Mode : vers la fin de la fast fashion ?

Mode : vers la fin de la fast fashion ?

La fast-fashion (en français : mode éphémère ou collection éclair), c’est la mode du jetable : des vêtements conçus, réalisés et mis en vente dans des temps records, et voués à ne pas être portés bien longtemps. Cette conception pousse les consommateurs à acheter toujours plus, en proposant toutes les semaines de nouveaux modèles à des prix plus qu’attractifs.

Or l’industrie textile fait partie des plus gros pollueurs au niveau mondial. D’après l’ADEME en 2050, le secteur textile émettrait même 26 % des émissions globales de gaz à effet de serre si les tendances actuelles se poursuivaient. Et des catastrophes comme celles du Rana Plaza nous rappellent régulièrement les conditions de travail désastreuses dans lesquelles ces vêtements sont fabriqués.

Nous avons interrogé à ce sujet Christophe de Villeblanche, jeune entrepreneur dont l’entreprise prône justement de rompre avec cette conception de la mode et du prêt-à-porter.

No alt text provided for this image


Pour conjurer les excès de la "fast fashion", Christophe de Villeblanche prone un artisanat français de qualité.

La crise covid-19 a chamboulé le monde depuis le début du printemps.

Christophe de Villeblanche, vous êtes le fondateur de la marque Le Chic Français Comment avez-vous vécu cet épisode ?

 

Durant les confinements, nos quelques dizaines de points de vente ont tous été fermés. Il a fallu adapter notre stratégie digitale afin de favoriser bien davantage la visibilité de nos gammes. Nous espérons ainsi compenser l’absence de vente en magasin par la vente en ligne.

Nous avons donc fait un gros effort pour accroître la visibilité numérique du Chic Français : nous sommes présents sur l'ensemble des réseaux sociaux, dont Facebook, Instagram, Twitter et LinkedIn. Nous vendons également au travers de plateformes et boutiques spécialisées dans les produits de fabrication française, ainsi qu'au travers de marques comme La Carte Française et les nouvelles Smart Box « Made in France »... Nous espérons ainsi mieux compenser le manque à gagner considérable en fin d'année. D'autant plus que c'est la troisième fin d'année fortement perturbée pour les commerces, après les grèves de la réforme des retraites et les gilets jaunes !

 Il est à la mode de dire qu’il y aura un « avant » et un « après » Covid, qu’en pensez-vous pour votre secteur d’activité ?

 Les français se sont rendu compte de l’état de dépendance de notre pays, face à la Chine notamment, au travers de la pénurie initiale d’équipements aussi basiques que les masques, ou encore des ruptures de matières premières, ou des difficultés d'acheminement…

Ils semblent prendre conscience que ce modèle de consommation de masse, peu onéreux, peu durable, a de nombreux effets pervers, dont ceux que nous avons connus au plus fort du confinement.

En vérité, ce qui s'est passé conforte la perception que les modes de consommation sont en train de changer : il semble y avoir un engouement pour échanger quantité contre qualité, «consommer moins, mais consommer mieux", en quelque sorte... 

 Et selon vous, comment cette tendance se manifeste t’elle, en particulier dans votre secteur ?

Ce désir de changement se traduit notamment par la recherche de circuits courts; de la production sur notre sol, avec son cercle vertueux tant au niveau environnemental : impact carbone beaucoup plus faible, normes respectées, que social : des emplois maintenus ou créés en France, donc moins de chômage, et des entreprises payant des impôts en France. C’est très vrai dans des secteurs comme l’alimentation, mais on commence aussi à le sentir dans un secteur comme le nôtre, celui du prêt-à-porter. L’évolution qui commence pourrait avoir raison d'un système qui s'essouffle : celui de la surconsommation effrénée et de la production toujours plus grande et aux antipodes, qui profite à des producteurs à l’autre bout de la planète, le plus souvent dans des conditions sociales déplorables. 

Quand on voit des T-shirt ou des pantalons vendus en masse dans les grandes chaînes parfois à 4 ou 5€, il faut se demander combien sont payés les travailleurs pour fabriquer ces articles "à usage unique" qui ne seront portés guère plus de 3 fois avant d’être déformés, boulochés ou passés de mode.

