Mobilité des zones rurales et des périphéries des agglomérations : éviter l’échec de la LOM
La Loi d'Orientation des Mobilités (LOM) présentée le 26 novembre dernier vise à répondre aux deux grands enjeux partagés lors des assises :
1. Fournir des alternatives à la voiture pour les périphéries proches ou lointaines des centres d’emplois, qui se concentrent dans les grandes agglomérations
2. Offrir des solutions en zones rurales à ceux qui ne peuvent pas ou plus conduire
Sur le 1er point les solutions sont connues, en attendant de résoudre les problèmes d’infrastructures ferroviaires et la mise en concurrence de la SNCF dont les couts prohibitifs amputent le budget des régions :
- Renforcer l’offre de transport en commun depuis les périphéries vers les zones d’emplois, actuellement près de 10 fois inférieure aux besoins, avec le déploiement rapide de cars express aux heures de pointes
- Aménager très en amont des agglomérations des parcs relais en masse (il faudrait multiplier l’offre par 40) et des voies réservées pour le transport en commun et le covoiturage, pour aller plus vite que la voiture individuelle
- Développer des solutions numériques de covoiturage et de pass tous modes permettant d’accéder de manière simple à tous les services de mobilité via un support unique
Sur le second point, la mesure phare est celle de « taxi amateur » permettant aux AOM de fournir un service de TAD 5 fois moins coûteux qu’actuellement, sans préjudice de concurrence avec les taxis quasiment inexistants en zones rurales. Donc à budget constant 5 fois plus de services qu’actuellement !
Le grand paradoxe c’est la marche arrière opérée lors des arbitrages ministériels et de la crise des gilets jaunes sur ces solutions :
- Exit le contrat opérationnel de mobilité, obligeant Régions et agglomérations à se coordonner pour déployer des alternatives pour les périphéries. Sans cela aucune chance que les périphéries des agglomérations puissent disposer d’alternatives à la voiture
- Exit aussi la possibilité de leur financement via le péage urbain light (tarification faible, possibilité d’exonération des publics fragiles), indispensable pour réaliser ce package de mobilité en quelque années et pas en quelques décennies
- Exit la disposition de « taxi amateur » enlevée par crainte de la réaction des taxis, laissant les élus ruraux devant un désert de solutions abordables pour leurs finances.
Sans ces 3 dispositions clés, la LOM rate totalement sa cible et sera une grande désillusion après les remarquables assises de la fin 2017. Seule la SNCF, priorisée au détriment de la LOM début 2018 aura tiré son épingle du jeu avec la réforme ferroviaire. Les français, en particuliers ceux qui manifestent actuellement, resteront ils les grands perdants de l’affaire ?
Dès lors, rien d’étonnant à ce que la communication ministérielle soit fortement axée sur les innovations et le numérique. Ce alors que le soufflé sur le sujet est en train de retomber avec la faillite et les difficultés d’opérateurs qui ne trouvent pas leurs modèles économiques ni leur efficacité. 1500 et 2000 voyages par jour : voila le bilan toutes plateformes confondues du covoiturage en Ile de France en pleine grève SNCF et avec un financement public de 2€/voyage ! L’échec est patent. Ces solutions ne fonctionneront que s’il y a un travail simultané sur l’infrastructure (voies réservées) dont la gestion est éclatée entre un nombre trop grand d’acteurs (Etat, sociétés d’autoroute, conseil généraux, intercommunalité, communes), sur les transports publics, le numérique.
La direction générale du trésor a récemment produit les éléments économiques sur la voiture et ses impacts sur la société qui viennent renforcer l'analyse : la voiture en zone rurale, outre qu’elle est une solution et pas un problème, couvre 120% de ses coûts, y compris environnementaux, alors qu’en ville le ratio est de 10% ! En toute logique il faudrait donc augmenter fortement le prix de l’essence dans les grandes agglomérations : cela ressemble fort à un péage urbain. Non pour punir les automobilistes mais pour financer rapidement les alternatives à la voiture et une fois ces alternatives en place, déployer les péages urbains. Cela permettra d’éviter d’augmenter les impôts en faisant financer ces alternatives par les usagers automobilistes qui ne voudraient pas les utiliser, et en exonérant les plus faibles de la mesure.
Efficacité et justice fiscale sont bien possibles (le fameux "en même temps") pour peu qu’on ait la pédagogie et le courage politique.
Aux élus et au gouvernement de redresser la barre lors des débats parlementaires sauf à ce que la LOM finisse au placard des lois ayant été détricotées par les nombreux conservatismes (publics et privés) n'ayant en tête que la préservation de leur rente ou situation.
La mobilité va être l'un des grands enjeux des prochaines élections (européennes, municipales, régionales). Le mouvement des gilets jaunes en donne un avant gout. Soit on propose de vraies solutions aux français soit on se réfugie dans la facilité avec des mesures qui ne changeront rien ou si peu aux problèmes actuels. Ce serait alors ouvrir la voie aux populistes pour notre plus grand malheur à tous et des plus fragiles en particulier.