Pourquoi la transmission est-elle importante pour moi?
L’être humain est une espèce qui transmet et pour qui la transmission est au cœur de son humanité. Donner, recevoir, redonner en retour, est le propre de l’humain et participe au déploiement de sa dignité et de son intelligence.
À travers les âges, les formes de transmission et de communication se sont grandement transformées. De l’art pariétal dans les grottes, au téléphone cellulaire, en passant par l’oralité et les scribes, le transfert des connaissances a emprunté divers moyens. En cours de route se sont entre autres perdus, du moins dans les sociétés occidentales, la notion de rite de passage lié à des croyances spirituelles, religieuses ou à des organisations professionnelles.
Avant l’arrivée des outils modernes, la relation de dépendance entre les générations pour transmettre les savoirs était inévitable pour assurer la survie. Aujourd’hui, avec les nouvelles technologies de communication, l’accès au savoir est libéré de ce lien de dépendance avec l’expérience humaine. Avec l’arrivée d’internet, par exemple, la transmission du patrimoine immatériel, propre au vécu expérientiel des individus, n’avait plus la même portée, car assurée par un autre médium. Ce que grand-maman pouvait nous apprendre de son époque, nous pouvons maintenant le consulter en ligne sans problème. De plus, la connaissance est maintenant stockée sur un médium que l’on considère comme durable, comparativement aux livres anciens, aux gravures ou aux télégraphes. Cette crainte de perdre le savoir n’encourage donc plus la collecte de ce même savoir auprès de ceux qui le possède. À mon avis, ces nouveaux moyens, quoique formidables pour diffuser et élargir les connaissances, participent à la désincarnation des savoirs. Pour moi, écouter une personne me parler d’un sujet est cent fois plus riche que de lire un article en ligne sur ce même thème, parce que cela implique la rencontre et la réciprocité. Ce sont ces liens qui se sont transformés avec le temps, puisque les moyens de communiquer se sont déshumanisés. C’est vrai qu’il est bon d’avoir accès à toutes les connaissances du bout de nos doigts de façon instantanée; mais à quel prix?
Je ne sais pas si on peut parler de crise de la transmission. Je ne suis pas experte en la matière. Ce que je remarque, par contre, c’est cette transformation des liens entre les humains et du partage de leur expérience dans un souci d’entraide et de solidarité. N’étant pas fan de la nostalgie d’époques révolues, je ne vois pas en la transmission un outil pour louanger un temps qui n’est plus. Par contre, je me sens parfois vide face à cette instrumentalisation de la connaissance qui ne porte plus la curiosité d’aller plus loin que le simple contenu. Mais où est donc passé ce vécu qui humanisait l’Homme? Celui que porte en eux chaque être humain et qui peut, chacun à leur façon, proposer de nombreuses lumières pour autrui. Où sont donc passé les échanges, les débats et les récits qui jadis encadraient notre quotidien. Outre la transmission du monde matériel, comment pouvons-nous redonner son blason d’or à toutes ces découvertes, ces sentis et ces savoirs que seule l’expérience de la vie et sa rencontre peut engendrer?
J’ai fait le choix d’axer ma vie sur la transmission, parce que je crois sincèrement et passionnément que chaque existence humaine peut nous apprendre quelque chose sur soi et sur ce qui est plus grand que soi dans l’existence. Je reste convaincue que la rencontre entre les êtres est la plus grande source mutuelle d’éveil et de conscience.