Pourquoi avons-nous tous vu la même chose et que nous ne sommes pas d’accord ?
Les 6 aveugles et l'éléphant

Pourquoi avons-nous tous vu la même chose et que nous ne sommes pas d’accord ?

La question du vendredi*

La question de ce vendredi part d’un constat que je fais régulièrement et qui fait écho à une réalité que chacun d’entre nous peut vivre. C’est pourquoi j’avais envie de poser quelques idées clés sur ce sujet. En tant que médiatrice je constate que cette question de la « réalité » est généralement au cœur des débats et que cela peut faire monter rapidement l’escalier du conflit si l’on n’y prend pas garde. Le postulat de base que j’aime à partager avant de démarrer est cette phrase de Gandhi

« Chacun à raison, de son propre point de vue, mais il se peut que tout le monde ait tort ».

Une fois cette idée acceptée par tout le monde ainsi qu’une envie partagée de réellement comprendre pourquoi on ne se comprend pas, voici quelques éléments de réponse :

Le premier élément de réponse nous est apporté par la PNL qui nous dit que La carte n’est pas le territoire

Chaque individu est unique, car il possède « sa propre carte du monde » bien différente de celle des autres. Il n’existe pas de carte unique pour se guider dans le vaste monde « des autres ». Nous construisons notre carte depuis notre enfance avec notre inné ainsi que tout ce que nous avons acquis, de nos parents, notre histoire, et tout ce que nous pensons et ressentons de tous nos évènements de vie.

Aucun texte alternatif pour cette image

Notre carte du monde influence nos choix et nos perceptions. Bien souvent, elle nous limite : cette carte mentale donne une représentation partielle et souvent erronée du territoire. La carte représente ainsi la manière dont nous nous représentons NOTRE réalité. 

Les désaccords humains proviennent de cette volonté de s’accrocher à sa carte mentale, comme si elle était une vérité vraie.

Lorsqu’un problème ou un différent entre 2 personnes survient, c’est une invitation à actualiser sa carte mentale.

La plupart du temps nous dépensons plus d’énergie à défendre notre carte, autrement dit à démontrer que l’on a raison, plutôt que de télécharger la nouvelle version de notre logiciel interne pour s’ouvrir à la raison de l'autre. Dans l’absolu cela importe peu de savoir si la carte est juste ou non. Il faut simplement savoir si elle est adaptée à l’endroit où l’on est et/ou à la situation que l’on vit. 

Nos cartes peuvent-elles se contredire ? oui c’est toute la nuance de la palette de gris pour sortir de noir et du blanc. Et s’ouvrir à la raison de l’autre ne veut pas dire nécessairement que l’on est d’accord.

C’est là qu’un 2ème élément de réponse, intervient :

Parlons-nous de faits, ou parlons-nous de valeurs quand nous disons que nous avons tous vu la même chose ?

Si je dis que j’ai vu l’autre manquer de respect à une personne, je porte sur lui un jugement de valeur (il est irrespectueux), tout à fait contestable pour une autre carte du monde. En revanche, si je dis que l’autre ne m’a pas dit « Bonjour » en arrivant, c’est tout de suite plus factuel et non contestable. Ce qui est contestable c’est la manière dont chacun traite cette donnée dans son disque dur : pour certains, ne pas dire « Bonjour » est un vrai manque de respect, pour d’autre « ça peut arriver et ce n’est pas si grave », pour d’autre encore c’est un non sujet.

Donc pour avoir une chance d’être d’accord, restons factuels, et laissons de côté le temps de la discussion pour se mettre d’accord, nos points de vue et interprétations des actes.

Et encore que ! ce n’est pas si simple (sinon ça ne serait pas drôle). En réalité cela dépend de l’angle de vue que l’on a pris pour voir ce que l’on a vu ou entendre ce que l’on a entendu.

Cette fable de l’éléphant illustre très bien je trouve cette idée qu’un fait incontestable dépend de l’endroit où l’on se trouve :

Six aveugles vivaient dans un village paisible au bord de la mer, lorsqu’un éléphant arrive sur la place du village.
Aucun d’entre eux ne savaient ce qu’était un éléphant, alors Ils décidèrent que, même s’ils n’étaient pas capables de le voir, ils allaient essayer de le toucher pour comprendre.
 " Hé ! J’ai tout compris : L'éléphant est un pilier " dit le premier, en touchant sa jambe.
" Oh, non ! ce n’est pas du tout un pilier, puisque c’est souple et fin comme une corde, dit le second, en touchant sa queue.
" Ce n’est pas vrai du tout, C’est large et rugueux comme la branche épaisse d’un arbre " dit le troisième, en touchant sa trompe.
" Pas du tout ! un éléphant, c’est comme un grand éventail " dit le quatrième, en touchant son oreille.
"Mais enfin ! dis le 5ème. Avez-vous tous perdu la notion des choses ! un éléphant c’est comme un mur énorme " dit-il, en touchant son ventre.
" C’est lisse et solide comme un instrument de musique " dit le sixième, en touchant sa défense.
Ils commençaient à discuter, argumenter, chacun d’eux insistant sur le fait d’avoir raison car ils avaient bien constaté par eux-mêmes en touchant l’éléphant que ce qu’il disait était vrai 
Plus personne ne s’écoutait…

La morale de cette histoire, vous l’avez compris, c’est qu’il peut y avoir une part de vérité dans ce que chacun dit. Parfois, nous pouvons voir cette vérité, et parfois non, parce qu’il peut, aussi, y avoir différentes perspectives sur lesquelles nous ne pouvons pas être d’accord.

