Pourquoi les plateformes dites blockchain ont besoin d’une gouvernance centralisée ?
Récemment, lors de la Paris Blockchain Week, nous avons pu assister à un certain nombre de conférences sur la blockchain et les projets menés par les différents groupes. Le constat est presque le même pour tous les projets, la blockchain transforme les façons de travailler.
La Blockchain par essence nécessite l’implication de l’ensemble des acteurs.
En effet, fondamentalement, la Blockchain, plutôt la Distributed Ledger Technology dans le cas de la plupart des projets, rend accessible sur un seul réseau partagé les données à l’ensemble des acteurs. La décentralisation de l’information implique donc que les acteurs deviennent parties prenantes au projet.
La relation n’est plus uniquement client / fournisseur ou partenariat bilatéral, mais bien partenariat entre tous les acteurs, et notamment ceux qui étaient jusque là (et qui resteront) compétiteurs. On parle donc de « copétition ». Un mélange de collaboration et de compétition.
La copétition comme facteur d’accélération pour le projet.
Les entreprises utilisent depuis plusieurs années la méthode appelée Brainstorming pour faire évoluer ses process et innover. Cette méthode est efficace mais peut se voir contrainte par des limites liées à la culture de l’entreprise et une difficulté à sortir du cadre de son propre environnement.
En faisant entrer des équipes concurrentes dans le processus de création, cela permet d’avoir une vision différente et d’enrichir le produit. La majorité des projets ayant une vocation qui dépasse les frontières françaises voir de l’Europe, ceux-ci intègrent donc une dimension culturelle supplémentaire à la simple culture d’entreprise.
D’autres projets blockchain impliquent dès le départ clients et fournisseurs. Cela permet la mise en commun et les discussions sur les problématiques que le projet souhaite résoudre.
Nous nous retrouvons donc avec une équipe symbole de la diversité culturelle composée de spécialistes. Une vraie force pour le projet.
Seulement, la diversité complexifie la prise de décision.
La diversité se retrouve donc à plusieurs niveaux : Clients, Fournisseurs, Compétiteurs locaux, Compétiteurs ayant une approche culturelle différente… Chaque établissement souhaitant influer sur les développements qui lui seront les plus bénéfiques, nous nous retrouvons donc dans une problématique d’alignements d’intérêts.
Difficile donc d’aligner les acteurs et de servir les intérêts de chacun.
Une plateforme décentralisée gérée par une structure centrale.
Pourquoi une structure centrale ? On parle de Distributed Ledger Technology, donc de décentralisation de l’information ! La centralisation s’avère nécessaire pour permettre la bonne coordination des acteurs et l’harmonisation des processus. Pour pouvoir se parler, il faut parler le même langage, et donc dans notre cas, avoir les mêmes processus (au moins sur la plateforme).
Pourquoi pas une structure indépendante ? L’indépendance est presque impossible à mettre en place en raison du besoin de l’implication des acteurs. Mettre en place une platforme blockchain dans « son coin » sans prendre en compte dans les phases de design thinking, de développement et de tests est actuellement une aberration ! Une platforme en mode DLT a besoin de créer un écosystème complet pour garantir un minimum d’utilisation. Et même avec cet écosystème, il n’est pas garanti que l’adoption de la plateforme se fasse. A ce jour le succès des projets blockchain n’est pas assuré.
La Blockchain (ou plutôt la DLT) nécessite donc de travailler sur le modèle de gouvernance.
Nous venons de le voir, la DLT nécessite de mettre en place une structure opérationnelle centrale. Une joint venture à plusieurs membres. Mais cette société créée va devoir contractualiser avec les parties qui ont aidé à la construire et qui pour la plupart des cas sont toujours actives dans son développement. Nous nous retrouvons dans une situation complexe d’actionnaire mais aussi client. Et les intérêts ne sont pas toujours alignés même avec un seul acteur.
En synthèse, la blockchain apporte une nouvelle façon de travailler.
Sa force réside dans la diversité des acteurs qui vont pouvoir apporter de la valeur pour les utilisateurs. Malgré le but de limiter les couches et de mettre tous les acteurs au même niveau, il reste nécessaire d’avoir une entreprise qui donne le « la » pour faire avancer le projet ou le développement de la plateforme. L’avenir nous dira si les modèles utilisés actuellement sont finalement viable. En attendant, ces projets sont passionnants et l’engagement qu’y apporte les équipes est extraordinaire.
N’hésitez pas à commenter cet article pour faire votre propre retour sur les projets auxquels vous participez.
J’écris ces articles à titre personnel pour partager ma passion de l’innovation, ils n’engagent en aucun cas mon entreprise.
CEO chez Ayto Consulting / Administrateur indépendant /Maire Adjoint Gif sur Yvette / Strategic Advisor chez Skaleet / Président SEQINO
5 ans😊
Fabien Faivre on en parlait hier
Chief of Staff to the Group Chief Strategy & Development Officer | Group Executive Board Member
5 ansMerci beaucoup pour ce retour d’expérience très intéressant et particulièrement pertinent Charles Foucque. Je partage la vision et l’analyse. Sur l’ensemble des projets DLT que j’ai pu voir, c’est bien à chaque fois la gouvernance et pas (seulement) la technologie qui est au cœur du débat. La notion de « copétition » est essentielle mais reste un vrai challenge pour l’ensemble des acteurs, notamment lorsque ceux-ci sont de natures et de secteurs différents. Un modèle de gouvernance centralisée est nécessaire à condition de dépasser la tension entre représentativité des différents acteurs et efficacité dans la prise de décision. Le modèle de joint-venture s’applique effectivement assez bien même s’il pose la question de la répartition de l’actionnariat et du company board. On peut également penser à un modèle hybride, par exemple une fondation (ou autre entité indépendante) pour s’assurer de la bonne gestion des éléments communs à toutes les parties prenantes, voir même garantir une certaine éthique de bonne conduite, et une entreprise "classique" (JV ou autre) pour opérer la plateforme. Je pense notamment au modèle de R3, un consortium ayant délégué une partie de son IP à la Corda Network Foundation. Sujet passionnant autour de ces nouveaux modèles de gouvernance et de collaboration, et dont nous ne sommes qu’aux prémisses … Damien de Chillaz