

- côté recherche : de l'écrasante injonction contemporaine à la visibilité (publish or perish) et à la recherche de financements (fléchage institutionnalisé)


Ce qui précède - et que le hasard d'un post a mis sous mes yeux - illustre surtout à mon sens :

1) la puissance du psychisme humain qui manifeste son empire jusque sur le biologique - souvent mis sous le terme « psychosomatique », et aux sources même de l'effet « placebo », tant combattu pour conduire les recherches pharmaceutiques... 

2) la croyance ou la volonté de réduire l'être humain à sa biologie - afin peut-être de conjurer la puissance libre et non « contrôlable » de son psychisme... 

Cette dernière est à l'œuvre jusqu'à vouloir, je cite : « utiliser les marqueurs épigénétiques pour prédire les trajectoires individuelles des patients »...

Je ne sais pas vous, mais personnellement l'usage possible de ce « savoir » me fait froid dans le dos ! 😰 


Il est tentant pour terminer, dans ce contexte « psy », de renvoyer à l'aphorisme rabelaisien : « Science sans conscience [épistémologique] n'est que ruine de l'âme. »


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* Titre de l'article de Molecular Psychiatry 17 4 2023 : "Exploring the mediation of DNA methylation across the epigenome between childhood adversity and First Episode of Psychosis"


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Philippe Vinot

🗣️ psychologue clinicien, psychanalyste, coach ◻️atypiques, douées et sensibles ◻️dirigeants managers indépendants ➡️accompagnement professionnel, psychothérapie, supervision de coachs et thérapeutes 🌱 ingénieur mba

1 ans

Merci Edith ! La quête de savoir et de contrôle fait partie de notre condition humaine. Elle rassure notre inquiétude #existentielle et apaise notre angoisse première #archaïque.   En recherche de #certitudes verbalisables et articulables, le « discours de l’universitaire » - comme le nomme Lacan - cherche à exclure de son champ la #subjectivité, à l’instar de la science positive : par exemple, en considérant l’humain à l’aune de son génome, on ne voit plus alors où peut apparaître la question du libre arbitre. Dans ce « discours » de la #recherche, l’autre existe essentiellement comme objet, tout au plus comme sujet du « cogito » cartésien.

Edith de Faverges

Accompagnement et développement de la créativité et de la singularité

1 ans

Tenter de tout expliquer par la science rassure et encourage notre besoin de maitrise. Quand l’incertitude et le mystère seront plus communément admis comme composantes de notre condition, nous comprendrons davantage le langage les poètes et les signes des temps.

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