Alors comment sortir de l’ornière ?

Dans une médiation, lorsque nous ne parvenons pas à un accord sur la « réalité », nous posons alors un accord sur le fait que nous sommes « d’accord sur notre désaccord ». Cela n’a l’air de rien, mais c’est déjà un énorme pas vers la sortie, car il s’agit de Passer de la justice à la justesse puis à la juste solution

Aucun texte alternatif pour cette image

Les pré-requis pour s’acheminer vers la sortie d’un désaccord :

  • Avoir une envie partagée de faire évoluer la situation
  • Se rencontrer pour clarifier la situation, les esprits et les besoins,
  • Faire preuve d’ouverture d’esprit

Enfin, je partage avec vous une technique issue de la méthode P. Viveret que je trouve très efficace.

Lors des débats, je mets à disposition de chaque participant des cartons de 3 couleurs qui permettront au groupe de s’auto réguler, de sortir des émotions et de prendre des temps de réflexion (car chacun écrit les éléments de réponse sur le carton)

·      Carton vert : « j’ai une proposition à faire »

·      Carton blanc : « j’ai une question »

·      Carton rouge : « je vois ce qui bloque le débat »

 Puis le médiateur, anime le débat et liste les points d’accords et de désaccords. Pour terminer toutes les parties prenantes réfléchissent à cette question :

« Qu’est ce qui doit absolument être pris en considération dans le point de vue de l’autre, que vous ne partagez pas »

Si tout se passe toujours bien à ce stade là, on peut commencer à s’orienter vers une recherche commune de solutions et pourquoi pas, se demander ce que cette divergence de point de vue au départ, va permettre de construire dans la relation. (je suis de nature optimiste ;-)

Et si toutefois, il n’y a aucune recherche de solution envisageable, alors il est toujours possible de s’excuser.

Et pour citer une expression lue récemment dans le groupe #burnout de linkedin

S’excuser ne veut pas dire que je suis totalement en faute ou que l’autre à totalement raison,
S’excuser veut simplement dire que je fais passer la relation AVANT mon point de vue.

Alors je dis Merci à tous ceux qui sont capable de faire cette démarche de s’excuser : ils permettent de faire avancer vers un monde meilleur.

Alexia Dumonceau

Conseil – Formation – Coaching – Facilitation – Médiation

www.chrysaleads.com


La question du vendredi

* La question du Vendredi est issue de mes rencontres de la semaine sur le terrain. C'est une question qui m'a été posée et qui m'interpelle. Elle peut être tout aussi bien philosophique, pragmatique, existentialiste, économique…. Si celle ci vous parle, l'objectif est que vous puissiez enrichir les éléments de réponse avec votre propre expérience


Gregory-William Flamant

Team Leader chez Vitalliance

4 ans

"S’excuser veut simplement dire que je fais passer la relation AVANT mon point de vue." Et ça je trouve que ce n'est pas facile... Malgré tout, quand on envie de faire avancer les choses, c'est nécessaire. Il faut savoir prendre sur soi ! Bravo pour cet article, vraiment top. C'est un peu un combat de toute une vie. Faire comprendre aux autres que l'on ne cherche pas forcément à avoir raison, que l'on comprend leur point de vue mais que malgré tout, on n'est pas d'accord... C'est rare je trouve, les personnes capables de prendre de la hauteur sur une situation pour relativiser, accepter la vision de l'autre pour faire avancer le débat.

Bettina SOULEZ CHASTEL

Podcaster, Auteur (Eyrolles, Dunod, L'harmattan...), Formateur, Consultante : communication écrite ou orale, positive et assertive. Réseaux. Animatrice de débats. Accompagnement individuel. Certifiée ECPA, Le Golden.

4 ans

Magnifique démonstration... et bravo pour l'idée des 3 cartons.  Merci, Alexia.

Françoise Doutres

Spécialiste FOH, Ergonome Technicentre Industriel Hellemmes

5 ans

« L’ouverture d’esprit n’est pas une fracture du crâne » j’adore! Effectivement on ne risque rien, sauf de s’enrichir. Merci pour ces infos sur la carte mentale et ses pièges

Alexandra VAZQUEZ CAUCHY

Esthéticienne Dermographiste experte en dermopigmentation correctrice et esthétique Tatouage 3D post mastectomie

5 ans

Cela m’a toujours intrigué !!!

Frédéric DUPUY

Directeur Fondateur de l'IDEE Collège, établissement laïc du second degré privé hors contrat

5 ans

Merci à vous deux pour ces éclaircissements.

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Alexia Dumonceau - Architecte de la Relation

Autres pages consultées

Explorer les sujets