Mon décryptage à la volée de l’ordonnance de l’Ordonnance n° 2020-313 du 25 mars 2020 (Mesures pour les ESMS liées à la crise Covid 19)

Ordonnance n° 2020-313 du 25 mars 2020 relative aux adaptations des règles d'organisation et de fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux.

Commentaire : Cette ordonnance aspire avec plus ou moins de réussite à sécuriser juridiquement ce qu’ont dû mettre progressivement en place les gestionnaires d’ESMS dans de la cadre de la gestion de la crise Covid 19. Si bien sûr, on peut en regretter le caractère tardif et le caractère peu opérationnel de quelques mesures, elle a l’immense mérite de donner un repère ou une boussole aux gestionnaires confrontés au quotidien à l’adage « nécessité fait loi » et de les rassurer sur le maintien des dotations , même s’il convient d’être prudent quant aux modalités de l’exécution de ces dispositions une fois la crise passée, notamment au moment de l’instruction des comptes administratifs…

Article 1 :

« I. - Par dérogation aux dispositions du chapitre III du titre 1er du livre III du code de l'action sociale et des familles : »

Commentaire : Il s’agit bien sûr de mesures dérogatoires et temporaires qui n’ont vocation à durer que pendant la durée de la crise. En creux, cela met en lumière le caractère extrêmement encadré habituellement de la gestion des ESMS en raison de la fragilité de publics accueillis.

« 1° Les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi que les lieux de vie et d'accueil mentionnés au III du même article peuvent, en veillant à maintenir des conditions de sécurité suffisantes dans le contexte de l'épidémie de covid-19, adapter leurs conditions d'organisation et de fonctionnement et dispenser des prestations non prévues dans leur acte d'autorisation, en dérogeant aux conditions minimales techniques d'organisation et de fonctionnement mentionnées au II de l'article L. 312-1 du même code, en recourant à un lieu d'exercice différent ou à une répartition différente des activités et des personnes prises en charge. Ils peuvent aussi déroger aux qualifications de professionnels requis applicables, et, lorsque la structure y est soumise, aux taux d'encadrement prévus par la réglementation, en veillant à maintenir des conditions de sécurité suffisantes dans le contexte de l'épidémie de covid-19 »

Commentaire : A condition de garder un minimum de sécurité (ce qui laisse néanmoins une large part à l’interprétation, et donc à une certaine solitude du gestionnaire et surtout de son directeur d’établissement, même si les autorités de contrôle sont censées valider ce niveau de sécurité cf. infra), face aux contraintes du COVID 19 et de pénurie de personnels, les ESMS sont autorisés à déroger aux conditions techniques minimales de fonctionnement, aux exigences de qualification et aux taux d’encadrement prévus par le CASF.

Ainsi par exemple pour les EHPAD, le formalisme de la procédure d’admission peut a priori quasiment disparaître, et les exigences de pluridisciplinarité des équipes et de qualifications des personnels notamment pour les PASA et les UHR peuvent être très allégées en envisageant notamment de recourir à des personnels éducateurs (rendu pour certain plus disponible en raison de la suspension de l’activité d’accueil de la majorité des établissements du secteur de l’enfance handicapée) ou à des étudiants pas encore diplômés, voire à toutes les bonnes volontés…


2° Les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés au I de l'article L. 312-1 du même code peuvent accueillir ou accompagner des personnes même ne relevant pas de la zone d'intervention autorisée prévue à l'article L. 313-1-2 de ce code, pour une prise en charge temporaire ou permanente, dans la limite de 120 % de leur capacité autorisée, en veillant à maintenir des conditions de sécurité suffisante dans le contexte de l'épidémie de covid-19 ;

Commentaire : Les SAAD intervenant auprès des usagers APA et PCH peuvent en sus augmenter leur activité à 120% et intervenir au-delà du périmètre fixé par l’autorisation. A priori, ce sera peu utilisé du fait de la baisse globale de la demande des SAAD en raison notamment de la crainte des usagers à être contaminés par les intervenants et l’arrêt des interventions de « confort ».

Additif (27 mars 2020) - Après échanges et relecture, et même si un doute demeure, on peut comprendre le §2 de la manière suivante : tous les ESMS peuvent aller à 120% de leur capacité et les SAAD peuvent en sus aller au delà de leur périmètre d'intervention.

