Lucifer
Nous avons le malheur de recevoir le PDG de la deuxième entreprise la plus lucrative au monde, la "Sheitan Compagnie", qui compte plusieurs millions de travailleurs. Nous allons, durant cet interview, tenter d’approcher au mieux les nombreuses facettes de ce chef d’entreprise, qui a su créer un empire unique en son genre. Il ne s’est jamais exprimé auparavant, ceci est donc une exclusivité que nos équipes sont fiers de vous présenter.
Bonjour Monsieur Lucifer, avant de débuter l'interview à proprement dite, présentez vous en quelques lignes pour nos lecteurs qui ne vous connaissent pas.
Certains m'appellent Lucifer, d'autres Satan, Sheitan ou même Hadès pour nos amis grecs. Je suis CEO d'une grosse boîte de production, qui est leader sur le marché du mal et de la terreur, nos compétences sont assez larges et variées. J'ai la réputation d'être un directeur sévère mais très persuasif tout en restant ouvert, d'ailleurs ma politique de promotion est l'une des plus appréciée et s'avère être très concluante vu que les possibilités de carrière sont nombreuses dans notre organisation. Je suis souvent victime de procès d'intention, je dois donc sans cesse tenter d'enjoliver mon discours et mes actes auprès de l'opinion publique. C'est un véritable enfer !
Concernant vos débuts, pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
A la base, j'étais cadre dans l'entreprise "Bien et Paix", qui a son siège social au paradis, tout allait pour le mieux jusqu'au jour où le patron a voulu changer l'organigramme. J'ai vu ma fonction perdre en prestige lorsqu'il a décidé d'embaucher un nouveau manager, qui répondait au nom d'Adam. La suite vous la connaissez... Faute grave, licenciement abusif, et dégradation de mon image dans le milieu, mais cela m'a permis de rebondir et de lancer mon projet. Mise à part notre situation géographique, qui n'est pas la plus pratique je dois l’avouer, j'ai monté une affaire qui tourne plutôt bien. Au final, je suis le premier concurrent de la société de Dieu, qui au passage n'est pas le meilleur employeur du tout ! (Rires et sarcasmes)
Concernant vos collaborateurs, certains jugent que votre politique d'embauche est discriminante et teintée d'arbitraire. Que répondez-vous à ces accusations ?
Oui, ces allégations sont infondées pour la plupart, et résultent d'une manipulation médiatique de mon concurrent direct pour me faire tomber dans le discrédit. Certes, certains de mes choix d'embauche méritent d'être questionnés, mais de là à m'accuser d'un quelconque népotisme, c’est faire preuve d’exagération. J'ai bien engagé un nombre important de prêtres et d'évêques pour combler le manque d'effectif de notre section "pédophilie". Je pense même que celui qui m'accuse de favoritisme n'a pas avalé la pilule, car il faut avouez que c'était plutôt audacieux de débaucher des cadres de sa boîte. De plus, je ne fais aucune distinction durant mes entretiens, les profils sont hétérogènes : des racistes de bas niveau, des voleurs sans diplôme, des terroristes qui se revendiquent musulmans (l'équipe de l'année !), des assassins sans scrupules, et même des hommes politiques opportunistes,.... C'est dire l'éventail d'employés qui trouvent un poste chez nous !
Au sujet de l'année 2015, certains observateurs jugent qu'elle fut la plus rentable pour vous. Êtes-vous de cet avis ?
Ah 2015 ! Cette année fut effectivement très bonne pour notre chiffre d'affaire ! Nous avons marqué les esprits dès le premier trimestre, avec notre nouveauté lancée à Paris. Envoyer des stagiaires du département "Daesh" dans les bureaux de Charlie Hebdo, était l'une de mes meilleures idées ! Nous avons réitéré l'expérience en novembre dans les rues parisiennes, et les actionnaires n'attendaient pas mieux. Il a été ensuite décidé d'investir davantage dans le budget du secteur des barbus anti musulmans, ce dernier est porteur de bénéfice à long terme, tant sur le marché européen qu'africain. Mais pour répondre à votre question, nous avons connu de meilleurs années, prenez par exemple l'année 2001, ou la période riche de 40-45, ou même encore plus récemment la crise en 2008 due à la cupidité de certains. Évidemment, nous connaissons aussi des périodes creuses, celles-ci sont caractérisées par une entraide et une solidarité qui mettent en difficultés nos investissements, et bizarrement ils suivent très souvent nos pics de production.
Pour nos lecteurs, pouvez-vous nous partager vos plus beaux souvenirs ?
C'est donc la minute nostalgique. J'ai énormément de souvenirs au sein de ma compagnie. Mais il est vrai que certains sortent du lot. C'est notamment le cas de l'affaire Dutroux en Belgique, ou Ted Bunty aux Etats-Unis qui a reçu de nombreuses promotions, ou encore Joachim Kroll et Barbosa qui sont des exemples pour la nouvelle génération comme Breivik en Norvège. Le plus beau souvenir, si je devais n'en choisir qu'un seul, est sans doute Adolphe Hitler et la Shoah ! J'aime à dire qu'il a dépassé Pharaon au niveau de sa folie, et pour être franc avec vous, j'ai moi-même été choqué par ses actes. Il a atteint l'apothéose du mal ! On a été jusqu'à dire qu'il était mon digne héritier. C'est m'enterrer trop tôt que d'avancer ce genre de déclarations. Je me replonge souvent dans les périodes les plus sombres de l’histoire humaine, et c’est à cet endroit précis que je déniche mes plus belles reliques.
Pour rebondir là-dessus, il est intéressant de voir le nombre de livres ou de films à votre sujet, de nombreuses personnes nourrissent même un culte autour de votre personnalité. Comment appréhendez-vous ce genre d'attitude ?
C'est vraiment très flatteur. J'ai même vu quelques-uns de ces films, et c'est plutôt ressemblant, mise à part cette manie de me faire porter du rouge qui est une sottise. Je pense que de nombreuses personnes se trompent à mon sujet, ils fantasment et s’éloignent de la réalité. Je ne suis qu’un ambitieux, orgueilleux d’après mes détracteurs, qui réalise ses rêves d’entrepreneur. Il faut cesser ces fantaises à mon égard. De plus, je serais la tête pensante de nombreux complots politico- économiques, et même la voix qui chuchoterait à l'oreille de certains chefs d'état. Mon dieu, j'ai du mal à y croire. Par contre, quand on y pense ces théories m'octroient une visibilité unique. On a été jusqu'à dire que je signais des contrats à tout va, en échange d'allégeance, j'offrirais pouvoir et succès à quiconque... Quelle imagination sournoise ! Les rumeurs à mon encontre déchaînent les passions. Et à force de les écouter, je deviens comme Maximus, je n’ai qu’une seule envie, c’est de déchainer les enfers !
Pour revenir à votre entreprise, vous êtes à la tête d'un empire sans frontières, une véritable multinationale tentaculaire. Comment gérez-vous la pression au quotidien ?
Je me démène comme un diable pour ne pas céder justement ! C'est un travail de longue haleine, et pour être franc c'est assez pesant par moment. On aimerait relâcher la pression, mais vu que Rome ne s'est pas faite en un jour, il faut travailler sans relâche pour la détruire en un soir. En outre, les nombreuses filiales à travers le globe ont besoin d'un management pointu pour atteindre nos objectifs. Du Mali à l'Afghanistan, en passant par la Colombie, nos équipes essaient de remplir nos missions et répondre aux attentes des clients. Nous pouvons compter pour cela sur une communication efficace et un réseau très vaste de collaborateurs. J’essaie de garder une certaine cohérence dans la gestion de cette multinationale, mais évidemment il faut tenir compte des différences culturelles, sociétales et idéologiques. La notion même du mal est relative, et d’un pays à l’autre, d’une population à l’autre, le terme prend des visages hétéroclites. Notre objectif est d’allier uniformité du projet et variété des méthodes, cela nous réussit plutôt bien !
Quels seraient les conseils que vous donneriez à des jeunes qui aimeraient réaliser leurs rêves ?
Croire en ses capacités d’action. Ne jamais douter de soi, et ne jamais écouter les gens autour de vous. Prendre de la hauteur par rapport aux pseudo donneurs de conseils. Ne jamais ranger sa fierté au détriment d’un semblable. Chaque place au sommet vaut de l’or, donc les jeunes, armez-vous d’égoïsme et foncez ! Je n’ai pas réussi en étant solidaire, empathique ou même un ange généreux. Tout est question d’opportunisme, sachez saisir les chances, qu’elles vous soient destinées ou pas. Avec toutes ces années d’expérience, s’il y a une chose que j’ai retenue, c’est que la victoire a meilleur goût servie seule qu’avec des accompagnements. La vie est un buffet, mais ce dernier est malheureusement limité, ne remplissez donc pas une assiette, mais une casserole ! Soyez vigilants, les actes de gentillesse sont suspects, et prémunissez-vous contre toute bonté humaine, celle-ci cache souvent de la jalousie. Et dernier conseil, vos rêves sont telles des mèches reliées à une bombe, elles n’attendent qu’une flamme !
L’interview s’achève ici, nous tenions à vous remercier d’avoir accepté notre invitation. Auriez-vous un mot pour la fin ?
J’espère qu’un jour, le mal et le côté obscur mettront l’entreprise de Dieu sur les genoux, même si entre nous j’en doute fortement !