Ne "Boudon"​ pas notre plaisir

Ne "Boudon" pas notre plaisir

Les joies du confinement, de la psychose générale, et disons-le, du désœuvrement auquel me pousse ma baisse (mon arrêt, appelons un chat un chat) d’activité me font traîner plus que de raison sur les réseaux sociaux (Facebook, pour ne pas le nommer).

Le bonheur y étant simple comme un post polémique, je m’amuse (on fait ce qu’on peut) à lire tout et n’importe quoi. Et plus particulièrement les posts sur les supermarchés dévalisés. Entre ceux qui prévoient de manger des pâtes jusqu’en 2025, ceux qui s’enorgueillissent de pouvoir faire le siège de leurs toilettes (navré pour l’expression 😊) pendant au moins 3 mois sans discontinuer, le plaisir d’observer la bêtise humaine est à la fois délicieuse et consternante.

Ayant voulu constater par moi-même la réalité des photos que je voyais, je me suis décidé hier, en fin d’après-midi, à partir faire mes courses de manière habituelle (avec pour seul objectif une liste hebdomadaire classique, sans aucune notion de survivalisme).

Et là, stupeur. Tout était vide.

Histoire de ne pas ajouter de polémique stérile aux polémiques existantes, je ne vais pas essayer d’analyser la stupidité de ceux qui croient la fin du monde (ou tout du moins la pénurie générale) proche.

Non, je vais vous parler d’un certain Raymond Boudon, qui, en bon Nostradamus de la sociologie, aurait pu prédire les scènes dont nous sommes tous témoins aujourd’hui. Mais qui était ce bon vieux Raymond ? Bon, en deux mots, Raymond Boudon était un sociologue français, né le 27 janvier 1934 à Paris et mort le 10 avril 2013. Il était surtout le chef de file du courant de l'individualisme méthodologique dans la sociologie française.  Et c’est là où le lien entre lui et des supermarchés vides.

Bon, je préviens, les sociologues chevronnés risquent de saigner des yeux, car je vais vulgariser sa pensée. En même temps, ma licence de sociologie date un peu (pouf pouf).

Un des éléments qui a rendu célébère le père Boudon, c’est la notion d’effet pervers. C’est un processus par lequel une multitude d’actions individuelles, censées bénéficier à chaque acteur, créé un effet collectif inverse. L’exemple le plus basique est celui qui concerne beaucoup de monde à chaque début de vacances. Vous savez que samedi est une journée noire selon Bison Futé. En personne « rationnelle », vous décidez donc de partir le vendredi soir. Malin, non ? Pas tant que ça, dès l’instant où d’autres personnes auront eu la même idée. Bref, pour éviter un effet collectif néfaste (les bouchons du samedi), on prend une décision individuelle bénéfique inverse (partir un jour avant). Et ça créé un bouchon le vendredi.

Donc, pour éviter un phénomène hypothétique de pénurie collective, des individus décident d’anticiper cette situation, et qui, par leurs actions individuelles cumulées, créent malgré eux une pénurie.

La bonne nouvelle, dans tout ça, c’est que, lorsque vous irez (par nécessité) tenter d’aller alpaguer la dernière boîte de thon de votre supermarché préféré, et que votre voisin de caddie soufflera de rage dans son masque improvisé avec un foulard en soie (ou en coton, de toute façon un foulard qui ne sert à rien), dans une file d’attente en caisse de 50 mètres, vous pourrez (en maintenant un mètre de distance de sécurité, bien sûr), lui glisser : « Et Raymond, il en pense quoi ? ». Effet garanti. Ou pas.

En attendant, je ne sais pas pour vous, mais me concernant, je vais retourner faire du suivi pédagogique avec mes enfants (le bonheur à l’état brut, les autres parents comprendront), et réfléchir à la manière de rédiger des phrases moins longues la prochaine fois 😊.

Bon confinement à tous. 

J'adore ton article, je travaille actuellement dans un intermarché et c'est assez dur, je travaille de nuit je fais du 22h 8h du matin. Je passe mes journées à dormir. Mes parents (patron du magasin) sont exténués, ils mangent vers 15h un bout de pain et de jambon et restent en caisses, font respecter les limites d'achats et j'en passe, vivement que cette crise prenne fin. :)

Bertrand GIRARD

Contrôleur de gestion magasin chez Castorama France

4 ans

... les phrases longues, j'adore.

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