3° Les établissements mentionnés au 7° du I du même article L. 312-1 du même code peuvent accueillir des adolescents de 16 ans et plus, en veillant à maintenir des conditions de sécurité suffisante dans le contexte de l'épidémie de covid-19 ;

Commentaire : Les établissements pour adultes handicapés peuvent accueillir des mineurs de plus de 16 ans. En l’espèce, on est sur une dérogation relativement conservatoire qui s’explique par l’histoire du secteur et la force du principe de séparation des secteurs enfance et adulte. Cette disposition est d’ailleurs plus certainement à mettre en relation avec la disposition suivante et permet de fixer le cas échéant par exemple une modalité de répartition des mineurs non accompagnés.

4° Les établissements mentionnés aux 2° et 7° du I du même article L. 312-1 du même code peuvent accueillir des personnes prises en charge par les établissements mentionnés au 1° du I du même article L. 312-1 lorsque ceux-ci ne sont plus en mesure de les accueillir dans des conditions de sécurité suffisante dans le contexte de l'épidémie de covid-19 ;

Commentaire : les établissements pour enfants et adultes handicapés peuvent venir en soutien des établissements ASE en accueillant leur public. C’est une disposition salutaire et de bon sens, au regard notamment de la suspension de l’activité d’accueil de la majorité des établissements du secteur de l’enfance handicapée, et de la qualification et des compétences proches de leurs personnels.

5° Les établissements mentionnés aux 2°, 5° et 7° du I du même article L. 312-1 du même code qui ne sont plus en mesure d'accueillir dans des conditions de sécurité suffisantes dans le contexte de l'épidémie de covid-19 les personnes handicapées peuvent adapter leurs prestations afin de les accompagner à domicile, en recourant à leurs personnels ou à des professionnels libéraux ou à des services mentionnés aux 2°, 3°, 6° et 7° du I du même article L. 312-1 du même code qu'ils rémunèrent à cet effet.

Commentaire : Cela sécurise la suspension de l’activité d’accompagnement habituelle notamment en matière d’accueil sur site et/ou d’enseignement pour y substituer temporairement des accompagnements et un soutien à distance.

II. - Les admissions dans les établissements et services mentionnés au I et au III de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles prises en application du I du présent article peuvent être prononcées en l'absence d'une décision préalable d'orientation par la commission mentionnée à l'article L. 241-5 du même code.


Il peut être dérogé à la limitation à quatre-vingt-dix jours de la durée annuelle de l'accueil temporaire dans une structure médico-sociale pour personnes handicapées, fixée en application de l'article L. 314-8 du même code.

Commentaire : Nous dirons pudiquement que les délais de décisions des CDAPH apparaissaient comme peu compatibles avec le fonctionnement en gestion de crise.

III. - Les adaptations dérogatoires prévues au I sont décidées par le directeur de l'établissement ou du service après consultation du président du conseil de la vie sociale et, lorsque la structure en est dotée, du comité social et économique.

Le directeur informe sans délai la ou les autorités de contrôle et de tarification compétentes et, le cas échéant, la commission mentionnée à l'article L. 241-5 du code de l'action sociale et des familles des décisions d'adaptation dérogatoire qu'il a prises. Si la sécurité des personnes n'est plus garantie ou si les adaptations proposées ne répondent pas aux besoins identifiés sur le territoire, l'autorité compétente peut à tout moment s'opposer à leur mise en œuvre ou les adapter.

Commentaire : Ces adaptations dérogatoires sont de la responsabilité du directeur d’établissement. Cela paraît conforme au mode de gestion de crise, mais sur le plan juridique il aurait été plus juste de renvoyer à la responsabilité du gestionnaire (titulaire de l’autorisation) et en fonction du document unique de délégation au personnel en charge de la sécurité des personnes de l’établissement. Cette approximation est sans grandes conséquences, puisque dans la pratique les DUD confient quasi systématiquement la responsabilité de la sécurité des biens et des personnes au directeur de site.

Le président du CVS et CSE doivent être consultés. En pratique la disposition paraît peu opérationnelle, du moins si l’on interprète au sens strict du droit du travail l’expression « consultation ». Disons a minima qu’il convient d’informer officiellement le CSE des mesures d’adaptations et que celles-ci doivent faire obligatoirement l’objet d’un échange sous quelque forme que ce soit avec ses membres.

Enfin, ces adaptations doivent être transmises aux autorités compétentes qui peuvent s’y opposer. Le caractère opérationnel de cette disposition reste à démontrer tant l’ensemble des acteurs paraissent actuellement débordés. Néanmoins, cela rappelle le caractère dérogatoire des mesures, l’importance d’un lien régulier entre gestionnaire et autorité si ce n’est que par téléphone (aucune forme n’est prescrite) et a l’avantage de « partager » la responsabilité de la sécurité de ces adaptations avec les autorités (il est d’ailleurs dans l’intérêt du gestionnaire de faire autant que faire se peut une transmission écrite par mail, par exemple du compte rendu de la consultation CSE).

