Notre-dame de Paris, défiscalisation et willingness to Pay.

Après la destruction partielle d’un joyau de notre patrimoine vient naturellement l’appel aux dons et contributions des particuliers ou des entreprises pour financer les réparations.

Et l’on assiste à un petit ballet autour de la déductibilité des impôts. 

JJ Aillagon, ancien ministre de la culture, préconise le jour même d’étendre le champ d’un des dispositifs qu’il a créés, permettant de déduire 90% des montants donnés. Allez-y les gars, on rase gratis.

La réalité est que, selon l’impôt (entreprise, particuliers, ISF), on pourra déduire de 60 à 75%, dans certaines limites bien entendu, d’ailleurs assez faibles pour une entreprise (10 000 € ou 0,5% du CA HT si j’ai bien compris, ce qui dans les faits instaure une déduction maximale de 10K€). 

De l’autre coté, la famille Pinault fait savoir qu’elle ne fera pas valoir ses droits à la déduction fiscale. Si c’est limité à 10 K€ alors qu’ils s’engagent sur 100 m€ on les comprend. Une remise de 0,001 %. Euh, gardez la monnaie s’il vous plait, cela m’encombre !

Mais peu importe, l’essentiel n’est pas là :

Il y a deux éléments relatifs au pricing dans cette affaire :

La willingness to pay (propension à payer) et la fairness (équité). 

 On peu imaginer que nombre de contribuables seraient, comme la famille Pinault, enclins à donner sans recourir à la déductibilité fiscale.

La leur offrir, c’est comme donner une remise que le client peut choisir d’actionner ou non, alors qu'il ne la demande pas. Gageons pourtant que beaucoup l’utiliseront.

On a laissé de l’argent sur la table, comme on dit et peut-être pour une une faible augmentation du montant des dons récoltés (je m’avance peut-être un peu loin en disant cela).

On sait que la déduction fiscale peut-être un moteur puissant (les ONG subissent le contrecoup de la refonte de l’ISF).

Mais quand on lève 1 milliard en 2 jours, on peut envisager l’hypothèse que le moteur fiscal est juste un petit appoint. C’est l’émotion qui parle, et l’émotion, comme l'urgence, sont rarement associées à la recherche d’un prix bas. 

Et l’équité ?

Et bien, vous êtes traités différemment si vous ne payez pas d’impôts. Donnez 100 €, mais pour vous pas de remise (et ce cas est très répandu si mon hypothèse ci-dessus est juste).

Vous êtes un petit client ? Vous n'avez pas de remise. ça fait sens dans le commerce. Pas trop dans ce cas précis.

Il y a également un second point de non équité (commun à tous les dons déductibles des impôts) : votre décision de défiscaliser déclenche une baisse des recettes de l'état et affecte toute la communauté. Dans quel budget de dépense faudra t-il couper ?

Un peu comme si la direction marketing dérapait dans un promotion mal ficelée, et que cela aboutissait à la réduction de la force commerciale.

Désolé d’avoir réduit un sujet d’importance à des comparaisons beaucoup plus triviales. Mais enfin, cette question de la déduction fiscale me travaille un peu.

 Philippe Plunian