Pas de transformation continue sans Développement Durable de la Ressource Humaine
Ce paradoxe, entre ce qui est est appelé à changer en permanence et ce qui doit apporter une stabilité aux collaborateurs, est au cœur du défi managérial d’aujourd’hui. En effet, l’agilité qui est exigée des collaborateurs pour s’adapter rapidement aux changements de marchés, de produits et de technologies est une fonction directe du développement durable de la ressource humaine (DDRH), c’est-à-dire de la permanence d’une gestion humaine et sociale confiante.
Les bouleversements d’organisation, la réduction des niveaux hiérarchiques, les contractions de coûts, et le développement du travail en réseau, mettent toutes les équipes en tension. Les charges de travail augmentent, les rythmes de changement s’accélèrent, la perception des contributions se trouble et la fatigue gagne du terrain.
Ces tensions accroissent les risques de RPS. Or, trop souvent, les RPS sont traités à chaud faute d’avoir été anticipés. Pourtant, les signes avant-coureurs ne manquent pas. Ce qui fait défaut, c’est l’attention du management à écouter les signaux faibles de leurs collaborateurs. L’introduction d’un peu de bienveillance dans le management peut changer la donne et éviter la brutale confrontation au burn-out en bas, comme en haut, de cycle.
Pour illustrer cette situation, prenons l’exemple récent d’une entreprise en forte croissance où l’impératif d’adaptation des équipes, la demande managériale d’agilité, ne s’est pas accompagnée d’une attention particulière sur le plan humain jusqu’au point où des signes d’essoufflement de certains ont alerté le management.
L’introduction d’un peu de bienveillance dans le management peut changer la donne et éviter la brutale confrontation au "burn-out" en bas, comme en haut, de cycle
Cette entreprise internationale est dans un domaine de la santé qui connaît un fort développement et un taux élevé de recrutement. Face au besoin continu d’adaptation et donc de souplesse de son équipe, le directeur de cette BU a demandé une évaluation du potentiel d’agilité et de résilience (au sens de l’adaptation rapide aux situations nouvelles qui peuvent être perçues comme tendues, difficiles ou adverses).
Le suivi de cette équipe nous a montré que cette croissance élevée a provoqué une dispersion des profils individuels, avec des collaborateurs très agiles et résilients, et des collaborateurs qui s’essoufflaient et tendaient à rester au bord de la route. La moyenne de l’équipe était satisfaisante, mais masquait des individuelles très opposées, dont certaines à risque.
L’attention du manager de l’équipe a permis de poser une mesure à partir des perceptions exprimées par les collaborateurs (100% ont répondu). Ainsi, il a pu mettre à jour le risque de voir certains décrocher, se fatiguer et peut-être un jour craquer face au rythme de changement soutenu.
La validation de son intuition a également permis de dégager des pistes d’action pour créer une plus forte solidarité d’équipe, plus d’occasions de partage et d’écoute mutuelle. Deux axes ont été privilégiés :
- Sur la base du diagnostic qui a fait ressortir également une forte attente d’un jeu d’équipe plus serré, un séminaire interne a été organisé pour veiller à un meilleur alignement des enjeux avec les apports de chacun au jeu collectif. Une formation au management bienveillant a engagé le manager à donner plus de signes de reconnaissance et à créer une plus grande solidarité au sein de l’équipe ;
- Les collaborateurs en situation d’essoufflement se sont vus proposer une formation à l’identification et à l’expression de leurs limites. Savoir dire « non » de manière non conflictuelle s’apprend et aide à mieux gérer son énergie et ses ressources en situation de transformation continue. Apprendre aussi à trouver plus d’appuis, dans et hors de l’entreprise, renouvelle les sources d’énergie et donc de capacité à faire face.
Ainsi la montée des risques de burn out a pu être maitrisée par la mise en œuvre d’une gestion humaine plus confiante et durable. Au total, un peu de bienveillance, l’attention portée à une meilleure intégration de chacun et le développement de la capacité des uns à épauler les autres, ont changé la donne pour dépasser positivement - et en équipe - les écueils d’une transformation devenue permanente.
Alain Richemond, est co-fondateur de RHesilience avec Arnaud Cuilleret. Intervenant HEC Paris et Genève. Membre du Bureau de l’ARFA (Association des Responsables des Fusions Acquisitions des entreprises françaises). Ancien Directeur de l’Observatoire Economique & Stratégique d’ArcelorMittal.
Consultant, coach, auteur, conférencier
8 ansJe suis totalement en accord avec ce que dit Mr Richemond d'autant que j'ai écrit deux livres sur le sujet : RH & DD aux éditions de l'organisation et "Ecomanagement" aux éditions de Boeck université. En traitant l'entreprise comme un système vivant et les collaborateurs comme une ressource précieuse à préserver et développer, les dirigeants créeront les conditions d'une performance économique et humaine plus durable.
Cadre de santé formateur
8 ansJe partage l'idée de l'attention portée à une meilleure intégration de chacun dans l'entreprise en tenant compte de la singularité d'autrui. Le changement bouleverse les habitudes et peut déstabiliser certains. Le management, c'est accompagner le changement et lui donner du sens: - Avant, par la communication: informer et expliquer de façon claire en s'assurant d'avoir été compris par tous. - Pendant, par l'accompagnement sur le terrain servant aussi à mettre en place des ajustements justifiés par la réalité du travail. - Après, par l'observation du retentissement du changement sur les conditions de travail. Satisfaction ou signes de souffrance ? Pour ce faire, il ne faut pas rester dans sa tour d'ivoire mais être accessible, disponible, faire preuve d'ouverture d'esprit et surtout ne pas hésiter à reconnaître les efforts accomplis. Le management durable a encore beaucoup de chemin à parcourir pour que chacun comprenne que c'est du " gagnant-gagnant": un employé motivé, équilibré et épanoui est performant. Je rajouterai même que le management durable contribue à l'engagement et à la fidélisation du personnel.
Excellent article. Malheureusement dans nos entreprises, l'élément dont nous nous soucions le moins est la Ressource Humaine.
Directeur général de INJAZ MOBILITE DEVELOP
8 ansbrillant diagnostique, il mérite une attention particulière de la part des managers. négliger le capital humain abouti à la dégradation des entreprises et même à leurs disparitions.