Le CES : Transhumance ou pèlerinage ?
INRODUCTION
Après un premier jour de CES, voici quelques pensées autour de ce voyage mythique pour tout fan de la Tech dans le désert du Nevada.
MAIS POURQUOI ENCORE ALLER AU CES ?
Avant de partir, dans ma communauté d’amis, tous conscients du drame écologique ambiant, me disaient : mais pourquoi donc 200 000 personnes, dont au moins 50 000 non-américains vont tous les ans au CES ? Pour leur expliquer, j’ai eu 2 réponses :
LA TRANSHUMANCE DU CES
En fait, le CES est d’abord un phénomène de transhumance. La plupart des exposants et des observateurs y vont pour se nourrir. C’est une migration faite sans réfléchir, plutôt par habitude, par ce que des experts du marketing nous ont inculqué au fil des années que c’était « The place to be » de la Tech. Jusqu’à la gabegie de 2019 ou plus de 250 sociétés françaises y avait fait le déplacement, avec parfois fort peu de valeur ajoutée. A tous, qui effectue ce voyage par transhumance, je conseille d’y réfléchir à 2 fois. Au-delà de l’impact écologique, le temps, l’argent et l’énergie gaspillée serait plus utile dans des projets concrets et la création de valeur dans les produits et services vendus. Dès cette première journée, j’ai été globalement très déçu par les propositions de valeur et la maturité de beaucoup de sociétés exposantes. Comme expliqué dans un de mes précédents articles, le CES se joue en septembre, dans la prise de rendez-vous avec des potentiels acheteurs, pour démontrer et négocier des ventes. Une start-up qui part avec moins de 10 rendez-vous, va s’en remettre à la chance, et noyé parmi 3600 autres start-up et le vacarme du salon, ce n’est pas toujours facile d’avoir de la chance.
LE PELERINAGE DU CES
Le CES, c’est aussi parfois avoir la foi. Il y a une foule de pèlerins qui se déplacent par ce qu’ils sont persuadés qu’ils vont trouver LA solution aux problèmes de leur société. J’ai pu assister la veille du CES à plusieurs kick-off de groupes professionnels et autres délégations de grands comptes. Beaucoup de monde, mais peu de projets concrets. A la question : avez-vous un budget pour démarrer un projet avec une start-up ou une société rencontrée ici, ou à mnima un business plan interne, une modélisation de process à améliorer, une idée concrète et documentée sur un besoin particulier, je n’ai eu que moins de 10% de réponses favorables. Lors de mes précédentes délégations, un de mes critères de performances était le nombre de projets déclenchés suite au CES. J’ai bien peur que cette année, ce critère qui était en général assez bas, ne soit pas vraiment amélioré.
J’espère me tromper que les grands de ce monde vont nous donner un sens à la Tech. Daimler nous annonce que le futur de la voiture connecté se fera via des interfaces intuitives venus de jeux vidéos
Toyota, convaincu des difficultés à mettre au point une voiture totalement autonome dans un univers non connecté pousse sa réflexion vers une smart city complètement connectée, avec de multiples cas d’usages au dela de la voiture.
Samsung tente de rattraper son retard dans les smart assistant en lançant son life companion, qui ajoute un avatar 3D à la simple reconnaissance vocale. L’avatar se construit à partir d’une simple photo et dispose d’un champ complet d’émotion pour interagir
Delta Airlines nous présente son « futur of travel », un monde ou la biométrie et la reconnaissance faciale permet d’améliorer les services liés aux voyages
Des 4 keynotes auxquelles j’ai pu assister, je ne sais pas si elles apportent assez de concret pour être comme le dit Gary Shapiro : Tech Industry Game Breaker …
VERS UNE MEILLEURE PREPARATION AU CES
Donc pour tous mes amis inquiets du climat, je me devais de préparer mon CES de la meilleure des façons. Donc cette année, point d’exposition de solutions innovantes, point de délégations à animer sans véritables projets concrets. Je suis parti dans ma besace avec 2 problèmes concrets, difficile à résoudre, qui sont financés et planifiés et qui demandent une véritable innovation que je n’ai pas trouvé dans mes contacts industriels traditionnels en France :
Comment effectuer des travaux de grande ampleur en sécurisant via l’IOT des infrastructures sous haute tension. La question est : comment s’assurer de déclencher à distance une commande de coupure électrique haute tension, et s’assurer à 100% (car la vie humaine est en jeu) que la coupure est faite, et est maintenue. Puis, comment informer de façon fiable (toujours à 100%) le technicien sur le terrain que la coupure a vraiment été faite. Le vrai souci ici c’est le 100%. Pour tous ceux qui travaillent dans des domaines sécuritaires, marier de l’IOT avec des taux de fiabilité compatible avec un risque létal en cas de dysfonctionnement, parait impossible. Nous verrons donc au CES, si les 6 sociétés que je rencontre sur ce sujet sauront me convaincre.
Comment déployer une nouvelle usine de manufacturing complexe avec un seul enjeu : diviser par trois les coûts et les délais par rapport aux méthodes traditionnelles ? La société de manufacturing a vendu une usine avec une vision de production élevé. Et désormais, il faut le faire… vraiment … Et la commence la difficulté de la mise à plat de process empiriques de manufacturing. Est-ce que les promesses de l’usine 4.0 sont à même de résoudre ce challenge : là aussi, mes rendez-vous du CES me le diront. Je m’attends au pire, car au-delà du bullshit ambiant sur l’industrie 4.0, il est difficile de faire la part des choses entre le marketing, et la performance industrielle pure. Je ne demande qu’à être convaincu.
CONCLUSION
Donc pour tous mes amis inquiets du climat, je le dis : Ce CES va être utile car il va en théorie permettre à 2 industriels nationaux de répondre à des problématiques concrètes et prégnantes. Et qu’il valait mieux que je me déplace vers les offreurs de solutions chinois, japonais, américains, coréens, suédois, allemands, plutôt que de tous les faire venir à Paris.
De plus, je ne peux m’empêcher de conclure cet article sur la belle histoire de la journée : j’ai pu voir sur le CES, la démo du produit « Perso » de l’OREAL. C’est un projet que j’ai pu démarrer il y a (tenez-vous bien) 9 ans. A l’époque, nous avions étudié la faisabilité de conjuguer les capacités des tout jeunes Iphone 4 avec des cosmétiques connectés. Malgré des mois de travail acharnés, le projet avait été arrêté car jugé peu rentable, et compliqué technologiquement. Quelle ne fut pas ma surprise, 9 ans plus tard de retrouver toutes les idées de l’époque, et même l’architecture technique, dans le produit actuel. L’innovation, suit des chemins parfois impénétrables.
Bits & Atoms | Perseverance & Humility
4 ansSalut Samir. Article top, comme d'hab! Sur les 9 ans du projet inno devenu désormais produit "qui le vaut bien", n'y aurait il pas là un learning intéressant : le temps nécessaire a une nouveauté de germer, grandir, livrer ses fruits. On veut tous aller vite, mais que nous dit le terrain, en vrai. From idea to positive ROI: 6m, 1y, 5y, 10y ?...
CTO / IoT / Blockchain
4 ansQuestion Samir Djendoubi : sur les deux problématiques bien définies, avec des enjeux clairs, est t'il pour le coup nécessaire d'aller au CES, d'autant plus les fournisseurs de solutions on été identifiés? Pour ma part, je n'y suis jamais allé, mais pour être allé pas mal de fois au MWC je vois deux type d'interêt dans ce genre de salon: - pouvoir rencontrer tout un écosysteme sur un même endroit, parfois de manière directe, parfois de manière fortuite alors que le reste du temps cela peut être très compliqué. - découvrir un panel plus large de solution et se "nourrir" d'idée, sortir la tête du gidon et regarder un petit peu les grandes tendances dans un domaine particulier. Certe, c'est peut être seulement 1 ou 2% d'idée ou de sociétés impactantes sur le business, mais finalement c'est peut être suffisant. Mais l'autre constat aussi, c'est qu'il ne faut pas en abuser!
Product & Solutions Manager Smart Building & Data Center
4 ansMerci Samir cette année pas de CES trop etait decu de celui de 2019 Bon #ces2020
International Development || Impact || Telecom Networks || Satellite || Infrastructure || Space
4 ansMerci Samir. Bon CES2020. Assez impatient d'en savoir plus à ton retour et de séparer le bon grain de l'ivraie et du reste.
Consultant associé chez Numéthique
4 ansJe savais que je pouvais compter sur toi pour un résumé sincère ! J’ai hâte de connaître les réponses à ta première question 🤔 et je regrette de ne pas être présent pour entendre parler de garantie 100% ou peut être même de « temps réel »