Une idée reçue qui s’écroule : « ne dites surtout pas aux gens qu’ils sont aidés par un algorithme d’intelligence artificielle ».
Nous aidons nos clients à tirer le meilleur parti d’applications logicielles spécialisées dans la détermination du prix pertinent ou dans les recommandations d’actions commerciales (cross-selling,préventiondu churn,..). Ces applications utilisent des algorithmes d’intelligence artificielle.
Beaucoup de nos clients, et parfois les équipes de l’éditeur elles-mêmes, hésitent sur le fait de parler d’Intelligence Artificielle aux futurs utilisateurs. Notamment au prétexte que cela perturberait voire ferait fuir les commerciaux (la technologie et eux, ça fait deux).
Pourtant, une expérience publiée récemment sur HBR (Harvard Business Review) vient bousculer nos idées reçues.
L’expérience : demander à un panel de personnes de se livrer à des prédictions quantifiables (estimer la probabilité qu’un événement géopolitique survienne ou que Tesla atteigne tel objectif,..).
Après que chaque personne ait donné une première estimation, il lui a été proposé de prendre un avis externe, présenté comme venant soit d’un expert, soit d’un algorithme d’intelligence artificielle. Une récompense monétaire était offerte pour ceux dont la prédiction s'approcherait le plus du résultat réel.
Les chercheurs ont établi une mesure de la prise en compte, par les personnes, de l'avis externe (0 = ignore, 0,5 = s'ajuste partiellement, 1 = s'ajuste exactement) et ont comparé les résultats selon deux dimensions : l’âge, l’aisance avec les chiffres.
Ils ont également testé, sur une prédiction particulière, les réactions selon que les personnes étaient expertes ou non du domaine.
Les résultats sont intéressants :
- En général, les personnes font plus confiance à l’avis d’un algorithme d’intelligence qu’à celui d’un expert (c’est-à-dire qu’ils tiennent plus souvent compte d’un avis présenté comme venant d’un logiciel d’IA).
- L’âge n’a pas d’influence sur le résultat (pas d’effet millennial ou senior réticent).
- Plus les gens sont à l’aise avec les chiffres, plus ils font confiance à l’IA.
- Les experts ont tendance à ignorer les avis externes, qu’ils soient présentés comme venant d’une IA ou d’un autre expert.
Ce dernier point est corroboré par une autre étude réalisée par la même équipe: une personne qui a une forte confiance en son propre jugement, s'y fiera en priorité puis considèrera une information venant d'un algorithme. En dernier viendra le jugement d’autrui.
Conclusion des chercheurs : les entreprises visant le grand public comme Netflix, Amazon ou autres ont plutôt raison d’être transparentes sur le rôle des algorithmes et de l’IA dans leurs interfaces client. Car il n'y pas d'aversion ou de crainte vis-à-vis de cette technologie.
Revenons-en à notre population commerciale. Quels enseignements peut-on tirer de cette étude ?
A notre sens, principalement ceux-ci :
- les commerciaux auront peut-être une certaine réticence à tenir compte de recommandations produites par un logiciel d’Intelligence Artificielle
- cette réticence tient beaucoup au fait qu’ils ont confiance (à tort ou à raison) dans leur propre jugement car il s’agit de leur pré carré (connaissance des clients, des marchés, des transactions). La réticence n'est pas liée à une supposée méfiance vis à vis des algorithmes.
- un point d’attention reste le profil de la force de vente et de ses pratiques (plus ou moins traditionnelles), qui pourra venir nuancer le point précédent, sans toutefois le remette en cause.
Ayant établi que le nœud du « problème » est la confiance qu’on les commerciaux dans leur propre jugement (parce qu'il s'agit, finalement, de leur domaine d'expertise), le fil rouge d’une pédagogie sur les populations commerciales pourrait tenir sur deux axes :
Transparence sur la nature du problème et le rôle des algorithmes.
L'IA au service du pricing et des actions commerciales est pertinente pour traiter un grand nombre de données : une base client très importante, des gammes de produit très larges, des millions de transactions.
Le problème est donc de nature profondément analytique. Un terrain qui n’est pas le plus favorable pour le cerveau humain, et sur lequel les commerciaux n’ont pas le temps de s’investir.
Le rôle de l’IA est tout simplement de traiter cette masse de données avec des logiques tirées de l’expérience « business » des commerciaux afin de produire de manière récurrente et systématique des recommandations (ou prédictions) sur le prix ou l’action commerciale la plus pertinente.
Renforcement de la valeur ajoutée de l’humain.
La où s’arrête l’algorithme commence l’activité du commercial, activité indispensable qui ne pourra être remplacée : contextualiser la recommandation et l’utiliser dans une conversation commerciale pour obtenir une décision de son client.
Le commercial va utiliser des informations difficilement capturables par ailleurs (situation économique particulière, projet spécifique du client, changements dans l'offre concurrentielle, ...) et tenir compte du contexte de décision (décideurs multiples, attentes particulières, profils psychologiques ...) pour définir une stratégie d’exploitation de la recommandation.
Comme un analyste personnel.
En conclusion, un algorithme d’IA, pour le commercial (ou tout autre personne disposant d'un savoir spécialisé : juriste, RH ...), joue un peu le même rôle que l’exosquelette pour le manutentionnaire ou l’ouvrier spécialisé : l’humain outillé et renforcé, pas l’humain remplacé. Ce qu'il fait pour le commercial n'a rien de mystérieux et ne propulse personne dans un monde de science fiction, c'est plûtot comme un analyste qui aurait une énorme capacité de travail et accès à toutes les données en y appliquant des raisonnements logiques de segmentation et de comparaison.
Si cela pose une question sur le commercial, c'est celle de ses compétences et de son excellence dans le métier propre de commercial : la capacité d'écoute, l'établissement d'une stratégie de vente, la qualité de la communication, de la conversation, de l'argumentation.
Reférence : Do people trust Algorithms more than companies realize?, Harvard Business Review
Auteur : Philippe Plunian
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