Merci pour cette année

Merci pour cette année

2020 sera définitivement une année à part. Pour longtemps. Pour tout le monde.

A l’heure de tourner la page vers d’autres aventures, dont 2021 se délecte déjà, nous regardons 2020 avec les yeux de l’incrédulité et de la trahison, ceux que nous réservons aux coups inattendus. Le sentiment d’avoir été frappés de nulle part par un ennemi invisible et insaisissable. Puis de lancer de grands coups dans toutes les directions dans l’espoir de vaincre ce moustique qu’on pense parfois avoir terrassé avant d’entendre à nouveau, avec dépit et lassitude, son bourdonnement malsain.

2020 reçoit désormais les honneurs d’être la « pire » année vécue, le seul débat opposant les différentes générations étant de savoir depuis combien de temps.

Pour la nôtre, c’est assez clair : aucun événement n’aura jeté un tel sentiment d’incertitude et de vulnérabilité sur le monde que celui que nous avons vécu. Certes, nous étions marqués du fer rouge de 1989, qui sonnait l’épilogue de quarante ans d’Histoire bilatérale, ou de 2001 qui annonçait avec fracas l’aube d’un monde où la guerre ne viendrait plus des Nations.

Mais cet événement aura touché l’intime de chacun de nous, nous privant de nos libertés les plus élémentaires, nous retirant nos moments de joies et de grâce, nos airs de fêtes et nos embrassades, prenant la main sur nos modes de vie, nos déplacements, nos familles et nos projets.

Et pourtant. Et si. Et si 2020 n’était pas de ces années salvatrices, qui changent le Monde lorsque le Monde a décidé de ne pas changer de lui-même ?

Refuser d’avoir à choisir

Qui aurait dit, à l’heure où 2019 tirait sa révérence en enregistrant un profit record pour les multinationales de ce monde, que tous les dirigeants mettraient quelques jours plus tard leur pays à l’arrêt pour sauver ce qui représente finalement une part faible de l’humanité ?

Qui aurait parié que les plus libéraux d’entre nous, ceux qui ne voient la réussite d’un pays qu’à l’enrichissement de ceux qui décident comment le faire avancer, donnent raison à ceux qui ne voient la réussite d’un pays qu’à la mise en commun de tout actif créé : nos vies valent plus que leurs profits.

Parce qu’après tant de doutes, de contestations, de défiance, d’avis éclairés ou non, nous oublions le principal : nous avons collectivement accepté de changer drastiquement nos modes de vie, en un laps de temps infiniment court, pour l’intérêt du bien commun. Nous avons accepté de porter des masques à toute heure pour protéger les autres plus encore que pour se protéger soi-même, nous avons accepté de fermer nos commerces, d’arrêter nos spectacles, de ne plus voir nos proches, de mettre sur pause les projets de toute une vie. Cela n’a pas été facile, loin s’en faut. Mais nous l’avons fait sans heurts et avec responsabilité.

Ce que nous avons fait, et ce qu’aucune civilisation avant nous n’avait pu orchestrer en pareille circonstance, a permis bien entendu de sauver des vies. Mais il a surtout permis de mettre en jeu ce que nous avons de plus cher, ce que nous avons acquis et protégé de haute lutte durant des siècles : un socle de valeurs humanistes et un ordre moral commun.

D’aucuns pourront dire qu’avant d’être un défi civilisationnel, notre enjeu était avant tout logistique pour empêcher la saturation de nos systèmes hospitaliers. Mais qu’importe, de la Chine aux Etats-Unis, du Japon à l’Europe, nous avons fait le même choix : refuser d’avoir à choisir entre celui qui doit vivre et celui qui doit mourir. Et nous ne pouvons que nous réjouir de n’avoir jamais ouvert de sinistre débat : continuer à vivre normalement et laisser mourir les plus faibles d’entre nous, puisque de toutes façons ils devraient bien mourir un jour, pas si lointain pour la plupart.

Et dans ce choix qui nous a demandé tellement d’efforts, nous avons aussi recueilli bien plus de victoires que celle, déjà immense, de savoir des vies protégées.

Un peu de courage

Jusqu’à lors bloqués dans notre vie quotidienne, incapables d’arrêter ce train effréné, de contempler le monde qui nous entoure, de nous questionner sur les grands enjeux de notre société, nous n’étions au mieux qu’un tout petit maillon d’une très grande machine qui navigue telle un bateau ivre. Alors certes, nous avons mis les machines à l’arrêt, mais à l’heure où beaucoup cherchent à les relancer à tout rompre, nous avons l’opportunité de changer le cap du bateau pour échapper au sort du Titanic que les icebergs fondus par la crise climatique nous réservent.

Cette année, disons-le nous, la nature a repris un peu ses droits et c’est très bien comme cela. Les émissions de CO2 ont connu une baisse inédite de -7% (la plus forte aux… Etats-Unis), les forêts ont retrouvé des couleurs, les émissions liées aux énergies fossiles ont chuté jusqu’à -50% dans les transports et -30% dans l’industrie, la concentration de dioxyde d’azote jusqu’à -50% dans certaines villes chinoises. La biodiversité a regagné du terrain : la proportion d’espèces marines menacées d’extinction est en nette baisse (Rebuilding Marine Life, Nature), nous avons découvert l’existence de onze nouvelles colonies de manchots empereurs en Antarctique, le Kenya a annoncé avoir doublé sa population d’éléphants et la baleine bleue menacée de disparition, a été aperçue en nombre par des chercheurs en Antarctique (55 individus contre un seul en 2018 à la même période). Ce qui montre que nos efforts peuvent payer. A condition que nous consentions à les faire.

La crise a amené les grandes puissances de ce monde a assurer leur souveraineté énergétique et donc, à investir sur les énergies renouvelables pour dépendre le moins possibles des énergies fossiles et des métaux rares. Si ils auraient pu être plus verts encore, les Plans de relance n’ont pas éludé la question climatique et la place qu’ils réservent au renforcement des économies locales laissent envisager des bénéfices pour l’empreinte carbone des unités de production.

Côté consommation, le Bio a fait un bond qui correspond à 4 ans de croissance, les circuits courts ont explosé — en grande partie au bénéfice des producteurs de l’agriculture raisonnée, les produits locaux et de saison n’ont jamais eu autant la côte et les Français ont repris le goût de la cuisine saine. Le textile et l’habillement a surement connu la mutation la plus spectaculaire, en dépit d’une chute dramatique du marché. 71% des consommateurs se disent de plus en plus intéressés par l’achat de vêtements d’occasion, ce à quoi il convient d’ajouter que 54% des leaders de la mode durable ont fait état d’un intérêt croissant de la part de leur clients envers les pratiques écoresponsables (« Covid-19 et reprise de l’économie circulaire », Fondation Ellen MacArthur). Les sites de revente comme Depop et Vestiaire Collective ont enregistré une augmentation de 150% de leurs ventes aux Etats-Unis par rapport à l’an dernier à la même période (rappelons que l’achat d’une pièce précédemment portée économise 1kg de déchets, 3000 litres d’eau et 22kg de CO2 ce qui en fait un des impacts environnementaux les plus significatifs à l’échelle d’un ménage). Les ventes de voitures à très faible émissions, électriques et hybrides rechargeables, approcherons 10% de parts de marché en France, soit 3 fois plus que l’an dernier.

Nous ne sommes qu’au début du chemin car il faudrait des conséquences équivalentes à une pandémie de COVID-19 tous les ans pour que nous puissions prétendre au respect de l’Accord de Paris.

Oui, mais désormais, malgré nos différences que nous n’avons jamais perçues aussi grandes, nous savons que tout est possible avec un peu de courage.

Cette année nous aura montré avec ironie que la nature est capable de reprendre le contrôle quand nous nous obstinons à lui imposer le nôtre.

Cette année nous aura appris l’humilité dans sa forme la plus noble, au moment où nous pensions maîtriser l’immensité de notre planète et la complexité du vivant.

Cette année nous aura appris à protéger les plus âgés et les plus faibles, et qu’au moment des grandes décisions, de celles qui marquent l’histoire d’une civilisation, notre troupeau a choisi d’avancer au rythme du plus lent.

Cette année aura confirmé la solidité de notre socle commun de valeurs humanistes, permettant une mobilisation synchrone et sans précédent de milliards d’humains pour sauver des vies.

Cette année nous aura réappris à aimer nos proches, dans une épreuve emplie de peur et d’inquiétude où s’éloigner est la plus belle façon de se dire qu’on s’aime.

Cette année nous aura rappelé que pauvres ou riches, noirs ou blancs, nous sommes soumis aux mêmes règles, ceux de la biologie humaine et de la grande aventure du vivant.

Cette année nous aura montré avec évidence que les enfants ne sont pas les plus fragiles, mais en réalité les plus résistants, non seulement au virus mais aussi aux frasques de ce monde ; en ce sens, ils constituent le plus bel espoir de notre avenir.

Cette année nous aura permis de connaître un peu mieux le prix de nos vies au moment où le sens de celles-ci nous échappait.

Alors, merci pour cette année.

Laure TERRIEN

Consultante CRM et Connaissance client 👉 Je construis et optimise vos leviers de fidélisation et améliore l'expérience client / Retail, Mode, Beauté, Luxe. Actuellement Sephora EME - dispo jan25.

3 ans

Merci pour ce texte éclairant Gregoire. Et très bonne année 2021 !

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