 IV. - En cas de sous-activité ou de fermeture temporaire résultant de l'épidémie de covid-19, le niveau de financement des établissements et services mentionnés au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles n'est pas modifié. Pour la partie de financement des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés au I du même article L. 312-1 qui ne relève pas de dotation ou de forfait global, la facturation est établie à terme mensuel échu sur la base de l'activité prévisionnelle, sans tenir compte de la sous-activité ou des fermetures temporaires résultant de l'épidémie de covid-19.

Commentaire : Les versements mensuels par 1/12ème des dotations et des forfaits ARS ou Département sont maintenus. Cette disposition était très attendue de la part des gestionnaires et écarte donc de facto tout recours au dispositif d’activité/chômage partiel. Elle apporte de la sérénité dans un moment de crise. La situation concernant la facturation au département des prix de journées hébergement ou des heures d’intervention SAAD des usagers à l’aide sociale et/ou à l’APA à domicile mérite certainement d’être précisée voire confirmée. Le cas échéant cela permettrait peut-être également d’éviter le recours au chômage partiel également pour les SAAD PA et PH.

Enfin, la portée complète de ces dispositions ne pourra être pleinement appréciée qu’au moment de l’instruction des comptes administratifs en N+2.

Les délais prévus dans les procédures administratives, budgétaires ou comptables relevant des droits et obligations des établissements sociaux et médico-sociaux fixés aux chapitres III, IV et V du titre Ier du livre III du même code, expirant à compter du 12 mars 2020 et jusqu'à la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, le cas échéant prolongé dans les conditions prévues par cet article, sont prorogés d'un délai supplémentaire de quatre mois.

Commentaire : Le report de 4 mois de l’ensemble des échéances budgétaires et comptables (Notamment transmission des CA et des EPRD) intervenant pendant la crise était inévitable tant pour les gestionnaires que pour les autorités…Là aussi c’est une mesure de bon sens, même si cela promet des mois de mai et juin particulièrement chargés sur le plan administratif, sans parler des calendriers CPOM.

Par dérogation aux dispositions des articles L. 313-12 IV ter, L. 313-12-2 et L. 314-2 du même code, il n'est pas procédé en 2021 à la modulation des financements en fonction de l'activité constatée en 2020.

Commentaire : Pas de modulation à l’activité en 2021 au titre de l’année 2020.

V. - Par dérogation à l'article L. 243-4 du code de l'action sociale et des familles, en cas de réduction ou de fermeture d'activité résultant de l'épidémie de covid-19, l'écart de financement entre le niveau en résultant et le niveau antérieur de la rémunération garantie des travailleurs handicapés est compensé par les aides au poste versées par l'Etat.

Commentaire : Le maintien des aides au poste est une très bonne nouvelle et va permettre de couvrir une bonne part de la perte de chiffre d’affaires des sections commerciales des ESAT, mais malheureusement il existe d’autres charges que celles de personnels : amortissements, frais financiers…

Article 2

I. - A l'exception des dispositions du dernier alinéa du IV de l'article 1er, les dispositions prévues à l'article 1er sont applicables à compter du 12 mars 2020 et jusqu'à la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, le cas échéant prolongé dans les conditions prévues par cet article. Les mesures prises en application de ces mêmes dispositions prennent fin trois mois au plus tard après la même date.

II. - Les dispositions prévues au dernier alinéa du IV de l'article 1er entrent en vigueur au 1er janvier 2021.

Article 3

Le Premier ministre, le ministre des solidarités et de la santé, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et la secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l'application de la présente ordonnance, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Jaouad HENOUN

Directeur du Pôle Travail accompagné chez LADAPT Normandie

4 ans
Emmanuel Borde

Directeur de l'antenne Rennes Adultes de l'APASE 35

4 ans

On me glisse dans l'oreillette qu'une instruction ministérielle serait en préparation à la DGCS pour expliciter cette ordonnance, parution normalement la semaine prochaine...

Emmanuel Borde

Directeur de l'antenne Rennes Adultes de l'APASE 35

4 ans

Un immense merci à toi pour ces infos extrêmement précieuses dans la période !

Nicolas Julien

Directeur Général Adjoint en charge Des Solidarités chez Département du Gard

4 ans

Merci à vous deux pour vos remarques

Nicolas Julien

Directeur Général Adjoint en charge Des Solidarités chez Département du Gard

4 ans

Puis si toutes ces mesures ne suffisent pas, depuis ce matin le représentant de l'Etat dispose si nécessaire désormais du pouvoir de réquisition de tout l'ESMS : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041746694&dateTexte=20200327

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