 Certains estiment qu’aujourd’hui l’overdose de produits saisonniers ne rime plus à rien. Prédiriez-vous une fin de la "fast-fashion" ? 

S’il y a quelques années nous ne jurions que par la fast-fashion, aujourd’hui, les choses sont en train de changer, un mouvement de fond s’est amorcé. Comme je l’évoquais à l’instant, les questions environnementales sont devenues une priorité et même l’univers de la mode évolue : en Europe, les fashion weeks se mettent au vert. Les consommateurs veulent plus de mode éco-responsable, de fabriqué localement, d'upcycling, voire vintage et seconde main. À ce sujet, on peut citer l’exemple du succès spectaculaire de Vinted avec ses 12,5 millions d’abonnés en France.

Il y a, néanmoins, un écart entre l’intention et l’action des consommateurs : une partie d'entre eux tient bien sûr à conserver l'accès à des collections de vêtements abordables renouvelées continuellement. Donc, la fin de la "fast-fashion", probablement pas tout à fait, mais une évolution vertueuse des mentalités ; certainement ! 

Après, il y a le jeu des masses critiques ... quand un nombre suffisant de personnes modifie son comportement, la majorité silencieuse suit le mouvement. Espérons que ce moment soit proche. 

 

Compte tenu des prix parfois élevés, ne craignez-vous pas qu'une crise économique soit un frein pour le développement du Made in France? 

Forcément, le "fabriqué en France", c’est généralement un petit plus cher, mais au final les vêtements bon marché qui se déforment au bout de trois lavages, mal coupés sont plus coûteux à long terme que ceux de meilleure qualité. Ainsi, nous devons faire œuvre de pédagogie auprès du consommateur, en expliquant ce qui fait la qualité de nos produits afin qu’il inscrive ses achats dans un cycle de vie beaucoup plus long, plus en phase avec le besoin d’économie durable qui émerge de plus en plus...

 Made in France rime forcément avec qualité, selon vous ? 

Dans notre secteur, fabriquer en France coûte 3 à 8 fois plus cher qu'en dehors de nos frontières, c'est un fait. Mais la différence à la caisse se justifie par la différence de qualité. Ainsi, l'idée est bien d'offrir un produit qui se démarque du tout-venant : durable et de haute qualité. En effet, de mon point de vue, cela fait longtemps qu'il n'y a plus aucun sens à fabriquer en France un produit de qualité basse, voire même moyenne, qui n'aurait pas la moindre chance d'être compétitif.

De plus, je pense qu'il est indispensable de communiquer sur la fabrication, et la provenance des matières. Non seulement on fait preuve de la transparence qu’attend le consommateur, mais, en lui présentant clairement d’où viennent les produits et à qui leur achat profite, on l’incite à faire un achat objectivement utile aux petites et moyennes entreprises qui constituent le terreau économique de notre pays.

Comment traduisez-vous ce désir de durabilité dans les collections du Chic Français ? 

Nous avons fait le choix de faire certifier, au fur et à mesure, nos gammes "Origine France Garantie" par l'AFNOR. Nous faisons travailler des usines et des ateliers pratiquement tous labellisés "Entreprise du Patrimoine Vivant". Ils sont les conservatoires d’un savoir-faire familial, encore menacé il y a peu, mais que la tendance actuelle peut permettre non seulement de sauver, mais de lui donner un nouvel élan. 

Avec eux, à l’inverse de la fast fashion, nous avons opté pour des cahiers des charges privilégiant des matières naturelles, le soin apporté aux finitions, et l’agrément de détails originaux qui nous « démarquent ». 

 Pour mes collaborateurs et moi, comme pour nos fournisseurs, "chic" et "indémodable" ont un lien. Une belle pièce, on ne s’en lasse pas, on la garde, même dans 5 ou 10 ans, on doit pouvoir la reporter. Pour cela elle se doit d’être d’une grande qualité tant au plan esthétique que technique, dans sa conception et dans sa réalisation. Avec, cerise sur le gâteau, le sentiment d’être utile aux entreprises françaises, et d’œuvrer à la préservation de notre environnement !

Finalement, qu'y a t'il de plus écologique que l'indémodable ?


Comme toi, surtout que tu es clair et persuasif.

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets