LIVR’ACTION Respect, reconnaissance et confiance…
La pandémie a réveillé prophètes et idéologues, couvrant la voix d’autres qui, malgré tout, s’essaient à penser au-delà de leurs sentiments, de leurs émotions, de leurs impressions, pour nous donner à comprendre ce qui nous arrive et même parfois l’envie d’agir.
C’est d’eux, sociologues, philosophes, historiens, anthropologues, géographes… chercheurs et chercheuses en sciences sociales, dont je souhaite vous entretenir ici, une fois par mois.
Il s’agit de vous présenter un ouvrage récent susceptible d’inspirer vos réflexions et vos actions dans vos entreprises, qui bruissent des transformations sociales et des évolutions des « mentalités » (comme on disait autrefois) en cours dans la société française. Au programme de ce mois-ci :
LES EPREUVES DE LA VIE, comprendre autrement les Français de Pierre Rosanvallon, Seuil, 2021
Pierre Rosanvallon est un sociologue et historien connu pour ses travaux sur l’histoire de la démocratie et la justice sociale. Professeur au Collège de France, il est également directeur d’études à l’EHESS. Enfin, il dirige le site laviedesidees.fr et la collection « la République des idées » aux éditions du Seuil.
L’ouvrage s’ouvre sur un postulat simple : rapports de production /distribution des richesses et déterminismes sociaux permettent de « connaître » la société française mais pas de la « comprendre ».
Il s’appuie sur le mouvement des Gilets Jaunes pour l’illustrer. Etudes à l’appui, il rappelle que ce dernier ne recouvre pas une « classe » puisque, selon un sondage IFOP du 28 novembre 2018, ouvriers et employés sont 31% mais les travailleurs indépendants 25%, les professions intermédiaires 13% et les cadres ou professions intellectuelles 11%. La plupart n’avaient jamais milité et ce qui les relie n’est donc pas une appartenance de classe mais une communauté d’expérience. Ils ont en partage un certain nombre d’épreuves. Rosanvallon insiste sur le double sens du mot, à la fois « expérience d’une souffrance, d’une difficulté » et « façon d’appréhender le monde ».
Pour saisir plus finement de quoi il retourne, l’ouvrage de Danilo Martucelli, Forgé par l’épreuve, l’individu dans la société contemporaine publié en 2006 (Armand Collin) qui reprend des parcours de vie, est très précieux, à lire également pour ceux et celles qui veulent aller plus loin. Il est dommage que l’auteur ne le cite pas.
Rosanvallon distingue trois types d’épreuves, aujourd’hui clairement repérables au sein des entreprises comme ailleurs.
Les épreuves de l’individualité et de l’intégrité personnelle, comme le harcèlement, suscitent humiliation, ressentiment, colère.
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Les épreuves du lien social liées à des hiérarchies et/ou à des formes de domination collective, comme la discrimination, construisent le sentiment d’injustice.
Enfin, les épreuves de l’incertitude, qui tiennent aux bouleversements économiques et au dérèglement climatique, sans oublier la pandémie, provoquent anxiété et défiance.
Face à cela se révèlent des attentes spécifiques dont témoignent mes clients, quelles que soient leurs fonctions ou les activités de leur entreprise. Face aux épreuves de l’individualité et de l’intégrité individuelle, le mot-clé est respect, au fondement de la dignité.
A la discrimination s’oppose la quête de reconnaissance, dont Axel Honneth a montré qu’elle est au cœur des questions sociales contemporaines (Cf. La lutte pour la reconnaissance, Ed. du Cerf, 2000) et la revendication d’égalité des chances.
Quant à l’incertitude, elle va de pair avec une demande de sécurité et de lisibilité alors que, selon Rosanvallon : « l’espèce humaine elle-même se trouve menacée d’extinction par les conséquences de son mode de vie. »
Les cadres dirigeants, autrefois « dévoués » à leur entreprise et attachés à leur « carrière », n’échappent ni à ces épreuves ni à ces attentes sur fond de fatigue croissante. L’ouvrage a le mérite de clarifier les contours de ce qui se tisse aujourd’hui et d’en décrire maints exemples, à découvrir au fil des pages.
La fameuse RSE par exemple s’impose peu à peu dans les esprits. Respect, reconnaissance et confiance forment peut-être le triptyque indispensable pour que cette responsabilité sociale et environnementale des entreprises prenne corps et s’incarne à travers les hommes et les femmes qui les dirigent...
Directrice associée de l'agence Rumeur Publique et fondatrice du Podcast REboussolages
3 ansMerci chère Catherine Blondel pour ta belle initiative du Livr'action et ton analyse du livre de Rosanvallon
CEO
3 ansMerci Catherine pour ce "libre passage" pertinent !
Directrice de la gestion et de l'accompagnement des cadres dirigeants de France travail. #Sparring partner #Mentor
3 ansMille merci Catherine Sacré triptyque : Respect, reconnaissance et confiance ! Si puissant à découvrir en chacune/chacun, puis et, entre nous... L équilibre en trois points pour accueillir le mouvement de l incertitude. A bientôt sûrement
Directrice Générale
3 ansMerci chère Catherine, très juste constat des épreuves et des remèdes : la posologie semble simple mais pourtant elle reste insuffisamment appliquée. J’entends encore souvent cette phrase qui me hérisse « la confiance n’exclût pas le contrôle », de la même façon qu’il y a des droits sans devoirs réciproques. Bref, un sujet d’actualité. Hâte du prochain billet.
Global HR leadership | Global Diversity & Inclusion | Talent Management | Organisation Alignment & Culture
3 ansTrès intéressant dans le contexte de "mental health" en entreprise. Merci d'avoir partager cet éclairage et de remettre le respect au centre de nos actions.